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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 24, doc. 14
volume linkZürich/Locarno/Genève 2012
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E1003#1994/26#8* | |
Old classification | CH-BAR E 1003(-)1994/26 4 | |
Dossier title | Protokolle der 1.-84. Sitzung des Bundesrates (1967–1967) | |
File reference archive | 4.3 |
dodis.ch/33244
Mme Allilueva
M. Spühler constate que les membres du Conseil ont reçu une notice de Janner2. Pour le moment, Mme Allilueva3 est «abgedischt», mais il faudra bien un jour normaliser la situation de cette étrangère qui est censée séjourner librement en Suisse comme touriste. Elle dispose de papiers et envisage la publication de mémoires. Des éditeurs la poussent d’ailleurs à cette publication4. Les autorités des USA et de l’URSS apprécient notre comportement5. Faut-il autoriser Mme Allilueva à entrer en contact avec des éditeurs? Cela la tranquilliserait. Mais il y a la question de la réaction soviétique en cas de publication. Ce sera une question à examiner plus tard. Seule la question des contacts est actuelle. La promesse6 de prise en charge par les USA n’est que verbale.
M. von Moos relève que notre comportement rend service aux USA et à l’URSS. Il y a en réalité «Absprung». Mme A[llilueva voudrait pouvoir faire des déclarations mais on l’en empêche pour le moment. Cette situation n’est pas satisfaisante. Un réfugié ne peut exercer une activité politique en Suisse. Mme A[llilueva n’est cependant formellement pas une réfugiée. Elle a, il est vrai, pris une engagement7, mais dont on pourrait la libérer. Il faudrait éviter qu’elle joue un certain rôle d’agitateur du simple fait de ses publications. Il faut chercher, pour le moment, à résoudre la question en autorisant les contacts désirés, mais sans préjuger la question d’une publication tant que durera le séjour en Suisse. Il faudra examiner la question de savoir s’il n’y aurait pas lieu de publier un communiqué disant qu’une conférence de presse de Mme A[llilueva n’entre pas en considération.
M. Tschudi pense qu’il faut s’en tenir à la version du séjour touristique, en assurant des conditions de vie acceptables et des possibilités de contacts. Il faut tenir compte de l’aspect international et bien réfléchir au problème des publications.
M. Schaffner est d’avis qu’il faudrait assurer à Mme A[llilueva un traitement plus humain et empêcher la «chasse à l’homme». Il faudrait dire que le Conseil fédéral condamne ces procédés des «gangsters» du reportage. L’aspect politique est très délicat.
Il faut chercher à ne pas compromettre nos relations avec l’URSS8. Les pourparlers avec des éditeurs doivent être autorisés, mais il ne devra pas y avoir de publications durant le séjour en Suisse, tant en ce qui concerne un livre que les articles de revues.
M. Gnägi constate que le Conseil devra décider un jour si la question de l’asile se pose ou pas. Nous ne devons pas être l’instrument des USA ou de l’URSS. L’asile s’imposerait en cas de publication durant le séjour en Suisse. Ne rien décider aujourd’hui quant à la publication. Le statut touristique suppose l’absence de difficultés politiques. Il convient d’étudier les différentes solu tions qui s’offriraient dans le cas d’une publication. Il est impossible d’assurer le respect des droits de la personne. Il faudrait un appareil trop considérable.
M. Celio fait remarquer qu’il y a là une question de temps et de mesure. Il y a une sorte de partie de «pocker». Comme touriste, Mme A[llilueva doit éviter de nous créer des difficultés internationales. Il faudrait faire comprendre à la presse qu’elle doit renoncer à ses investigations. On a bien fait d’empêcher les contacts, mais cela ne peut durer. Il faut autoriser les pourparlers «commerciaux» de Mme A[llilueva et relâcher un peu les mesures. Nos relations avec l’URSS comptent plus que le statut de Mme A[llilueva].
M. Bonvin fait quelques remarques sur l’efficacité des mesures suivant l’importance du lieu de séjour et sur les risques que court Mme A[llilueva]. Je suis aussi d’avis qu’il ne faut pas de conférence de presse, mais que les mesures doivent être relâchées.
M. Spühler constate, en manière de récapitulation, qu’il y a intérêt à ne pas compliquer les choses (raison d’Etat) et qu’il faut considérer aussi l’aspect humain. Il importe de ne pas déclarer à Mme A[llilueva qu’elle pourra publier ses mémoires durant son séjour en Suisse. Il faut procéder graduellement. Le chancelier9 doit dire à la presse que le Conseil fédéral condamne la «chasse à l’homme».
M. Schaffner ne pense pas qu’il soit utile de chercher à conclure des arrangements de non-publication avec les éditeurs. Ils ne sont pas suffisamment sûrs. Se contenter de dire que Mme A[llilueva pourra rédiger ses mémoires, mais sans possibilité de publication tant qu’elle sera en Suisse.
M. von Moos s’exprime dans le même sens, en précisant qu’il ne devrait pas même y avoir remise d’un manuscrit à l’éditeur.
M. Bonvin exprime le vœu que le Conseil fédéral réponde sans délai à la question Schaffer10.
Conclusion: Le chancelier fera un communiqué11 condamnant les procédés indiscrets de certains reporters et démentant les rumeurs relatives à une conférence de presse12.
[…] 13
- 1
- PVCF délibératif: E1003#1994/26#8*. Présidence: R. Bonvin. Absent: personne. Secrétaire: Ch. Oser. Ouverture: 9 h. Clôture: 11 h 30.↩
- 2
- Cf. la notice de A. Janner Bemerkungen zum Fall Svetlana Allilueva du 16 mars 1967, dodis.ch/33318.↩
- 3
- S. I. Allilouïeva, la fille de J. V. Staline, avait profité d’un séjour en Inde pour s’enfuir d’URSS et demander l’asile politique. Par l’intermédiaire des Etats-Unis (cf. la notice de P. Micheli à W. Spühler du 7 mars 1967, dodis.ch/33317), elle a obtenu du Conseil fédéral l’autorisation d’entrer en Suisse le 11 mars 1967. Puis elle a été transférée à New York le 21 avril 1967. Pour un rapport détaillé du séjour de S. I. Allilouïeva, cf. la notice de A. Janner, dodis.ch/33320.↩
- 4
- Sur la correspondance des éditeurs, cf. doss. E2001E#1980/83#3938* (B.41.11). Sur la question de la publication, cf. la notice de A. Janner du 16 mars 1967, dodis.ch/33130.↩
- 5
- Cf. la lettre de F. Schnyder à P. Micheli du 16 mars 1967 et le télégramme No 72 de A. R. Lindt à A. Janner du 16 mars 1967, doss. comme note 4.↩
- 6
- Cf. la notice de H. Kaufmann Zusammenfassung der Besprechung vom 10. März 1967 betreffend die Einreise von Frau Svetlana Allilueva, ibid.↩
- 7
- Cf. la déclaration de S. I. Allilouïeva auprès du Conseil fédéral du 10 mars 1967, ibid.↩
- 8
- Cf. DDS, vol. 24, doc. 44, dodis.ch/32783.↩
- 10
- E. Schaffer a posé la petite question concernant le Comportement de la presse à sensation à l’égard de M me Allilueva le 16 mars 1967. Le 6 juin 1967 il a retiré sa question. Cf. le Résumé des délibérations de l’Assemblée fédérale, Session d’été, 5 au 28 juin 1967, p. 43.↩
- 11
- Cf. le communiqué du Conseil fédéral du 17 mars 1967, doss. comme note 4.↩
- 12
- Sur le déroulement ultérieur de l’affaire, cf. la notice de A. Janner du 28 mars 1967, dodis.ch/33322; la notice de P. Musy du 3 avril 1967, dodis.ch/33319; le PVCF délibératif de la 26ème séance du 14 avril 1967, dodis.ch/33258; le PVCF délibératif de la 27ème séance du 21 avril 1967, E1003#1994/26#8* et le télégramme No 118 de A. R. Lindt à A. Janner du 22 avril 1967, dodis.ch/33321.↩
- 13
- Pour la version complète du document, cf. dodis.ch/33244.↩
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