Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 197
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#981* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 431 | |
Dossier title | Shanghai, Konsularberichte, Band 3 (1932–1945) |
dodis.ch/45739
Un des effets les plus immédiats et, pour la Chine, les plus tangibles de la reconnaissance japonaise du Mandchoukouo a été l’annonce par le Ministère des Affaires Etrangères du nouvel Etat, le 15 septembre, de l’indépendance douanière complète du Mandchoukouo vis-à-vis de la Chine proprement dite, la perception des droits à l’importation et à l’exportation devant commencer à la frontière chinoise le 25 septembre et un bureau de douane étant établi, à cet effet, à Shanhaikwan.
Désirant me rendre compte de la réaction du Gouvernement chinois envers cette grave mesure, je suis allé trouver, à son sujet, Sir Frederic Maze, Inspecteur Général des Douanes chinoises. Quoique sujet britannique, Sir Frederic passe pour l’un des principaux conseillers du Ministre des Finances T. V. Soong, Président intérimaire actuel du Yuan2 exécutif.
Tout en me demandant de garder pour moi, et pour le Gouvernement Suisse,
ses confidences, Sir Frederic m’annonça qu’il venait précisément d’avoir, sur la question, plusieurs conférences avec les membres intéressés du Yuan exécutif (Lo
Wen-kan, T. V. Soong, etc.) qui l’avaient consulté sur la politique à adopter. Les avis étaient d’abord partagés; certains inclinaient pour une politique de représailles à l’égard du nouvel Etat, politique qui, en matière douanière, se serait traduite notamment par des droits différentiels, prohibitifs, etc. Tout en se déclarant prêt,
abandonner l’idée. Bien qu’inspecteur des Douanes, ce ne sont nullement des arguments généraux qu’il invoqua; il s’efforça, au contraire, de montrer que la perte de recettes douanières qui résulterait d’une attitude plus tolérante serait compensée amplement sur le terrain politique. Au moment où la Chine, pour le moment du moins, ne pouvait opposer avec succès la force à la force, mieux valait s’abstenir d’actes qui pourraient être interprétés comme une reconnaissance indirecte du fait accompli, et continuer à agir en conformité de la situation de droit, en vertu de laquelle la Mandchourie était chinoise et les fonctionnaires mandchoukouo des rebelles. [...]
J’ai eu l’occasion de contrôler les indications de l’Inspecteur des Douanes à la meilleure source, au cours d’un entretien que T. V. Soong, Ministre des Finances et Chef intérimaire du Gouvernement, de passage à Shanghaï, m’a accordé à son domicile la semaine dernière. T. V. Soong a insisté tout de suite sur le contraste entre la politique japonaise, qui, malgré les promesses faites au début, était devenue une politique d’invasion et d’occupation, et l’attitude du Gouvernement chinois, qui dès l’abord en avait appelé à la Société des Nations et qui, maintenant encore, s’abstenait de prendre des contre-mesures. Il déclara hautement qu’il mettait toute sa confiance dans la Société, qui ne manquerait pas de sauvegarder le bon droit de la Chine. Pour le moment, le Gouvernement consacrait tout son effort militaire à la lutte contre les bandes communistes et ChiangKai-shek espérait mener à bien cette campagne, toute la vallée du Yang-tze étant déjà libérée;
on ne songeait pas à entreprendre une offensive dans le Nord, mais, si le Jehol
était attaqué, on résisterait.
En terminant, T. V. Soong me parla du Journal de Genève, dont il considère
l’influence morale très considérable, en tant que grand organe politique paraissant à Genève, et il me demanda si c’était un journal d’inspiration officielle.
Comme je lui expliquais que notre presse était indépendante, il insista néanmoins sur l’importance qu’il y avait à ce que la cause du droit y fut énergiquement défendue durant la crise prochaine; je lui promis de vous transmettre son vœu.
Le Comte Ciano, Ministre d’Italie, avec lequel je me suis entretenu à son retour
récent de Pékin, m’a confirmé, de son côté, qu’une action chinoise au Jehol n’était pas à attendre. Du côté japonais, disait-il, la conquête du Jehol viendrait tôt ou tard, mais l’attaque par le Nord était difficile tactiquement et pourrait tarder;
quant à la résistance chinoise, elle se bornait au soutien financier et matériel des irréguliers; c’était, pour le moment, le seul plan; mais cette guerre de partisans se poursuivait avec des succès très réels et très embarrassants pour les japonais; les moyens employés étaient analogues à ceux en honneur dans la campagne contre les Rouges, où les armées en présence s’efforcent de provoquer, moyennant finances, la défection des soldats adverses, et les troupes du Mandchoukouo n’étaient pas sûres. Le centre d’organisation des guerillas était à Pékin, auprès du Maréchal ChiangHsue-liang, et c’était la raison pour laquelle on y craignait une occupation, au cas où la «patience» japonaise se lasserait.
Quoi qu’il en soit, un retour en arrière japonais, après la reconnaissance du Mandchoukouo, semblait au Comte Ciano exclu, quelles que dussent être, à cet égard, les conclusions du rapport Lytton, à moins que des raisons économiques ou financières d’ordre interne n’y contraignissent les japonais.
J’ai vu dernièrement aussi le nouveau Ministre du Japon en Chine, M. Ariyoshi, le même qui fut longtemps accrédité à Berne; il a émis, lui aussi, l’avis que, du côté chinois, une réaction rigoureuse ne devait pas être attendue à l’heure actuelle, non seulement par tactique envers la S.D.N., mais aussi en raison de la détresse financière du Gouvernement et des désaccords persistants entre le Nord et le Sud, dont la retraite prolongée de Wang Ching-wei serait une des manifestations. Il semble aussi que les généraux de l’entourage du Maréchal Chiang Hsueliang, à Pékin, aient montré peu de zèle à placer à la disposition du Gouvernement, pour une campagne dans le Jehol, des effectifs qu’ils considèrent comme destinés essentiellement à la défense de leurs sphères d’influence personnelles.