dodis.ch/44281 Le Directeur de la Banque Nationale Suisse, R. de Haller, au Chef du Département des Finances et des Douanes, G. Motta1
Nous avons l’honneur de vous accuser réception de votre lettre du 2 septembre2 nous donnant connaissance du décret de mainmise par le Gouvernement austro-allemand sur tous les titres et valeurs étrangers déposés en Autriche-allemande, qu’ils appartiennent indistinctement à des sujets austro-allemands, à des neutres et même à des neutres n’habitant pas l’Autriche-allemande.
Vous nous demandez notre opinion sur les mesures éventuelles à prendre, et particulièrement sur l’idée émise par notre Ministre à Vienne3 d’user de représailles en Suisse en ce qui concerne les valeurs déposées en Suisse par des sujets autrichiens allemands.
Notre Direction générale s’est occupée de cette question et estime comme vous que des représailles sont une épée à deux tranchants qu’il faut éviter autant que faire se peut. Du reste, avant de prendre une mesure de ce genre, il faudrait être renseigné d’une part sur le montant des valeurs appartenant à des Suisses domiciliés hors de l’Autriche, et d’autre part connaître l’importance des valeurs déposées en Suisse. Seulement alors l’on pourrait juger d’une compensation possible entre ces deux montants; mais pour une pareille enquête il faudrait obliger les banques suisses à rompre le secret professionnel, ce qui ne peut pas se faire sans une modification des lois actuelles et ce qui aurait comme conséquence presque certaine un retrait de tous les fonds appartenant à des étrangers. Les conséquences d’une mesure pareille seraient donc très dangereuses pour le crédit de nos banques en général et la situation financière de la Suisse.
Nous pensons donc qu’il n’y a pas d’autre moyen que de chercher à amener le Gouvernement autrichien à modifier sa décision dans ce sens que les valeurs possédées par des Suisses non domiciliés en Autriche soient exclues de cette mesure. Notre Ministre à Vienne ne pourrait-il pas faire discrètement état des démarches qui ont été faites à Paris pour sauvegarder nos intérêts en Autriche-allemande, démarches qui en même temps étaient en faveur des intérêts des banques autrichiennes.
Nous ne voyons en tout cas aucun autre moyen que par les conversations diplomatiques.