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E-dossiers

Bombardement de La Moneda (palais présidentiel)

Le coup d’État de Pinochet. La mort violente de la «vía chilena al socialismo»

Depuis la fin des années 1960 le Chili se trouve dans un processus démocratique tendu, comme le montrent les informations de l’Ambassadeur de Suisse à Santiago (dodis.ch/33920). Le 4 septembre 1970, Salvador Allende remporte les élections populaires et est confirmé comme président le 24 octobre. Pour l’Ambassadeur, le candidat doit sa victoire à «une cuisine sordide» entre partis de la gauche (dodis.ch/66500).  L’expérimentation Allende  Durant les presque trois années de présidence d’Allende, premier président arrivé au pouvoir démocratiquement avec un programme d’inspiration marxiste, le Chili tente de proposer «une nouvelle voie vers le socialisme». Celle-ci passe par le renforcement de la politique de chilénisation de l’économie, ce qui représente une menace de nationalisation pour les grandes entreprises étrangères. Berne juge que pour Nestlé par exemple «le risque, certainement réel, subsiste à l’heure actuelle» (dodis.ch/36557).  Austérité des créanciers  Mais le Chili fait rapidement face à une pression des créanciers internationaux et «se trouve dans les pires difficultés» pour s’acquitter de ses dettes extérieures (dodis.ch/36452). Pour la Suisse, c’est la politique menée par la gauche qui a conduit le pays à cette situation catastrophique. Au Club de Paris, la Suisse suit donc l’avis «essentiellement influencé par les principaux pays créanciers, à savoir les USA, la RFA et le RU» et vote pour un rééchelonnement de la dette conditionné à une cure d’austérité (dodis.ch/36548).  Stratégie de la tension  Cependant, si une partie de la population voit d’importantes avancées sociales se concrétiser, en face les élites économiques chiliennes perdent une grande partie de leur pouvoir. L’escalade de la violence, soutenue en partie par la CIA, crée une tension extrême dans le pays. Les «convulsions dont la capitale chilienne a souffert» se concrétisent même en une première tentative de putsch le 29 juin 1973 (dodis.ch/66949).  Le coup d’État du 11 septembre  En réaction à ces événements, le gouvernement décrète l’État d’urgence. Dès lors, la situation ne fera qu’empirer. Le 11 septembre 1973, un groupe de généraux menés par Augusto Pinochet déclare prendre le contrôle du pays pour éviter la guerre civile. Le coup d’État, qui provoque le suicide d’Allende, est rapidement suivi d’une répression féroce contre des larges pans de la population (dodis.ch/38247). Le Conseil fédéral refuse cependant toutes condamnations du coup d’État, au motif que «la Suisse ne reconnaît pas des gouvernements, mais seulement des États» (dodis.ch/66950).  L’Ambassadeur Masset  Comme on peut le lire de la plume du Ministre des affaires étrangères suisse, le Conseiller fédéral Pierre Graber, l’attitude hostile de l’Ambassadeur de Suisse à Santiago, Charles Masset, à l’égard du gouvernement d’Allende atteint son apogée dans le rapport qu’il délivre après le coup d’État (dodis.ch/38247). Aveuglé par son anticommunisme, l’Ambassadeur demeure une figure centrale et problématique des relations Suisse-Chili durant cette période. Il considère faire face au «déroulement du processus révolutionnaire qui vise à l’instauration d’une dictature marxiste» et décrédibilise la politique chilienne dans chacun de ses rapports à Berne (dodis.ch/38246).  L’exil d’un peuple  Contrairement à ce que les généraux avaient annoncé lors du coup d’État, la junte garde le pouvoir. La répression organisée contre toute forme de résistance à la dictature provoque un exode massif de la population chilienne. Pour justifier son manque d’élan humanitaire envers les personnes tentant de trouver refuge à l’Ambassade, Masset rapporte que «la présence d’asiliés complique beaucoup la vie du chef de mission, plus encore celle de son épouse» (dodis.ch/38252). Inversement, en Suisse les ONG, la société civile ainsi que des personnalités comme l’écrivain Max Frisch se mobilisent pour accueillir les réfugiés du Chili (dodis.ch/C2560).  Intérêts étrangers  La junte de Pinochet jouit au niveau international de facilités auxquelles le régime d’Allende n’avait pas eu accès. La Suisse participe au mouvement et accorde des rééchelonnements de la dette plus favorables (dodis.ch/38276). Dès la deuxième moitié des années 1970, les relations économiques bilatérales connaîtront un véritable boom  - comme l’écrit l’Ambassade «d’excellentes possibilités d’investissements se présentent actuellement» - qui se poursuivra jusqu’à la fin de la dictature (dodis.ch/51266).  Plus sur le Coup d’État: dodis.ch/C2544 Plus sur la question de l’asile : dodis.ch/C2560
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Signataires du traité de Lausanne, 24 juillet 1923, © Francis de Jongh, BCUL/Iconopôle, Photo Elysée

Le Traité de Lausanne

Dernière des grandes conférences de paix qui reconfigurent le monde à la suite de la Première guerre mondiale, la conférence de Lausanne voit arriver sur les rives du Léman des centaines de diplomates, journalistes, militantes et militants pendant des mois de négociations acharnées sur le futur du Moyen-Orient. En effet, la situation au moment d’entamer les pourparlers est brulante et la signature du traité le 24 juillet 1923 n’amène pas la paix espérée.  Refus du traité de Sèvres  À l’origine, au sortir de la Première guerre mondiale, c’est à travers le traité de Sèvres que les vainqueurs pensaient administrer les ruines de l’Empire ottoman. La France et la Grande-Bretagne découpent les morceaux à leur goût et laissent entrevoir aux peuples arménien, kurde, turque et grec l’idée d’États nationaux sur les décombres de l’Empire. Face à cette mise à sac du vaincu, des groupes nationalistes turques, menés par Mustafa Kemal Atatürk, refusent le traité de paix et reprennent le chemin de la guerre, contre le Sultan comme contre la Grèce. Il est déjà alors clair que la paix sera «une œuvre de longue haleine» (dodis.ch/44692).  Naissance de l’État turc  Lorsque l’armée grecque est défaite en 1922, les signataires du traité se voient obligés de revenir à la table des négociations. Cette fois-ci, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie sont accompagnées du Japon et signent avec l’émissaire d’Ankara un traité qui inclut également la Roumanie et les Royaumes de Grèce, des Serbes, Croates et Slovènes et de Bulgarie. De fait, la nouvelle Turquie d’Atatürk se voit internationalement reconnue. Le choix de Lausanne: entre neutralité…  Dans un premier temps, les parties pensent se réunir à Smyrne, mais la Turquie ne parvient pas à convaincre les puissances occidentales. L’idée d’une ville suisse – Lausanne ou Lugano – apparait progressivement chez les grandes puissances (dodis.ch/65867). La neutralité suisse est un argument important, ainsi que son hôtellerie. Le 27 octobre 1922, soit deux semaines seulement avant le début de la conférence, le Conseil fédéral est sondé par l’Ambassade de France à Berne et donne immédiatement son accord (dodis.ch/66193). La préparation de la conférence se fait donc dans la hâte (dodis.ch/65868).  …et intérêts financiers suisses  Pour la Suisse, l’aspect géopolitique d’héberger la conférence n’est pas évident. Les intérêts privés, eux, sont satisfaits de ce choix. En effet, la Banque des Chemin de fer orientaux du Zurich, qui a investi et financé la construction de plusieurs compagnies de chemin de fer en Anatolie et en Asie Mineure, est inquiète que ses intérêts ne soient pas représentés et défendus lors de l’application du traité de Sèvres (dodis.ch/C2529). Les conséquences pour la Suisse  C’est donc sans grand entrain que le Conseil fédéral décide, le 17 novembre, de déléguer le Président de la Confédération pour tenir le discours d’ouverture de la conférence (dodis.ch/44876). Durant les neuf mois de la conférence internationale qui prend place à Lausanne, la diplomatie suisse est très en retrait. Si la question des capitulations l’intéresse (dodis.ch/44884 et dodis.ch/65537), tout comme la possibilité de tisser des liens économiques avec le nouveau régime d’Ankara (dodis.ch/65861 et dodis.ch/44936), son engagement reste très modeste.  L’affaire Conradi  C’est finalement une affaire en marge de la conférence qui va défrayer la chronique en Suisse et à l’étranger: l’affaire Conradi. Maurice Conradi, fils d’une famille grisonne émigrée, qui a servi en Russie dans l’Armée blanche avant de rentrer en Suisse, assassine le diplomate soviétique Vatslav Vorovski le 10 mai 1923 dans l’Hôtel Cécil à Lausanne (dodis.ch/T1481 et l’e-dossier). Le procès et l’acquittement de Conradi ont un écho plus grand que la conférence en elle-même. Pour la Suisse, cela empire définitivement les relations déjà mauvaises avec l’URSS. Signature au Palais de Rumine  Le traité est finalement signé un mois après cet événement, le 24 juillet 1923 à Lausanne, au Palais de Rumine. Indirectement, à travers ce traité, la Suisse est amenée à reconnaître l’État moderne turque, mais aussi égyptien (dodis.ch/44959), alors que d’autres aspirations à l’indépendance post Empire ottoman sont balayée par la conférence. Plus tard, face à la prise de pouvoir complète des kémalistes en Turquie, le Sultan déchu de l’Empire ottoman viendra chercher refuge en Suisse (dodis.ch/44967). Les sources iconographiques qui illustrent cet article sont issues de l’exposition Frontières du Musée Historique Lausanne (MHL), à visiter dès maintenant et jusqu’au 8 octobre 2023.
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Pont sur le Rhin Sevelen-Vaduz

Le traité douanier avec le Liechtenstein

Voilà 100 ans, le plus petit des États voisins de la Suisse scelle son destin: coincée entre la Confédération et l’Autriche, la principauté du Liechtenstein décide de se tourner vers la première et signe avec elle, le 29 mars 1923, le traité d’union douanière. «Ce traité est la pierre angulaire des relations étroites qu’entretiennent, aujourd’hui encore, les deux États», explique Sacha Zala, directeur du centre de recherche Dodis.  Remplacer l’Autriche  Le traité de 1923 trouve son origine dans l’effondrement de l’Autriche-Hongrie à l’issue de la Première Guerre mondiale. La chute de l’empire des Habsbourg marque la fin de l’union douanière entre la double monarchie et la principauté du Liechtenstein. Souhaitant une réorientation vers l’ouest, le prince Karl de Liechtenstein fait part à la Suisse, dès mai 1919, de son intention: «Voir la Principauté contracter avec la Confédération les arrangements qui l’unissaient jusqu’ici avec l’Autriche (douanes, postes, etc.).» Dans le même temps, il espère aussi obtenir l’accréditation d’un représentant diplomatique à Berne, de même que la représentation de la principauté par la Suisse à l’étranger (dodis.ch/44151).  Le Liechtenstein représenté par un Suisse à Berne?  Le prince Karl propose justement le Bernois Emil Beck en qualité de chargé d’affaires du Liechtenstein à Berne, ce qui pose aux autorités suisses une délicate question: «Pouvons-nous accepter un représentant diplomatique qui est notre national?» En la matière, des précédents existent, par exemple avec le Guatemala (dodis.ch/44154). Le Conseil fédéral charge néanmoins les légations suisses à Rome, Paris, Londres et Berlin de sonder les gouvernements des pays respectifs sur leurs vues quant à une représentation diplomatique du Liechtenstein par la Suisse (dodis.ch/44323). En novembre 1919, la décision est prise: «Toutes les réponses ont été favorables» (dodis.ch/44357).  Le Vorarlberg, une question toujours pendante  La Suisse hésite sur la forme à donner au traité douanier, du moins tant que la question du rattachement du Vorarlberg voisin à la Suisse n’est pas fixée. «Une union douanière avec la Principauté du Liechtenstein n’est envisageable que si le Vorarlberg est également rattaché à la Suisse», écrit le directeur des douanes suisses au président de la Confédération Calonder en mai 1919 (dodis.ch/44194). De l’avis des observateurs internationaux, il est en revanche évident que «si le Vorarlberg demeure rattaché à la République d’Autriche, rien n’empêche le Lichtenstein de conserver sa position antérieure. Il resterait un État souverain.» Pour cause, si le Vorarlberg devait rejoindre la Suisse, la principauté serait contrainte à une dépendance comparable à celle de Saint-Marin vis-à-vis de l’Italie: «Il appert que le Lichtenstein cesserait d’entretenir de quelconques relations indépendantes avec d’autres États» (dodis.ch/55495). L’envoyé de Suisse à Vienne en arrive à la même conclusion: «Si le Vorarlberg est suisse, le Liechtenstein le deviendra certainement aussi» (dodis.ch/44167).  «Une pure question d’appréciation»  La question du Vorarlberg se dénouant avec le maintien de ce dernier en Autriche, les négociations commencent à s’accélérer avec le nouveau traité postal conclu en 1921 entre la principauté et la Suisse. Dans un rapport, le Département des finances et des douanes se prononce en faveur de l’ouverture des négociations, les «conditions géographiques préalables» étant remplies et au vu de «l’homogénéité de la population […] dans ses mœurs et dans ses habitudes» (dodis.ch/44700). Le Conseil fédéral se montre plus prudent: pour la Suisse, le rattachement douanier «n’apporte pas d’avantages significatifs et n’entraînera pas d’inconvénients notables. Il s’agit donc de la pure question d’appréciation de savoir si la Suisse veut rendre service à ce petit pays.» Quoi qu’il en soit, des années après la première demande du Liechtenstein, l’heure est venue de «prendre une fois position sur la question» (dodis.ch/44800). Le 29 mars 1923, le traité d’union douanière entre la Suisse et le Liechtenstein peut enfin être finalement signé solennellement (dodis.ch/63042).  Des relations étroites mises à l’épreuve  Par la suite, les relations étroites entre la Suisse et la principauté du Liechtenstein sont régulièrement mises à l’épreuve. Par exemple, lors de la «Märzkrise» de 1938, lorsque les troupes allemandes occupent l’Autriche (dodis.ch/46503). Ou parce que les produits liechtensteinois sont toujours qualifiés de «suisses» (dodis.ch/62590). La place d’armes de Saint-Luzisteig, proche de la frontière, donne lieu quant à elle à des litiges répétés (dodis.ch/62584) – en 1968, quand la Suisse bombarde par erreur le Liechtenstein, l’événement provoque même des «manifestations anti-impérialistes» aux États-Unis d’Amérique (dodis.ch/36177). Les scandales financiers et bancaires des années 1970 entraînent également des complications politiques (dodis.ch/62577). Sans oublier l’émancipation croissante de la principauté en matière de politique étrangère: dès 1990, le Liechtenstein adhère à l’ONU (dodis.ch/C1854); et en décembre 1992, alors que la Suisse refuse de justesse l’adhésion à l’Espace économique européen, le peuple liechtensteinois se prononce pour cette adhésion seulement quelques jours plus tard (dodis.ch/C2487).  «Une étroite interdépendance de voisinage»  «Ces crises ont, dans le même temps, offert de nouvelles occasions d’approfondir cette relation particulière», souligne Sacha Zala. La «Märzkrise» conduit à l’extension au Liechtenstein des prescriptions suisses en matière de police des étrangers (dodis.ch/47170); en 1954, un accord sur l’AVS est signé (dodis.ch/10605); les collaborations sportives se sont approfondies (dodis.ch/60472); et, en 1980, les deux voisins concluent un nouvel accord monétaire (dodis.ch/62564). «Le traité douanier de 1923 a posé la première pierre de cette étroite et désormais centenaire interdépendance de voisinage», résume Sacha Zala. 
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L'ambassadeur Jolles et le Conseiller fédéral Brugger (depuis la gauche) lors de la signature de l'accord de libre-échange avec la CEE le 22 juillet 1972, dodis.ch/50546

L’accord de libre-échange avec la CEE

«Un jalon de l’histoire», voilà ce dont il s’agit pour la rédaction de la «Weltwoche», pour qui l’importance du moment est comparable à celle du Pacte fédéral de 1291, de la bataille de Marignan, de la paix de Westphalie, du Congrès de Vienne et de la fondation de l’État fédéral en 1848 (dodis.ch/36211). Cet événement que l’hebdomadaire zurichois a instantanément fait entrer au panthéon de l’histoire suisse, c’est l’accord de libre-échange avec la Communauté économique européenne (CEE), que le Conseiller fédéral Ernst Brugger signe au nom de la Suisse il y a 50 ans, le 22 juillet 1972, à Bruxelles. Cet accord représente «une étape décisive dans nos efforts traditionnels pour collaborer à l’intégration de notre continent dès lors que nous sommes en mesure de le faire dans le respect de la démocratie directe, des compétences parlementaires et de la neutralité de notre politique étrangère», souligne Brugger dans son discours (dodis.ch/36209). «Liens particuliers» de la CEE avec les «non-candidats» «L’horizon d’un premier élargissement de la CEE s’est dégagé en 1969 avec la levée du véto de la France à l’adhésion de la Grande-Bretagne», explique Sacha Zala, directeur du centre de recherche Dodis. En parallèle des négociations d’adhésion avec le Royaume-Uni, ainsi que le Danemark, l’Irlande et la Norvège, Bruxelles engagent des pourparlers en vue de l’«établissement de liens particuliers» avec les «non-candidats» que sont les États de l’AELE (Autriche, Finlande, Islande, Portugal, Suède et Suisse) (dodis.ch/36161). Il s’agit d’éviter une fragmentation économique de l’Europe occidentale; toutefois, l’étendue de la participation des États précités au projet d’intégration européenne n’est pas encore fixée lorsque débutent les discussions exploratoires. Les négociateurs suisses perçoivent ainsi un «éventail de solutions possibles avec la CEE» allant d’une «issue proche de l’adhésion» à un «traité commercial ordinaire» (dodis.ch/36157). Participation institutionnelle de la Suisse? Dans sa déclaration d’ouverture de novembre 1970 à Bruxelles, le Conseiller fédéral Brugger souligne le «haut degré d’interdépendance économique qui unit la Suisse et la CEE», notamment sur le plan des échanges de marchandises: 75% des importations suisses proviennent de la CEE, tandis que 60% des exportations helvétiques y trouvent leur débouché – «une somme atteinte par aucun des autres États tiers» (dodis.ch/36161). Le négociateur en chef de Brugger, le Directeur de la Division du commerce du Département fédéral de l’économie publique Paul Jolles, sait que tant la Suisse que la Communauté européenne (CE) s’engagent sur un terrain inconnu. Il résumera en des termes qui, 50 ans plus tard, sont toujours d’actualité, la tâche qui se présente alors: «Le problème le plus difficile sera sans aucun doute l’organisation de la participation institutionnelle de la Suisse au processus d’intégration» (dodis.ch/35774). Résultats de l’accord Aucune solution institutionnelle globale n’a finalement été trouvée. Le 22 juillet 1972, le Conseiller fédéral Brugger signe un accord qui «ne prévoit aucune participation à l’intégration politique de l’Europe». En revanche, l’accord exempte de droits de douane et fixe les règles de concurrence pour plus de 90% des exportations suisses vers la CEE (dodis.ch/36210). Le «règlement du délicat problème du ‹Swiss made›» était l’une des conditions préalables de la CEE, dont l’épilogue intervient avec l’accord sur les produits horlogers conclu deux jours auparavant (dodis.ch/35586). Pour autant, comme le résume le négociateur Jolles, l’accord ne permet pas «le règlement des problèmes de deuxième génération (par exemple la politique monétaire, la politique énergétique, la politique environnementale, la politique des transports)». Cela dit, l’accord pose malgré tout la première pierre d’«une relation durable avec des possibilités de consultation» avec la CEE (dodis.ch/34608). «Évolution irréversible vers l’Europe» La Suisse, pour faire pression sur la CEE dans le cadre des négociations, a recouru à l’envi à l’argument de la menace d’un rejet en votation populaire. Ce n’est toutefois pas que pour se sauver la face à l’extérieur que le Conseil fédéral soumet finalement l’accord de libre-échange au référendum obligatoire. «Cet accord renforce également notre coopération européenne à long terme», plaide le ministre de l’économie Brugger devant le Conseil fédéral, «et nous nous lions – ne fût-ce ‹que› par un accord de libre-échange – à une communauté de plus de 300 millions de personnes». La résiliation de l’accord par la Suisse sera «irréalisable pour des motifs pratiques». Le ministre de l’intérieur Hans-Peter Tschudi ajoute pour sa part que l’«accord avec la CEE marque le début d’une évolution de notre pays vers l’Europe; évolution qui est pour beaucoup irréversible» (dodis.ch/35778). Droits populaires et politique étrangère La votation sur l’accord de libre-échange est aussi le prélude à l’extension prévue des droits populaires en matière d’organisation de référendum sur les traités internationaux. D’une manière croissante, les décisions de politique européenne sont subordonnées à l’approbation du souverain. Cet état de fait conduit le Conseil fédéral à décider, dès le début des négociations, la mise en œuvre d’une politique de communication renforcée devant permettre «un climat d’intérêt, d’ouverture et de compréhension pour les grands problèmes qui engagent le destin du pays». L’objectif est clair: «Il ne s’agit en aucun cas de faire œuvre de propagande, mais essentiellement didactique» (dodis.ch/35368) Dans ce contexte, le titre que le Bureau de l’intégration – principal organe en charge des relations avec Bruxelles – donne à l’une de ses notices est pour le moins savoureux: «Ce qui ne doit pas être dit dans l’information au peuple sur l’accord Suisse-CEE» (dodis.ch/36230). Le 3 décembre 1972, le peuple et les cantons approuvent finalement l’accord de libre-échange par 72.5% des voix. «La politique européenne du Conseil fédéral n’a depuis lors plus jamais reçu pareille légitimation», résume Zala, le directeur de Dodis. «Le peuple a empêché une intégration plus poussée de la Suisse lors de la votation sur le traité de l’EEE en décembre 1992».
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De gauche à droite: les présidents Chouchkevitch (Bélarus), Karimov (Ouzbékistan) et Nazarbaïev (Kazakhstan) avec le président Felber lors d'une réception à Davos le 1er février 1992. Source: dodis.ch/60614.

La disparition de l’URSS et la reconnaissance de ses États successeurs

Il y a exactement 30 ans, le 23 décembre 1991, la Suisse était l’un des premiers pays à reconnaître les États qui succèdent à l’Union soviétique. «C’est, avec la reconnaissance précoce de la République populaire de Chine le 17 janvier 1950, l’un des rares écarts à la politique habituelle de reconnaissance de la Suisse», explique Sacha Zala, directeur du centre de recherche Documents diplomatiques suisses (Dodis). Appliquant une ligne directrice quasi sacrée du «ni dans les premiers, ni dans les derniers», le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) s’est en général tenu à l’écart des questions de reconnaissance. Et Thomas Bürgisser, responsable de la rédaction du volume de l’année 1991 des Documents diplomatiques suisses (à paraître bientôt), de rajouter: «Il est même plutôt étonnant que la Suisse ait agi avec une telle promptitude ce 23 décembre et qu’elle soit parmi les tout premiers États à reconnaître l’indépendance des anciennes républiques soviétiques». Jusqu’en 1991, l’URSS est composée de 15 républiques fédérées qui, de jure, jouissent de droits de souveraineté étendus, tandis qu’elles sont, de facto, subordonnées au pouvoir central de Moscou. Coup d’envoi dans les pays baltes La chute de l’empire soviétique en 1991 se produit à une vitesse vertigineuse. Ouvrent la voie les républiques baltes d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie, aux velléités d’indépendance desquelles le pouvoir central s’est violemment opposé jusqu’au putsch manqué, en août, à Moscou (dodis.ch/C1951). Le 28 août, le président de la Confédération Flavio Cotti peut informer les présidents de ces trois pays de la décision du Conseil fédéral, selon laquelle «la Suisse établira des relations diplomatiques complètes avec les trois républiques baltes indépendantes» (dodis.ch/C2196). Du 3 au 6 septembre 1991, une délégation menée par l’ambassadeur Jenö Staehelin, chef de la Division politique I du DFAE, effectue un voyage à Tallinn, Riga et Vilnius afin de formaliser le rétablissement des relations diplomatiques par un échange de lettres (dodis.ch/57645). Création de la Communauté des États indépendants Le processus d’érosion de l’empire soviétique se poursuit inexorablement. Le 8 décembre 1991, les présidents de la Russie, du Bélarus et de l’Ukraine fondent la «Communauté des États indépendants» (CEI) dans le cadre des accords de Minsk. À cette occasion, ils constatent sans ambages que l’Union soviétique «en tant que sujet de droit international et en tant que réalité géopolitique met ainsi fin à son existence» (dodis.ch/60365). Dans la foulée, le DFAE délibère sur la position officielle de la Suisse. Lors de la réunion, «l’opinion s’est imposée qu’il ne fallait plus attendre pour la reconnaissance, dès lors qu’il était manifeste que le point de non-retour fût franchi. Dans ce cas, il faudrait toutefois reconnaître non seulement les républiques slaves, mais aussi celles qui s’efforcent d’être reconnues, du moins tant qu’une reconnaissance n’est pas sujette à controverse» (dodis.ch/58737). Discussion téléphonique d’avant-Noël Le 21 décembre, presque toutes les autres républiques de l’URSS se rallient à la CEI par la déclaration d’Alma-Ata (Almaty). Le point de non-retour semble atteint. Le lundi 23 décembre, à 13h30, le Conseil fédéral discute par téléphone d’une proposition du DFAE, transmise par fax à midi par la Chancellerie fédérale, concernant la reconnaissance en droit international et l’établissement de relations diplomatiques avec la Fédération de Russie ainsi qu’avec les républiques d’Ukraine, du Bélarus, du Kazakhstan, de Moldavie, de Géorgie, d’Arménie, d’Azerbaïdjan, d’Ouzbékistan, du Turkménistan, du Tadjikistan et du Kirghizistan (dodis.ch/57514). «Il est important que la Suisse établisse le plus rapidement possibles des contacts avec les nouvelles républiques», déclare le conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz, appuyant la proposition du chef du DFAE René Felber (dodis.ch/57766). 15 minutes de délibération plus tard, le Conseil fédéral prend la décision 2518, la dernière de l’année. Gratitude pour la reconnaissance précoce Le soir même, le DFAE notifie par télex, via l’ambassade de Suisse à Moscou, la reconnaissance aux présidents Ter-Petrossian, Mutalibov, Chouchkevitch, Nazarbaïev, Akaïev, Snégur, Eltsine, Nabiev, Niyazov, Kravtchouk et Karimov (dodis.ch/C1950). Le Conseil fédéral diffère, «pour des raisons pratiques», la reconnaissance de la Géorgie, qui n’a pas adhéré à la CEI et dont la situation politique intérieure paraît confuse. Cette reconnaissance précoce devait porter ses fruits: «Lors de mes voyages dans les républiques successeurs de l’URSS», écrit l’ambassadeur de Suisse à Moscou, Jean-Pierre Ritter, «je suis frappé à chaque fois de la satisfaction et même de la gratitude qui nous sont témoignées pour avoir été les premiers en Europe occidentale à notifier notre reconnaissance des nouvelles indépendances et les premiers aussi à nous montrer sur place pour formaliser l’établissement des relations» (dodis.ch/59825). Établissement des relations diplomatiques La continuité des relations avec la Fédération de Russie, successeur juridique de l’URSS, est établie dès janvier 1992 par un simple échange de notes entre Moscou et Berne (dodis.ch/61322 et dodis.ch/61319). Ensuite, l’ambassadeur Ritter se rend à Erevan et Bakou en tant que représentant spécial afin d’établir des relations diplomatiques avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan (dodis.ch/61278 et dodis.ch/61241). Début février, le DFAE envoie le chef de la Direction des affaires administratives et du service extérieur, l’ambassadeur Johann Bucher, en mission spéciale à Kiev et à Minsk pour formaliser les relations avec l’Ukraine et le Bélarus (dodis.ch/60848). En juin, l’ambassadeur Ritter se rend à nouveau à Alma-Ata pour établir les relations avec le Kazakhstan (dodis.ch/60853). Le 23 mars 1992, Berne notifie la reconnaissance de la Géorgie, qui, comme les trois républiques baltes, n’a pas adhéré à la CEI (dodis.ch/61323). L’ambassadeur Ritter peut dès lors se rendre à Tbilissi en juin, où il établit les relations et présente ses lettres de créance au nouveau président Edouard Chevardnadze (dodis.ch/61191). En juillet, c’est enfin au tour d’Achgabat (Turkménistan) et de Tachkent (Ouzbékistan) (dodis.ch/61106). Contacts présidentiels La participation de délégations de haut rang des pays de la CEI au Forum économique mondiale (WEF) de Davos, début février 1992, donne l’occasion au ministre des affaires étrangères Felber, président de la Confédération cette année-là, de rencontrer les présidents Ter-Petrosian (Arménie), Mutabilov (Azerbaïdjan), Chouchkevitch (Bélarus), Nazarbaïev (Kazakhstan), Snegur (Moldavie) et Karimov (Ouzbékistan). Il a, au surplus, un échange approfondi avec le président Leonid Kravtchouk d’Ukraine (dodis.ch/61277 et dodis.ch/61354). L’établissement de relations diplomatiques entre la Suisse et le Kirghizistan est également décidé en février à l’occasion d’une visite de dernière minute, à Berne, du président Askar Akaïev au président de la Confédération Felber (dodis.ch/60852). Ce dernier procède également à un échange de lettres avec le président moldave Mircea Snegur le 2 septembre 1992 à Berne afin d’établir des relations diplomatiques (dodis.ch/61317). Missions diverses et mésententes La prise de contact avec les États successeurs de l’Union soviétique se fait par différents canaux. En avril et en juillet, des délégations de haut rang de l’Administration fédérale des finances se rendent par exemple dans les pays de la CEI. En vue de l’adoption du message complémentaire du Conseil fédéral sur la poursuite de la coopération renforcée avec les États d’Europe centrale et orientale (dodis.ch/59002), qui prévoit l’extension de crédits de développement à la CEI, le DFAE envoie deux missions dans toutes les républiques d’Asie centrale et de Transcaucasie, en août et septembre. La première de ces missions est à nouveau dirigée par l’ambassadeur Staehelin, et la seconde par son suppléant Daniel Woker. Les délégations comprennent en outre des représentants de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures (dodis.ch/61252 et dodis.ch/61250). La coordination entre les différentes missions n’est pas toujours aisée; elle donne même lieu à des mésententes et des conflits de compétences (dodis.ch/58143, dodis.ch/60836 et dodis.ch/60846). «Helvétistan» et Heidi Tagliavini «Le vif intérêt des autorités suisses offre une double perspective de développement», explique l’historien de Dodis Thomas Bürgisser. D’abord, la Suisse veut s’assurer, après son adhésion aux institutions de Bretton Woods, un siège au conseil d’administration de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Elle doit à cet effet créer son propre groupe de vote. Le Turkménistan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et l’Azerbaïdjan ont ainsi pu, avec la Pologne, être ralliés. Plus tard, le Kazakhstan et le Tadjikistan ont également rejoint ce que l’on appelle le «groupe Helvétistan». «Grâce à son engagement en Asie centrale, la Suisse a pu s’assurer une influence dans ces organisations financières internationales», poursuit Bürgisser. Il est également à noter que l’ambassadeur Ritter est accompagné dans chacun de ses voyages par sa collaboratrice russophone. La jeune diplomate, Heidi Tagliavini, s’est vu par la suite confier des missions délicates dans des régions de conflit, comme en 1995 avec le groupe d’assistance de l’OSCE en Tchétchénie, en tant que représentante spéciale de l’UE chargée d’enquêter sur les causes de la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008, ou encore en tant que représentante de l’OSCE en Ukraine en 2014.
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Manifestation contre l'évêque Wolfgang Haas le 17 juin 1990 à Coire. (Keystone-SDA, Keystone, 477127 (RM))

La reprise de relations avec le Vatican

«Dans l’objectif d’améliorer la représentation des intérêts suisses au Vatican, nous vous proposons de nommer, pour une période limitée allant jusqu’en 1992, un ambassadeur en mission spéciale auprès du Saint-Siège et d’attribuer le titre d’ambassadeur spécial au chef de la Division politique I» (dodis.ch/57567).«Cette demande du DFAE, adressée en des termes simples et acceptée par le Conseil fédéral il y a exactement 30 ans – le 30 octobre 1991 –, marque un tournant décisif dans les relations diplomatiques entre la Suisse et le Vatican», explique Sacha Zala, directeur du centre de recherche Dodis, qui poursuit: «C’est le premier représentant diplomatique nommé par la Suisse auprès du Saint-Siège». Cette étape intervient à la suite de l’histoire longue et parfois tumultueuse des relations entre la Suisse et le Siège apostolique.De la situation pionnière à la rupture des relations diplomatiquesEn 1586, la nonciature permanente, c’est-à-dire la représentation diplomatique du Vatican, s’établit à Lucerne. Le nonce apostolique devient ainsi – après l’ambassadeur de France qui réside à Soleure depuis 1522 déjà – le deuxième représentant diplomatique en Suisse. Cette forme de représentation est restée fondamentalement constante au cours du temps, à l’exception des cinq ans d’interruption sous la République helvétique.Cette continuité se rompra cependant à la faveur du Kulturkampf. En effet, l’expulsion du vicaire apostolique de Genève et la vive critique faite à l’encontre de la Suisse par le pape Pie IX dans son encyclique de novembre 1873 conduisent le Conseil fédéral à la conclusion que «le pape [ayant] prononcé de la manière la plus ostensible des accusations graves et répétées à l’endroit des autorités suisses et de ses résolutions, […] une représentation diplomatique permanente du Saint-Siège est devenue inutile». Le gouvernement décide dès lors, en décembre 1873, de rompre les relations (dodis.ch/42009).La reprise de relations unilatéralesPendant près d’un demi-siècle, la Suisse n’entretient aucune relation officielle avec le Vatican. Il faut attendre la Première Guerre mondiale pour que les questions humanitaires rapprochent la Suisse neutre et le Siège apostolique. Cette convergence d’intérêts inaugure une coopération dans le domaine de l’internement des prisonniers de guerre malades et blessés (dodis.ch/43395), qui permet à son tour un nouveau rapprochement sur le plan politique.En juin 1920, le Conseil fédéral décide ainsi de la reprise des relations diplomatiques, mais «en posant toutefois comme condition expresse que la Suisse, comme elle n’avait pas pratiqué la réciprocité dans le passé, [ne pourra] pas la pratiquer dans l’avenir» (dodis.ch/44597 et dodis.ch/44567). En outre, le Conseil fédéral avertit l’envoyé du pape «qu’il entre sur un terrain quelque peu difficile et qu’il ferait bien de ne pas poursuivre une politique d’intervention dans nos affaires intérieures et d’éviter, par une grande retenue, toute matière à discorde entre catholiques et protestants ou entre catholiques eux-mêmes» (dodis.ch/44598).Vers une bilatéralisation des relationsDepuis 1920, le Vatican est donc à nouveau représenté officiellement en Suisse par un nonce apostolique. Le caractère unilatéral des relations est strictement respecté, également après la Seconde Guerre mondiale face à la crainte «de provoquer des luttes confessionnelles dans certaines régions de notre pays» (dodis.ch/6680 et dodis.ch/6681). Ce n’est qu’en 1963 que des signes d’un changement d’opinion apparaissent (dodis.ch/18831). Cependant, le gouvernement considère que la priorité est la révision totale de la Constitution fédérale et, avec elle, la suppression de l’article d’exception confessionnelle (interdiction des jésuites). Il faudra, pour cette raison, «encore un certain temps avant qu’un représentant diplomatique soit accrédité auprès du Saint-Siège» – comme l’assure le conseiller fédéral Willy Spühler à la Commission de politique extérieure du Conseil national en 1968 (dodis.ch/32151).Normalisation des relationsLe pronostic de Spühler se révélera exact. Il faudra attendre précisément 1987 pour qu’une «normalisation graduelle» des relations soit envisagée au sein du Conseil fédéral (dodis.ch/57616). Le choix même des mots donne lieu à des désaccords. En 1988, par exemple, le nonce apostolique se plaint que «l’on parle toujours de ‹normalisation› des relations», alors qu’il existe déjà bel et bien «des relations diplomatiques normales, qui peuvent toutefois être ‹perfectionnées› par l’établissement d’une ambassade suisse» (dodis.ch/58648). Deux ans plus tard, le même nonce qualifiera pourtant d’«absurde et dépassée» la nature unilatérale des relations (dodis.ch/58647).L’«affaire Haas», au début des années 1990, permet la poussée décisive. Les disputes autour de la nomination de l’ultra-conservateur Wolfgang Haas comme évêque de Coire montrent clairement les conséquences du fait que «la réalité suisse n’est rapportée à Rome que dans la perception du nonce» (dodis.ch/57567). Le DFAE examine en détail différentes options (dodis.ch/56234) et retient au final la proposition faite au Conseil fédéral de nommer l’un de ses principaux responsables, le réformé Jenö Staehelin, au poste d’ambassadeur temporaire en mission spéciale (dodis.ch/57567).En 2004, le Conseil fédéral procède à un ajustement en accréditant pour la première fois un ambassadeur de Suisse auprès de la Curie. Le 1er octobre 2021 – presque 31 ans après la première nomination d’un ambassadeur en mission spéciale –, le Conseil fédéral décide d’établir une ambassade suisse auprès du Saint-Siège. «La tension qui a prévalu historiquement entre le libéralisme de l’État fédéral et l’ultramontanisme continue d’opérer dans la mesure où les relations diplomatiques ne sont pas exemptes de controverses et qu’elles sont caractérisées par une prudence constante », résume le directeur de Dodis, Sacha Zala.
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Les quelque 1200 invités suisses et étrangers réunis à Sils, le 7 septembre 1991, pour la «Journée de l’Europe». Les discours et la cérémonie se tiennent sous la tente de Botta, le «symbole» des célébrations du 700e anniversaire. (dodis.ch/60332)

700e anniversaire de la Confédération – la dimension internationale

1291–1991 – 700 ans de Confédération – une raison de célébrer. C’est ce que se dit la Suisse à la fin des années 1980. Nommé «CH91», un gigantesque projet de célébration doit se dérouler en même temps qu’une exposition nationale autour du lac des Quatre-Cantons. L’idée, soumise à des votations, est sèchement refusée dans les urnes de Suisse centrale. Le nouveau concept, plus décentralisé, baptisé «Rencontres 1991» et placé sous la haute direction du Délégué du Conseil fédéral, Marco Solari, s’éloigne du gigantisme de la première proposition et fait la part belle à la dimension cosmopolite de la Suisse (dodis.ch/59889). Outre la «Fête de la Confédération» et la «Fête des quatre cultures», une troisième fête, dite «Fête de la solidarité», doit ainsi signifier que «la Suisse se considère comme faisant partie de la communauté des nations et qu’elle veut aussi contribuer à façonner cette communauté mondiale» (dodis.ch/57786).  Journée des relations internationales  La «Journée des relations internationales» qui se tient le 14 juin 1991 marque le démarrage de la dimension internationale du triptyque des célébrations (dodis.ch/C1922). Sur le domaine du Lohn, le Conseil fédéral reçoit des hôtes illustres pour des entretiens politiques: le Secrétaire général de l’ONU Javier Pérez de Cuéllar, la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe Catherine Lalumière, le Secrétaire général de l’AELE Georg Reisch ainsi que les ministres des affaires étrangères des États voisins (dodis.ch/57698). D’autres invités suisses et étrangers les rejoignent pour la cérémonie qui suit au Palais fédéral. Parmi les orateurs, le Secrétaire général de l’ONU est l’un des plus élogieux en soulignant les trois «miracles» de la Suisse: le pays est uni même s’il est divers, il tient à son indépendance tout en s’ouvrant au monde et, enfin, il est pauvre en ressources naturelles et pourtant riche (dodis.ch/59057).  Le monde aux Grisons  Aux Grisons, principal canton hôte de la Fête de la solidarité, l’été est moins officiel, mais d’autant plus coloré. Cette fête internationale, consacrée aux pays non européens, propose de nombreux cours, concerts, projets d’échange et ateliers ainsi qu’une grande fête populaire à Coire. Cette dernière permet à des personnes venues des quatre coins du monde de se rencontrer. Si elle est un grand succès, le symposium «À qui appartient le monde?» consacré au dialogue Nord-Sud n’est quant à lui guère une réussite (dodis.ch/59059). L’invité d’honneur initialement prévu, le zimbabwéen Robert Mugabe, décline l’invitation en raison d’autres engagements (dodis.ch/57946).«Signe de loyauté envers l’Europe»  En dernière analyse, les «Rencontres européennes» en Engadine répondent à la volonté du Conseil fédéral de mettre un accent particulier sur les relations entre la Suisse et l’Europe, alors que les négociations avec la CE sur l’EEE sont dans une phase décisive (dodis.ch/57786). Elles offrent également l’occasion d’une contribution à la nouvelle Europe qui se construit en dépassant les frontières nationales (dodis.ch/57787). La jeune génération devrait dans ce contexte être une interlocutrice privilégiée: dans le cadre de la semaine de rencontre «Spiert Aviert» («esprit ouvert» en romanche), des jeunes de tout le continent échangent leurs points de vue sur l’avenir de l’Europe – des réflexions qui trouveront un écho lors de la cérémonie officielle de fin de semaine.La Journée de l’Europe, le 7 septembre, à Sils-Maria (dodis.ch/C1921), est devenue l’événement-phare des célébrations du 700e anniversaire, qu’il faut interpréter comme un «signe de loyauté de la Suisse» à l’égard de l’Europe, selon une déclaration reprise dans le rapport final destiné au Conseil fédéral (dodis.ch/59883). Trois personnalités de renom – Elisabeth Guigou, Mario Monti et Friedrich von Weizäcker – ont exposé leurs vues quant à l’avenir de l’Europe, alors que le Président Flavio Cotti prononce un discours visionnaire qui révèle combien il est un Européen convaincu (dodis.ch/57668). La présence de Bronislavas Kuzmickas, Vice-Président du parlement lituanien, illustre pour sa part les liens nouveaux avec l’Europe de l’Est. La Journée de l’Europe connaît en définitive un franc succès, entaché seulement par les «bouchons pour accéder à la tente» provoqués par la présence de nombreux membres de la noblesse européenne (dodis.ch/57683).  Dépasser les clichés  Outre ces festivités, les nombreux autres événements organisés par les ambassades suisses et les associations suisses à l’étranger pour célébrer le 700e anniversaire attirent également l’attention à l’extérieur du pays (dodis.ch/55757). La «campagne d’information probablement la plus vaste jamais organisée par la Suisse à l’étranger» assure une forme de retentissement international. La publication de communiqués de presse, de logos et de photos, l’organisation de conférences de presse et les invitations sont autant de moyens de «promouvoir une image de la Suisse globale et tournée vers l’avenir auprès d’un large public dans le monde entier» (dodis.ch/58068). Le but est de briser les stéréotypes et de présenter la Suisse sous un jour dynamique, ouvert et auto-critique – une prétention qui n’a guère pu être systématiquement satisfaite. À ce titre, l’ambassadeur suisse au Nigéria se plaint des informations par trop sélectives, critiques et biaisées sur l’aide suisse au développement (dodis.ch/58044).«Le désendettement: une question de survie»  La pétition «Le désendettement: une question de survie» lancée par les œuvres d’entraide propulse la coopération technique au cœur de l’année anniversaire, qui fournit du même coup «une occasion propice pour un nouvel acte de solidarité envers les membres démunis de la communauté internationale» (dodis.ch/56084). Un crédit-cadre, dont le montant de 700 millions de francs suisses participe à la symbolique de l’année, est accordé pour financer, d’une part, des mesures d’allègement de la dette en faveur des pays en développement les plus pauvres et, d’autre part, des programmes et projets environnementaux d’importance mondiale.Parallèlement, d’innombrables autres manifestations, expositions, projets, fêtes et célébrations dans l’esprit du 700e anniversaire jalonnent l’année 1991: ainsi, des jeunes du monde entier dansent à l’invitation du canton de Zurich lors de la World Youth Party (dodis.ch/57568), tandis que la «cinquième Suisse» inaugure la Place des Suisses de l’étranger à Brunnen et qu’au parlement fédéral des jeunes discutent de la politique étrangère suisse lors de la première session des jeunes (dodis.ch/58000).Un anniversaire bien pensé  En fin d’année 1991, le Bureau du Délégué du Conseil fédéral tire un bilan positif de cette année anniversaire: «À tous les niveaux, les célébrations du 700e ont largement contribué à abattre les fronts et à réduire les antagonismes» (dodis.ch/59883). Pour autant, elles n’ont pas pu effacer les difficultés initiales du projet, le choc qui traverse l’opinion publique depuis la révélation de l’affaire des fiches en 1989, l’indignation face à l’appel – jugé hypocrite – à la participation créative des artistes suisses et le boycott des milieux culturels qui en a résulté. Le groupe de projet de la fête internationale subit également une vague de critiques, mais s’en tient à ce qui est prévu: une fête qui ne sert pas à des moments de liesse, mais qui est «une façon de nourrir la réflexion sur le rôle de la Suisse dans le monde» (dodis.ch/59063).
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