Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.3. CHINE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 14, doc. 399
volume linkBern 1997
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1553#3786* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 161 | |
Dossier title | Aufhebung der Exterritorialrechte in China (1942–1945) | |
File reference archive | B.33.11.08 • Additional component: China |
dodis.ch/47585
J’ai l’honneur de vous confirmer mes divers câblogrammes concernant la question de la rétrocession des concessions étrangères à Shanghaï et de vous faire savoir ce qui suit.
Lorsque, sur la pression des Japonais, les diverses grandes puissances furent amenées au début de l’année à procéder à des déclarations annonçant leur intention de principe de renoncer à leurs privilèges exterritoriaux et que certains échanges de vues eurent lieu à ce propos tant avec les autorités japonaises qu’avec celles de Nankin, personne n’envisagea qu’en fait ces renonciations devraient se réaliser quelques mois plus tard. A ce moment, les diplomates les mieux informés assuraient que les nouveaux dirigeants de Chine se contenteraient des assurances données et qu’en fait, comme ce fut souvent le cas, le règlement pratique de toutes les questions connexes à l’abandon des droits exterritoriaux serait probablement opéré au moment des pourparlers généraux de paix. Or, la réalité se révéla toute différente. Après une année et demie d’efforts pour se concilier la population chinoise, les occupants japonais furent amenés à constater que loin d’être arrivés à leur but, ils rencontraient de la part de la population tant dans les milieux d’affaires des villes que dans les campagnes une opposition passive à leur activité. En rechercher les causes dépasserait le cadre de cette lettre mais l’on peut assurer sans risque de se tromper beaucoup, que le manque de psychologie des occupants comme aussi leur défaut d’adaptabilité, leur ont, en fin de compte, aliéné la sympathie même de ceux qui dans la population n’auraient pas été absolument opposés, au début, à une coopération. Il est de fait, en effet, que si le Chinois a la possibilité de faire des affaires, il ne se refusera guère à partager des profits fût-ce même avec l’occupant de son pays. Mais là encore, les procédés japonais consistant souvent à accaparer les avantages, à suivre une tactique sans souplesse qui eut pour conséquence en élevant énormément le coût de l’existence, d’affamer les populations, eut des résultats désastreux qui aboutirent à la situation où nous nous trouvons aujourd’hui à Shanghaï.
C’est dans ces conditions que M. Shigemitsu qui, comme vous le savez, fut quelque temps Ambassadeur du Japon à Nankin, fut appelé à diriger la politique étrangère du Japon comme Ministre des Affaires étrangères. Diplomate de grande classe, très avisé des affaires chinoises, M. Shigemitsu s’était vite aperçu de l’impasse où se trouvait le Japon. Depuis sa nomination et même avant, il s’efforce donc de donner à la politique de son pays envers la Chine un cours nouveau qui, pour être critiqué par les militaires - soit jusqu’à présent les bénéficiaires de l’emprise japonaise - devait amener des changements sensibles dans la situation et tenter de gagner encore plus définitivement à la cause de la plus grande Asie les milieux de Nankin et l’opinion publique chinoise.
Or le retour des concessions fait partie du vaste programme du nouveau Ministre japonais des Affaires étrangères; c’est sur son impulsion que furent engagées, avec grande énergie et à grand renfort de publicité, les négociations qui aboutiront dans quelques jours à la restitution complète des concessions étrangères en Chine et à leur remise formelle aux autorités de Nankin. Il restera à voir si ces efforts qui obligent les Japonais à abandonner bien des positions acquises produiront à la longue les résultats que désirent leurs dirigeants. A en juger par ce qui se passe actuellement; il est certain que, pour ne parler que d’elle, l’administration de Nankin n’a pu que se féliciter de recueillir à si peu de frais le riche butin des concessions étrangères. Elle s’apprête à les gérer et, à ce qu’on m’assure, les places sont actuellement mises aux enchères dans la capitale du gouvernement national. Il est superflu de vouloir estimer ici la valeur de ce qui dut tomber ainsi dans les mains chinoises mais, pour la seule Concession française, le chiffre de 500 millions de dollars locaux n’est certainement pas exagéré. Les concessions sont le produit de plus d’un siècle de labeur et d’efforts continus des Européens et Américains en Chine; l’ordre et la prospérité qui y régnaient - à l’encontre de ce qui se passe presque partout ailleurs dans ce continent - sont un témoignage de l’assiduité que les étrangers ont mises à organiser dans cette partie de l’Asie une région où le grand commerce pouvait fleurir avec des garanties que seul le maintien de certaines institutions européennes, telle que la juridiction consulaire, était en mesure d’assurer entièrement. Les changements attendus révéleront peu à peu dans quelle mesure pourront se maintenir les traditions que les pionniers venus d’Europe avaient introduites dans les territoires où ils avaient la prédominance.
Beaucoup de personnes se montrent assez sceptiques sur la tournure que prendront les événements. Dès maintenant, il est hors de doute que le Japon qui maintient ici et ailleurs en Chine son armée et une nuée de personnages aux leviers de commande, s’efforcera d’extirper tout élément favorisant une collaboration autre que la collaboration sino-japonaise. Néanmoins, parmi les Chinois - car il ne faut pas oublier que la mentalité chinoise est bien plus proche de la mentalité des Blancs que de celle des Japonais - l’on trouve de nombreux éléments qui pensant aux temps à venir restent fidèles à l’idée de collaboration avec les étrangers avec qui naguère des populations entières partageaient de larges profits. Ces éléments n’ont maintenant pas l’occasion de se faire beaucoup entendre car l’heure est propice aux occupants du moment qui s’efforcent, cela va sans dire, de tirer ce qu’ils peuvent d’une situation que l’avenir peut profondément modifier.
Pour en revenir aux récents événements de Shanghaï, je me permets de vous donner les informations suivantes.
En ce qui concerne en particulier la France, vous voudrez bien trouver, sous ce pli, le texte de la déclaration faite à ce sujet par les autorités françaises, le 22 juillet, concernant la rétrocession des droits administratifs sur la Concession internationale ainsi que l’accord concernant la rétrocession de la Concession française, signé aussi le 22 juillet3.
Dans des négociations ardues qui ont abouti, en outre, à un échange de lettres non publiées concernant certains points accessoires mais dont le règlement touche de près la situation de la colonie française à Shanghaï, les autorités françaises ont réussi à obtenir des concessions importantes et à sauver de gros actifs. En plus du droit de conserver leur contingent militaire, elles ont reçu l’assurance que les 3U des employés municipaux (police, services administratifs, etc.) de la Concession seraient maintenus en service, avec solde entière, jusqu’à ce qu’ils puissent être évacués; en outre, des fonds importants (environ 25 millions) restent pour les indemnités de licenciement.
D’autre part, des biens-fonds représentant une valeur considérable ont été repris par le Consulat Général de France avec pouvoir d’en disposer ultérieurement; une partie servira à alimenter les nombreuses oeuvres de bienfaisance qui existaient dans la Concession. De plus, des écoles, des instituts d’utilité publique entre autres l’Institut Pasteur, des stades et autres biens-fonds sont restés à l’Etat français. Il est hors de doute qu’après la guerre, les avoirs de la France à Shanghaï dépasseront sensiblement ceux des autres pays.
En ce qui concerne la Suisse, en particulier, je vous ai signalé par câblogramme que, contrairement à ce que vous aviez envisagé au début4, je n’ai pas été pressenti quant à l’abandon de nos droits administratifs sur la Concession Internationale. Il en est de même d’ailleurs des autres puissances neutres telles que le Portugal, la Suède et l’Espagne. J’ai toutefois reçu du Bureau local du Ministère des Affaires étrangères de Nankin le texte de l’accord conclu le 30 juin avec les autorités japonaises. Vous voudrez bien en trouver, sous ce pli, la traduction5. Me basant sur vos instructions, j’ai représenté au dit Bureau dans une note non signée, et en me référant à sa communication, que la Suisse s’attendait à bénéficier du traitement prévu par la clause de la nation la plus favorisée insérée dans notre traité d’amitié. Vous voudrez bien trouver ci-joint copie de ma note pré-mentionnée6. En fait, jusqu’à présent, le Gouvernement de Nankin a accordé formellement au Japon, à la France, et à l’Italie un traitement de faveur pour leurs ressortissants.
Dans l’annexe, vous trouverez également le texte du Traité signé avec l’Italie7.
Enfin, le Gouvernement de Nankin, sans perdre de temps a conclu, le 31 juillet, avec l’Ambassade du Japon un agrément comportant l’abandon de la part du Japon, en faveur de Nankin, de ses droits à percevoir ses impôts sur les ressortissants japonais en Chine. Vous en trouverez la copie sous ce pli8.
Le total des taxes que les résidents japonais paieront au gouvernement de Nankin est évalué à 100 millions de dollars par an.
Jusqu’à présent les droits d’exterritorialité des résidents japonais les exemptaient des impôts payables au gouvernement chinois. Les sujets japonais en Chine paieront notamment des taxes telles que la taxe sur les boissons alcooliques, sur les articles de coton, les allumettes et sur d’autres articles d’entrepôts ainsi que sur le sel, sur le revenu et le chiffre d’affaires.
- 1
- Rapport: E 2001 (D) 3/161. Rétrocession des concessions.↩
- 2
- ;Ce rapport n’a été expédié que le 18 septembre et n’est parvenu à Berne que le 25 janvier 1944. Il constitue une synthèse des messages télégraphiques transmis par le Consul général de Suisse en Chine.↩
- 3
- Non reproduits.↩
- 4
- Cf. ci-dessus Nos 320 et 324.↩
- 5
- Non reproduit.↩
- 6
- La note adressée par le Consul général de Suisse en Chine, datée du 2 août 1943, précisait: The Swiss Consulate General has the honour to acknowledge receipt with thanks of the communication dated July 13th, with which the Shanghai Office of the Waichiaopu has transmitted the text of the agreement signed on June 30th by the Chinese and Japanese Governments concerning the retrocession of the International Settlement. While it appears from Art. 3 of this agreement that the Japanese Government and Japanese nationals will be accorded special rights concerning their persons and property, it is considered appropriate to remind that on the strength of the declaration attached to the Treaty of Amity between China and Switzerland of June 13th, 1918, the latter is entitled to expect “to enjoy in all respects the same privileges and immunities as are now or may hereafter be granted to the subjects of the most favoured nation”.↩
- 7
- La note adressée par le Consul général de Suisse en Chine, datée du 2 août 1943, précisait: The Swiss Consulate General has the honour to acknowledge receipt with thanks of the communication dated July 13th, with which the Shanghai Office of the Waichiaopu has transmitted the text of the agreement signed on June 30th by the Chinese and Japanese Governments concerning the retrocession of the International Settlement. While it appears from Art. 3 of this agreement that the Japanese Government and Japanese nationals will be accorded special rights concerning their persons and property, it is considered appropriate to remind that on the strength of the declaration attached to the Treaty of Amity between China and Switzerland of June 13th, 1918, the latter is entitled to expect “to enjoy in all respects the same privileges and immunities as are now or may hereafter be granted to the subjects of the most favoured nation”.↩
- 8
- Non reproduit.↩