dodis.ch/41004
Le Consul de commerce de Suisse à
Anvers et Bruxelles,
F. Borel au Conseil fédéral
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Je n’ai point touché dans ce qui précède à l’article des douanes et des droits soit-disant protecteurs de l’industrie belge qui froissent spécialement la Suisse dans ses plus graves intérêts. Les droits sur les tissus de coton imprimés qui étaient defr. 246.–ont été portés à fr. 377.–des 100 kil., ceux sur les étoffes de soie qui étaient de fr. 464.– ont été portés à fr. 1160.–, ceux sur les rubans de soie qui étaient de fr. 464.– ont été portés à fr. 580.– et par suite des traités commerciaux avec la France et le Zollverein allemand, ces deux nations sont restées sur l’ancien pied, en sorte que l’augmentation est en réalité toute au préjudice de la Suisse qui offre peut-être à la Belgique le plus beau de ses débouchés européens, en armes de Liège, en tabacs et cigares, en draps de Verviers, en fils et toiles de lin, etc. M. le Ministre des Finances me dit dans le temps que la Suisse, accordant tout à tout le monde, ne pouvait être considérée comme concédant rien à la Belgique et qu’il n’y avait pas lieu à sortir pour elle du droit commun. Dès lors j’en ai parlé cent fois à plusieurs de Messieurs les ministres successeurs de celui en question; tous sentent assez l’injustice, mais se rejettent sur les criailleries continuelles des fabricants de Gand. Enfin, un ancien ministre fort libéral, M. Lebeau, me dit un jour en parlant de ses successeurs catholiques: mon cher M. Borel, je suis tout à fait de votre avis, ainsi ne prêchez pas un converti, mais soyez bien sûr que ces gens-ci ne sont sensibles qu’à la peur; que la Suisse leur fasse peur d’un système de représailles, elle obtiendra tout ce qu’elle voudra; autrement jamais rien.
J’ai très souvent traité cette matière dans mes lettres à l’ancien Directoire fédéral et ma lettre du 15 janvier 18482 la récapitulait de nouveau. Je l’engageais vu l’avènement depuis juin 1847 d’un ministère tout à fait libéral et composé d’hommes capables et intègres, à recommencer ses démarches par l’entremise diplomatique de son envoyé à Paris; je ne doute pas que cela n’ait été fait, mais toujours en vain. Aujourd’hui que Vos Excellences vont s’occuper d’un système douanier, j’ose espérer et émettre le vœu qu’il sera plutôt dirigé vers un but propre à amener des concessions à la Suisse par un libre échange, plutôt qu’en vue d’une protection dont l’industrie suisse sait fort bien se passer, et dont le plus sûr résultat serait le renchérissement de toutes choses, la hausse de la main d’œuvre et peut-être un refroidissement dans les efforts des industriels.
Mesures de représailles contre les nations qui nous molestent: voilà mon Delenda est Carthago.