Bericht über die umstürzlerischen Ereignisse im Juli 1953 und deren Auswirkungen auf die Militärregierung von Präsident Batista. Der Schweizer Gesandte in Havanna vernimmt, dass der Rebellenführer Fidel Castro heisst.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 67
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#315* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 155 | |
Dossier title | Havanna, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 2 (1952–1962) |
dodis.ch/9201 LES TROUBLES RÉVOLUTIONNAIRES À CUBA ET LEUR SIGNIFICATION INTERNATIONALE
La presse mondiale a rapporté dans leurs grandes lignes les troubles révolutionnaires qui ont agité Cuba dans les derniers jours de juillet. Voici en deux mots ce qui s’est passé:
Dans les premières heures du matin du dimanche 26 juillet, un groupe de révolutionnaires vêtus d’uniformes militaires attaqua par quatre points différents la garnison militaire et les casernes de Moncada, à Santiago de Cuba, dans la partie orientale de l’île. Une bataille rangée, caractérisée par une violence et une cruauté extraordinaires, s’en suivit; les assaillants auraient utilisé des armes «dum-dum» et auraient froidement abattu des civils et des malades hospitalisés dans une clinique militaire dont les fenêtres commandaient une position stratégique. Quand les forces de l’armée régulière se furent ressaisies et rendues maîtresses de la situation, on compta plus de 80 morts et des centaines de blessés.
Ce même dimanche, le Président Batista se trouvait à Varadero, une plage à la mode à une distance d’environ 3 heures de La Havane, pour y procéder à la remise des prix aux gagnants de régates. Prévenu à temps d’un complot contre sa vie qui devait être exécuté pendant les cérémonies, Batista fit séquestrer à Varadero même un dépôt secret d’armes qui aurait, paraît-il, suffi à massacrer une grande partie du public qui s’était aggloméré.
Tandis que ces événements se déroulaient dans les parties orientale et centrale de l’île, il semble que des chargements d’armes et de munitions furent introduits clandestinement dans la partie occidentale de la République, dans la région de Pinar del Rio. Des bateaux étrangers furent séquestrés et leur équipage arrêté. Les communiqués sur cet épisode sont laconiques et il est donc difficile de savoir exactement ce qui s’est passé là.
Immédiatement, le Président Batista décréta la suspension des garanties constitutionnelles, ce qui revient à déclarer le pays en état de siège. Interdiction de réunions, censure de la presse, de la correspondance postale et télégraphique sont les effets les plus apparents de ces mesures qui doivent rester en vigueur pendant trois mois. Grâce à la fidélité et à l’appui de l’armée, condition primordiale pour n’importe quel régime de se maintenir au pouvoir à Cuba, et grâce à un service secret évidemment fort bien organisé, Batista réussit à sortir indemne de cet incident dangereux.
Actuellement, le pays semble être revenu à la normalité; cependant la censure de la presse est appliquée de façon tellement stricte que les journaux et la radio ne publient aucune nouvelle politique du pays. La proclamation du Président, par laquelle il faisait savoir que sa tolérance passée ayant été interprétée comme faiblesse, il allait maintenant changer de tactique, a aussi eu son effet. Devant l’attitude nettement menaçante de Batista et les mesures de rétorsion annoncées, des personnalités politiques qui se sentaient particulièrement visées, se sont empressées de chercher refuge comme asilés politiques dans diverses ambassades de La Havane, notamment celles du Mexique, du Guatemala et du Brésil.
Malgré le silence apeuré et la réserve que chacun s’impose jusque dans les conversations privées, de nombreux indices permettent de se rendre compte que le peuple est profondément troublé et mécontent.
La question que chacun se pose et à laquelle personne n’est en mesure de donner une réponse satisfaisante, est celle de savoir quels sont les auteurs des troubles du 26 juillet. La version officielle en accuse l’ex-président Prio Socarrás qui vit en exil à Miami, donc aux portes de Cuba; aidé par les membres du parti «autentico» dans le pays et au dehors, on prétend qu’il a préparé et financé ce plan de révolution. Beaucoup des armes découvertes par Batista dans les dépôts clandestins viennent du Mexique; or, on connaît les attaches de Prio avec le Mexique et avec certains dirigeants politiques de ce pays. Prio s’est empressé de réfuter publiquement cette accusation. Le parti «ortodoxo» est aussi soupçonné d’avoir collaboré avec les «autenticos» dans cette entreprise révolutionnaire. On rappelle à ce propos que des exilés à l’étranger de ces deux partis politiques se sont récemment réunis à Montréal au Canada d’où ils publièrent un manifeste protestant contre la dictature anticonstitutionnelle de Batista. (Comme les principes exposés dans ce document ne trouvèrent pas l’appui unanime des membres des partis en cause, la situation put être habilement exploitée par Batista dont la politique a toujours consisté à diviser autant que possible ses adversaires). Enfin, dans une déclaration publique, le Président Batista a affirmé que de nombreux pamphlets et livres communistes ont été découverts en même temps que les armes dont il est question ci-dessus. Cela porterait à croire à un complot ourdi par le communisme international; les politiciens cubains en exil ne seraient alors que les instruments de Moscou. Un fait est venu à ma connaissance qui tendrait à confirmer cette opinion: le chef des rebelles et principal responsable des troubles sanglants de Santiago de Cuba, le nommé Fidel Castro, écroué il y a quelques jours après une chasse à l’homme spectaculaire, avait joué un rôle important dans la révolution du 9 avril 1948 à Bogotá2. Poursuivi à l’époque par les autorités colombiennes comme agitateur étroitement lié à la révolution, le Cubain Fidel Castro réussit à fuir de Colombie grâce à l’appui de la délégation cubaine à la Conférence Panaméricaine de Bogotá dont il surprit la bonne foi. Le révolutionnaire de Bogotá et responsable des troubles récents à Cuba s’avère spécialiste en la matière, technicien de la révolution, et se trouve donc vraisemblablement aux ordres d’une organisation subversive internationale.
Le Président Batista est sans contredit un des anticommunistes les plus en vue de l’Amériquecentrale et des Antilles. Il ne serait donc pas étonnant, comme l’affirme «IntelligenceDigest», que Moscou considère son élimination comme un des premiers objectifs de sa politique dans cette région et que, par conséquent, des efforts considérables soient entrepris pour fomenter à Cuba des troubles révolutionnaires qui pourraient même mener à l’assassinat du chef d’Etat «de facto».
En fait, les éléments favorables à une révolution existent à Cuba; le mécontentement populaire, auquel je faisais allusion ci-dessus, est fondé sur des griefs réels et concrets qu’il est facile d’exploiter. La situation économique du pays, axée entièrement sur la production et la vente du sucre, est difficile: surproduction de sucre en 1952 et pendant les années antérieures, d’où danger de chute des prix sur les marchés internationaux, danger auquel Batista fait face par un décret limitant la production à 5 millions de tonnes, d’où augmentation du chômage, contre laquelle on lutte en instituant des sources artificielles de travail et, en conséquence directe, déficit très grand dans les comptes de l’Etat. Inévitablement, le Gouvernement devra avoir recours à l’augmentation des impôts après avoir déjà dû réduire de 10% les salaires des fonctionnaires de l’Etat. – Le commerce réagit délibérément par une inactivité quasi totale, d’où il résulte non seulement une diminution du chiffre d’affaires, mais aussi une misère croissante des classes ouvrières et pauvres. Dans le domaine politique, Batista n’a pas réussi, comme il l’avait promis, à éliminer la corruption dans le gouvernement, un des principaux griefs qu’on adressait au régime de Prio Socarrás. Au contraire, il se voit obligé d’offrir à nombre de ses amis des positions officielles lucratives et de fermer les yeux sur des abus de toutes sortes. A l’encontre d’une autre promesse qu’il avait faite au peuple, Batista n’a pas encore pris les dispositions nécessaires pour redonner au pays un régime constitutionnel. Le seul moyen de faire cela serait d’organiser des élections générales, tant présidentielles que parlementaires. Vu la situation actuelle, Batista n’aurait pratiquement aucune chance de réunir les suffrages populaires suffisants pour se faire porter constitutionnellement à la présidence. Il a donc remis à juin 1954 les élections qu’il avait antérieurement fixées à novembre 1953.
Batista se trouve dans une impasse dont il est difficile de voir comment il pourra sortir autrement que par l’institution d’une dictature de plus en plus marquée dans laquelle l’armée devra jouer un rôle prépondérant. Or, le peuple cubain, qui n’a pas oublié l’époque encore relativement récente de la domination espagnole, a toute contrainte en horreur; il se qualifie dès lors de démocratique. Poussé à bout, offensé dans ses sentiments légitimes d’amour de la liberté et de l’indépendance, accablé par l’injustice d’un régime corrompu et souffrant une crise économique angoissante, le peuple cubain représente une proie trop facile pour des agitateurs professionnels, formés à l’école de Moscou.
- 1
- E 2300(-)-/9001/155.↩
- 2
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 72, dodis.ch/4185(dodis.ch/4185).↩
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