Äusserungen Churchills und namhaften Beamten des Foreign Office über die Neutralität und Verteidigung der Schweiz.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 16, doc. 83
volume linkZürich/Locarno/Genève 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#492* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 237 | |
Dossier title | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 40 (1946–1946) |
dodis.ch/1204 LES OPINIONS DE M. WINSTON CHURCHILL ET LA NEUTRALITÉ DE LA SUISSE
Par la voie le plus rapide, j’ai eu l’occasion de vous rendre compte sommairement de mon dernier entretien avec l’ancien Premier Ministre britannique2. Les vues et opinions sur une série de questions d’intérêt général qu’il m’a exprimées au cours d’un déjeuner intime, auquel assistait seule Mme Churchill, me paraissent de nature à devoir vous être relatées. Je commencerai par vous exposer ses vues sur la Suisse.
Au sujet du statut international de notre pays, M. Churchill a déclaré catégoriquement, en appuyant chaque mot, que la Suisse était «le seul pays véritablement neutre et devant être reconnu comme tel». Ce propos, venant du chef de l’opposition de Sa Majesté britannique, est important. Quant au fond, il réitère textuellement ce que M. Anthony Eden m’avait dit à plusieurs reprises et ce que l’ancien secrétaire d’Etat britannique aux Affaires extérieures m’avait répété même après avoir quitté le pouvoir. Je crois vous avoir relaté que M. Anthony Eden, qui est actuellement le «leader» du parti conservateur au Parlement, m’avait même offert de faire, au moment opportun, une intervention à la Chambre des Communes au sujet de la valeur permanente de la neutralité de la Suisse. Je l’en ai vivement remercié; mais je l’ai prié d’attendre un signe de moi avant de mettre ce projet à exécution. Nous ne pouvons, en effet, tout en reconnaissant la grande valeur du témoignage du Ministre des Affaires étrangères britanniques des années de guerre, qui est doublé aujourd’hui de celui de l’ancien Premier Ministre – provoquer en quelque sorte une intervention de l’opposition qui n’aurait peut-être pas d’emblée le plein accord des bancs du Gouvernement. Or, rien ne pourrait desservir autant la cause de la reconnaissance future de la neutralité permanente de la Suisse qu’une intervention d’une minorité parlementaire, quel que soit son poids, qui ne serait pas immédiatement doublée d’une réaction semblable et entièrement parallèle du banc gouvernemental. L’intervention de M. Winston Churchill en faveur du Tyrol du Sud est là pour nous prouver la valeur, en ce moment relative, d’interventions de ce genre.
Du côté gouvernemental, la situation, en ce qui concerne la reconnaissance de notre neutralité permanente, est la suivante: le chef du Gouvernement, M. Attlee, homme excellent mais d’envergure relativement effacée, et dont le rôle, plutôt que d’être celui d’un «Premier Ministre» dans le sens traditionnel, peut être comparé à celui d’un «Président du Conseil des Ministres» de France, règlera sans doute son attitude sur les avis de ses collaborateurs compétents en matière de politique étrangère.
Au Foreign Office, qui représente la continuité de la conduite des Affaires extérieures du Royaume d’Angleterre et d’une grande partie encore de l’Empire, les interventions gouvernementales des représentants des partis au pouvoir se manifestent plutôt à la surface, leurs porte-paroles étant, en règle générale, assez rapidement gagnés par les courants très forts des intérêts permanents de la Grande-Bretagne.
Je crois avoir convaincu des fondements justes de notre thèse l’ancien chef permanent du service, Sir Alexander Cadogan. Celui-ci m’a donné, à plusieurs reprises, le conseil, sans doute très sage, de ne pas vouloir brûler les étapes, d’attendre qu’un équilibre se crée, peu à peu, dans l’organisation mondiale nouvelle, avant de mettre nettement en discussion le problème de la neutralité de la Suisse comme membre éventuel de l’organisation des Nations Unies. Lorsque Sir Alexander a quitté Londres, pour assumer ses fonctions comme chef de la délégation britannique à New York et comme représentant au Conseil de sécurité, le moment ne lui paraissait pas encore venu pour soumettre, au crible des discussions au Conseil de sécurité, à la fois le problème de nos relations avec les Nations Unies et de la reconnaissance de la neutralité perpétuelle de la Suisse dans le cadre de cette organisation. Je considère, toutefois, la compréhension de Sir Alexander comme un des éléments, probablement essentiels, pour l’époque où des pourparlers concernant le statut international de notre pays pourront ou devront être engagés avec les Nations Unies et, en vertu de la charte de San Francisco, d’abord avec le Conseil de sécurité de cette organisation.
Je n’ai pas lieu de croire – au contraire – que Sir Orme Sargent, qui a repris des mains de Sir Alexander la succession de la direction permanente du Foreign Office – au fond très régulière malgré les sauts d’humeurs apparents d’un Sir William Tyrrell, puis d’un Sir Robert Vansittart – ne partage pas les vues prudentes, objectives, ancrées dans une expérience profonde de la vie internationale, de son prédécesseur.
Reste, cependant, le problème de l’attitude, dans le cas particulier qui nous intéresse, du Ministre d’Etat travailliste actuel, M. Philip Noel-Baker. Vous savez quelle estime j’ai personnellement pour cet excellent ami de notre pays que vous connaissez et appréciez vous-même. M. Noel-Baker, vous le savez aussi, est, cependant, un doctrinaire de la vie internationale. M. le Professeur William E. Rappard vous a exactement situé sa position et ses vues dans son rapport sur l’entretien que nous avons eu tous les deux avec le Ministre d’Etat le 17 juillet3. Pour M. Noel-Baker, qui excluait, en 1919, la possibilité de guerre future (ce qu’il a peut-être oublié), il n’y a, au moment actuel, pas davantage de perspective de conflit. Dès lors, la conception de la neutralité, si elle ne lui répugne pas instinctivement, lui apparaît comme quelque chose de suranné sinon de superflu. Dans plusieurs entretiens que j’ai eus avec lui, il a répété que le peuple suisse lui-même, au vu du développement de la science atomique, pourrait modifier, d’ici deux ans, ses conceptions de la neutralité.
M. Noel-Baker est, dès lors, aujourd’hui plutôt un partisan de l’«association» de la Suisse à l’organisation des Nations Unies, et il manifeste une préférence pour une politique d’attente de notre part en ce qui concerne le problème central de notre accession éventuelle aux Nations Unies. Il se rend parfaitement compte des inconvénients et même du danger qu’il y aurait à vouloir provoquer un plébiscite du peuple suisse sur l’accession aux Nations Unies sans le maintien de la neutralité. Non seulement, ni principalement, parce que le fait de poser le problème ainsi à notre peuple conduirait à une scission de notre opinion publique. Mais, surtout, vu les conséquences et l’effet moral qu’aurait, pour les Nations Unies elles-mêmes, le refus d’adhésion qui serait prononcé par le seul pays où, constitutionnellement, le peuple lui-même serait appelé à prendre sa décision souveraine. Il encourage donc, pour la période prochaine, l’adhésion de la Suisse aux institutions auxquelles elle peut et doit collaborer dès maintenant: Cour de Justice internationale, UNESCO, Organisation de l’alimentation et de l’agriculture, peut-être UNRRA, fonds monétaires et accord de Bretton-Woods (au sujet de ce dernier instrument, je rappelle que M. Baker a indiqué que d’ici deux ans, les Puissances pourraient peut-être implorer la Suisse d’en faire partie!)
Le moment venu, il sera sans doute nécessaire d’approcher, au sujet de la question de notre neutralité, le Secrétaire d’Etat, M. Bevin lui-même. Avec M. Churchill, M. Bevin est sans doute la personnalité politique la plus forte de l’Angleterre actuelle. Ses expériences des conférences à trois et à quatre, au cours desquelles il a fait preuve d’autant de force de caractère que de ténacité, lui auront sans doute démontré les difficultés de la politique d’équilibre, à laquelle la Grande-Bretagne doit se livrer à nouveau. Il n’est pas hasardé de supposer qu’avec son réalisme constructif, il serait maintenant prêt, peut-être davantage encore qu’il y a une année, à mesurer les avantages pour l’Europe de la neutralité de la Suisse.
Le moment de l’approcher se présentera, lorsque vous estimerez opportun de remettre aux Puissances le nouveau mémorandum projeté sur le statut international de la Suisse4.
Pour en revenir à M. Churchill, vous constaterez, lors de sa visite en Suisse, l’intérêt très vif qu’il porte aux efforts déployés par notre peuple pour sa défense militaire et spirituelle. En faisant allusion aux moments périlleux traversés par notre pays au cours de la dernière guerre, il a exprimé sa conviction que, si la Suisse n’avait pas été envahie, c’était dû non seulement à la volonté de résistance de notre peuple («you would have fought, and how!»), mais aussi à la conception militaire du réduit, dont l’attaque aurait, de toute manière, exigé des efforts démesurés de la part de l’agresseur.
Il a parlé avec la plus grande estime et sympathie du Général Guisan, dont il dit avoir suivi les initiatives dès 1939 et tout particulièrement dans l’été crucial de 1940. Il a rappelé qu’en 1939 déjà, il avait fait un tour de la ligne Maginot en compagnie, notamment du Général Georges, en qui il avait d’emblée plus de confiance qu’en Gamelin. Dès ce moment, le Général Georges lui avait parlé longuement de la couverture du flanc sud par la Suisse et de l’énergie et de la science militaire de notre commandant-en-chef, qui en assurait la plus grande efficacité possible. M. Churchill désire particulièrement rencontrer en Suisse le Général Guisan, et, si des raisons médicales l’empêchent d’accéder à la proposition d’un tour prolongé du réduit, il sera heureux, pendant une journée, de se trouver, avec notre commandant-enchef des années de guerre, dans un tour rapide de quelques fortifications5.
Vous savez, aussi par d’autres sources, que l’ancien Premier britannique attribue un très grand prix au maintien des fortes positions stratégiques de notre pays et qu’il souhaite qu’elles demeurent, pour autant que faire se peut, en pleine efficacité. Ce fait même, ainsi que les observations qu’il sera sans doute à même de recueillir durant son séjour dans notre pays, le fortifieront, j’espère, dans ses convictions quant à la nécessité de soutenir les efforts de notre pays pour préserver son statut international éprouvé au cours des siècles.
Comme M. Churchill se rendra, d’autre part, à Genève pour visiter le Comité international de la Croix-Rouge, il pourra se familiariser avec l’étendue des activités humanitaires ayant leur centre dans notre pays et dont le déploiement a été conditionné par l’existence d’une Suisse réellement neutre6.
- 1
- Rapport politique: E 2300 London/40.↩
- 2
- Cf. le télégramme de P. Ruegger au DPF du 27 juillet 1946 et la lettre de P. Ruegger à J.- A. Cuttat du 26 juillet 1946, E 2001 (E) 1/26.↩
- 3
- Cf. E 2001 (E) 5/7.↩
- 5
- Cf. Nos 81 et 92, publiés dans le présent volume. Pour l’entretien de W. Churchill avec H. Guisan et la planification de la visite du réduit, cf. E 27/23347/2.Cf. aussi le rapport de H. Bracher du 18 octobre 1946, pp. 16 ss., dodis.ch/2184.↩
- 6
- Sur cette visite au Comité international de la Croix Rouge, cf. ibid. Pour la planification de la visite, cf. aussi E 2001 (E) 1/26.↩
Relations to other documents
http://dodis.ch/1204 | is mentionned in | http://dodis.ch/2184 |
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Neutrality policy UNO – General