Gespräch mit Gustav Müller, der in der peronistischen Bewegung der Ausländer die Funktion eines Generalinspekteurs inne hat. Der Schweizer Gesandte kritisiert den politischen Charakter dieser Bewegung und warnt die Schweizer Kolonie in Argentinien davor, mit Müller, den er als rechtsextrem bezeichnet, in Kontakt zu treten.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 19, doc. 141
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.60-02#1968/231#85* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.60-02(-)1968/231 7 | |
Dossier title | Mouvement péroniste des étrangers participation du suisse Gustave Müller (1954–1955) | |
File reference archive | D.24.2.1 |
dodis.ch/9063 MOVIMIENTO PERONISTA DE LOS EXTRANJEROS
J’ai reçu la visite de M. Gustave Müller que j’avais convoqué à la Légation et qui a immédiatement accueilli mon invitation. Je lui ai fait part de ma vive préoccupation en ce qui concerne le Mouvement péroniste des étrangers et je lui ai exposé les raisons pour lesquelles je dois déconseiller d’une façon très nette et très claire à nos compatriotes d’adhérer au Mouvement politique dont il s’agit.
M. Müller qui, d’après ce qu’il affirme, occupe dans le Mouvement la place d’inspecteur général et de délégué national, c’est-à-dire une situation qui vient immédiatement après celle du directeur général du Mouvement3, m’a exposé en quelques mots ce qui suit:
A un moment donné, le Mouvement qui a été créé sur l’instigation du Président lui-même4 et sous la surveillance directe du Vice-président de la République, l’amiral Teisaire, lui a demandé d’entrer dans l’organisation. M. Müller a voulu me consulter, mais, comme j’étais en vacances, il n’a pas voulu approcher mon successeur5 ou notre vice-consul6 et il a préféré s’adresser à M. Weidmann. Celui-ci lui a exprimé les plus grandes réserves au sujet du Mouvement en question, mais M. Müller décida quand même d’en faire partie, en se disant que si lui n’acceptait pas, le Mouvement aurait fait appel à un autre citoyen suisse quelconque qui aurait pu agir dans l’organisation d’une façon nuisible aux intérêts suisses. M. Müller affirme que lui-même s’est immédiatement rendu compte de la nécessité de procéder avec la plus grande prudence, d’éviter toute pression sur nos compatriotes et de faire comprendre aux autorités que l’attitude de la Légation et des Suisses d’Argentine ne pouvait être, d’une façon générale, qu’une attitude d’extrême réserve à l’égard du Mouvement, à cause de la tradition suisse de rester en dehors de toute organisation ayant une couleur politique. M. Müller aurait fait état de tout cela non seulement verbalement, mais aussi par écrit, en répondant à un questionnaire qui a été soumis au Mouvement par le Vice-président et dans lequel figuraient des questions comme celles-ci:
Croyez-vous que les Suisses (les Italiens, les Allemands etc.) s’opposeront au Mouvement péroniste des étrangers? Quelle sera l’attitude de leur Ambassade à ce sujet? Avez-vous eu à supporter des difficultés dans ce domaine et de la part de l’Ambassade?
M. Müller n’a pas voulu me mettre au courant de l’origine précise du Mouvement, des raisons pour lesquelles il a été créé, des personnes qui le dirigent, etc. Il m’a dit qu’il est présidé par M. Walter Navarra qui figure comme secrétaire général du Mouvement et que je connais – dit-il – puisqu’il l’avait amené à la Légation lors du séjour de Kübler à Buenos Aires7. Il s’agit d’un grand ami à lui; cela me fait penser que M. Müller n’a nullement été sollicité d’entrer dans le Mouvement, mais qu’il est bel et bien un de ceux qui l’ont fondé, ou en tous cas suggéré aux autorités. Au début, M. Perón aurait gardé une grande réserve au sujet de l’avenir du Mouvement: il lui a assuré son appui tout en voulant voir d’abord comment le Mouvement se développerait, avant d’intervenir activement dans l’organisation. D’après M. Müller, les étrangers se seraient précipités dans le bureau primitif du Mouvement pour s’y inscrire, de sorte que lui et M. Navarra ont dû immédiatement engager dix personnes pour les inscriptions et pour dresser le fichier. Le Mouvement aurait aujourd’hui déjà plus de 800’000 personnes; 1’200 Suisses en feraient partie et parmi ceux-là, 500 appartiendraient à la collectivité suisse de la capitale. M. Müller n’a pas voulu citer un seul nom; il a affirmé qu’aucune pression n’avait été faite sur qui que ce soit et que les Suisses ont été tout simplement invités à se rendre au Mouvement, pour que celui-ci puisse leur expliquer ses véritables tendances et ses buts. Le Mouvement aurait pour but non pas d’intervenir dans la politique du régime pour assurer au Président un appui dont il n’a nullement besoin, mais de grouper tous les étrangers en Argentine, afin qu’ils puissent collaborer au redressement économique de la Nation. Le Mouvement (ainsi que les autorités argentines) estime que les étrangers qui gagnent leur vie dans ce pays, ont le devoir de collaborer à son développement. Ils pourront plus facilement accomplir ce devoir et faire preuve de leur bonne volonté en se groupant et en agissant, en cas de nécessité, comme une organisation nationale.
Le Mouvement s’étend à toutes les Provinces du pays, car il doit collaborer au développement économique de toutes les régions argentines. Le Mouvement pense développer le tourisme dans tous les coins de la République; construire des hôtels; favoriser les relations culturelles par un échange d’étudiants entre l’Argentine et les divers pays; créer des écoles pour que les étrangers qui arrivent en Argentine puissent immédiatement apprendre la langue et se familiariser avec la manière de vivre des Argentins, les possibilités économiques du pays, et, partant, se rendre compte tout de suite de l’activité dans laquelle ils auront à se lancer pour atteindre immédiatement le succès.
M. Müller m’a déclaré que tout ce programme sera réalisé avec l’apport financier des entreprises étrangères qui ont déjà fait preuve de leur bonne volonté en offrant spontanément des donations d’une grande importance.
M. Müller est d’accord avec moi qu’il est absolument impossible que je puisse voir avec sympathie une organisation appelée en tout état de cause à participer d’une façon même minime à la politique du régime. Il regrette qu’il en soit ainsi et il espère que tout frottement pourra être évité entre la Légation et le Mouvement. Il connaît mon attitude et il connaît également les lettres que j’ai adressées à la Fédération8 et au Consulat à Rosario9. Il comprend parfaitement ma conduite et il l’aurait déjà justifiée vis-à-vis des autorités. Il m’a garanti que le Mouvement, pour autant que cela dépendra de lui, M. Müller, ne fera aucune pression sur les Suisses et surtout qu’il n’interviendra jamais auprès de n’importe laquelle des sociétés suisses dans le pays: seulement les individus et les entreprises économiques seront invités à faire partie du Mouvement. Celui-ci est désormais en marche, sa création a été accueillie avec un grand enthousiasme dans plusieurs milieux étrangers et plus personne ne saura l’arrêter. D’après M. Müller, le Mouvement est appelé à se développer chaque jour davantage et à exercer une influence considérable dans le cadre des organisations du pays. Il ne convient nullement aux Suisses, toujours d’après M. Müller, de prendre une attitude hostile vis-à-vis de l’Organisation.
J’ai exposé à ce compatriote encombrant que de toute façon je dois maintenir mon attitude négative à cause de la couleur politique du Mouvement et que je continuerai à déconseiller à nos compatriotes d’adhérer à une organisation dont, malgré tout ce qu’il dit, les buts sont loin d’être clairs. M. Müller affirme qu’au mois de janvier le Mouvement commencera la publication d’un bulletin dans lequel son activité sera clairement décrite à la lumière du jour et que chacun pourra voir que les fins qu’il poursuit sont nobles et utiles. Il a ajouté que les étrangers indésirables, tels que les fameux citoyens français et belges condamnés à mort par les autorités de leur pays respectif10, ont déjà été écartés11.
De ma conversation avec M. Müller, je tire les conclusions suivantes:
Le Mouvement est effectivement appuyé par le Gouvernement et surtout par le Vice-président. Les autorités ne voient peut-être pas encore très clairement comment elles l’utiliseront; pour le moment elles surveillent son développement et l’enthousiasme qu’il éveille parmi les étrangers. Il a déjà eu pas mal de succès, surtout parmi les Italiens qui y ont adhéré en bloc. La couleur politique du Mouvement est indéniable; cela est tellement vrai que M. Müller m’a exposé qu’il a cherché par tous les moyens à expliquer aux Suisses et à d’autres étrangers qu’ils ne courent aucun risque en adhérant à l’Organisation, même s’il y avait un jour un changement de gouvernement!
M. Müller me fait l’impression d’être un mégalomane achevé et de vouloir à tout prix jouer un rôle: cela est plus dangereux que s’il s’agissait d’un homme qui désire gagner de l’argent. Il m’a affirmé qu’il ne touche aucun traitement et qu’il a prêté au Mouvement 35’000.– pesos qu’il ne reverra peut-être jamais. Je n’en crois naturellement pas un seul mot. Sa tâche est principalement celle de parcourir le pays pour organiser les cellules du Mouvement dans les Provinces et il parle de cette activité comme s’il était déjà un grand chef politique. Il me rappelle, en petit, son idole Adolf Hitler: il est décidément dangereux.
- 1
- Cette notice est annexée à la Notice pour M. Fries de M. Fumasoli du 28 décembre 1954, non reproduite.↩
- 2
- E 2200.60(-)1968/231/7.↩
- 3
- W. Navarra.↩
- 4
- J. D. Perón.↩
- 5
- A. Dominicé.↩
- 7
- En tant que directeur de la «Organisación Mundial Sport», W. Navarra a organisé à la fin de 1952 la «Prima Vuelta ciclista al centro de la Nueva Argentina», à laquelle a participé le cycliste suisse F. Kubler. Cf. la Note pour Monsieur le Ministre de M. Fumasoli du 27 novembre 1954, non reproduite.↩
- 8
- Cf. la lettre de M. Fumasoli au président de la Fédération des sociétés suisses en Argentine du 6 décembre 1954, non reproduite.↩
- 9
- Cf. la lettre de M. Fumasoli à P. Born du 9 novembre 1954, non reproduite.↩
- 10
- Il s’agit d’anciens collaborateurs français et belges (vichystes et rexistes) qui ont fui en Argentine.↩
- 11
- Dans une lettre de M. Fumasoli à A. Zehnder du 6 décembre 1954, non reproduite, on peut lire: […]les Français et les Belges qui ont accueilli jusqu’ici l’invitation du «Mouvement», sont tous, ou presque, des personnes condamnées à mort par les autorités de leurs pays respectifs.↩
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