Par lettre du 21 janvier2 vous avez bien voulu me charger de sonder les dispositions du Cabinet de Paris quant à la possibilité pour la Suisse d’obtenir un représentant officiel au sein du Conseil de la dette ottomane.
J’ai fait verbalement et officieusement la démarche dont il s’agit et j’ai appris que les Alliés ne savent pas encore du tout ce qu’ils vont faire de l’Empire ottoman et de sa dette. Une chose paraît certaine, c’est que le Grand Turc sera prié de passer le Bosphore et sera probablement relégué à Brousse. Il serait fort possible que Constantinople devînt une ville internationale dont l’administration serait confiée à je ne sais quelle organisation; quant à la dette, elle serait peut-être reprise sous une forme ou sous une autre par les Alliés qui formeraient une commission intergouvemementale de contrôle; tout cela est encore très vague et je regrette beaucoup de ne pouvoir vous mieux fixer; en tout cas j’ai pris rang du fait de ma démarche qui, toutefois, m’a laissé l’impression que vu la mort de l’Empire ottoman, la dette ne sera plus contrôlée par une commission interalliée mais uniquement par une délégation intergouvemementale de deux ou trois pays de l’Entente; cela ne veut point dire que nous ne puissions pas arriver à nous faufiler d’une manière ou de l’autre et je ne perdrai pas de vue cette question.
Plus je suis les travaux de la Conférence de la paix et plus je suis surpris de constater combien les conversations préliminaires avaient abouti à peu de choses. On s’est assis à la table verte de Paris avec une tâche énorme, mais, au fait, rien n’avait été sérieusement préparé d’avance et cette constatation générale s’applique parfaitement aux nouveaux statuts que les Alliés voudraient établir sur les rives du Bosphore.