Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1991, doc. 29
volume linkBern 2022
more… |▼▶3 repositories
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E1010C#1996/219#470* | |
Dossier title | Auslandreisen des Bundespräsidenten, des Bundesrates und von Chefbeamten (1991–1991) | |
File reference archive | 354 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2010A#2001/161#5693* | |
Dossier title | Allgemeines, Band 2 (1991–1991) | |
File reference archive | B.73.0 • Additional component: Afghanistan |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2210.5#1998/8#23* | |
Dossier title | Afghanistan (1989–1992) | |
File reference archive | 370.1 |
dodis.ch/57737Entretiens du Secrétaire d’État du DFAE Jacobi à Kaboul, Islamabad et Peshawar1
Visite du Secrétaire d’État Klaus Jacobi (JAC) en Afghanistan et au Pakistan, du 28 juin au 7 juillet 1991
Depuis plusieurs années déjà, le DFAE suit de près l’évolution de la situation en Afghanistan et plus particulièrement les ébauches de règlement négocié de ce conflit qui dure depuis environ douze ans.2 On estime entre 1 à 1,5 mio. le nombre de victimes de cette guerre, qui a incité par ailleurs plus de 5 mio. d’Afghans à se réfugier à l’étranger et notamment au Pakistan et en Iran.
Au-delà du drame humain, notre intérêt pour l’Afghanistan résulte aussi de la volonté de vouloir contribuer, dans la mesure de nos moyens, à une résolution politique du conflit. Nous avons été encouragés dans cette voie par des personnalités suisses3 mais surtout par des Afghans qui estiment que la Suisse, pays neutre et qui n’a pas d’intérêts immédiats en Afghanistan, pourrait jouer un rôle utile. Ainsi, nous avons reçu un «appel au secours» signé par 700 commandants et personnalités afghans résidants en Afghanistan,4 des représentants des chefs modérés sis à Peshawar ainsi que de l’ex-roi Zaher Shah ont pris langue avec nous, des intellectuels afghans vivant en Europe et aux États-Unis ainsi que le gouvernement de Kaboul nous ont approché, et même l’Iran nous a encouragé à assumer un certain rôle.5
Le 21 mai 1991, le Secrétaire général de l’ONU, M. J. Pérez de Cuéllar a publié une déclaration sur l’Afghanistan dans laquelle figure un plan de paix en 5 points.6 Au point 3 de ce plan, il est notamment question d’une phase transitoire dont les détails doivent être élaborés dans le cadre d’un dialogue intra-afghan. C’est à la promotion de ce dialogue, et en plein accord avec l’ONU, que nous souhaitons pouvoir contribuer.7
Le voyage de J[acobi] s’est inscrit dans le contexte relaté ci-dessus et avait pour objectif:
- – d’entendre des parties directement concernées par le conflit leurs vues sur un éventuel règlement négocié;
- – de rendre visite au plus grand nombre possible de parties et personnalités concernées afin de les encourager à entamer un véritable dialogue;
- – de témoigner de la disponibilité de la Suisse à contribuer aux efforts entrepris dans la recherche d’une solution politique au conflit; et
- – de répondre aux invitations et aux appels qui ont été lancés à la Suisse afin qu’elle s’engage en faveur du peuple afghan.
La liste des interlocuteurs de J[acobi] est longue, vous la trouverez en annexe.9 Afin d’assurer un certain équilibre à ce voyage, il s’est rendu non seulement à Kaboul mais aussi à Islamabad et à Peshawar.10 Dans ces trois villes, il a été reçu par toutes les personnalités qui jouent un rôle décisif dans ce conflit.
À tous ses interlocuteurs J[acobi] a souligné l’importance d’un dialogue, d’un dialogue sans conditions préalables, d’un dialogue qui implique des concessions et d’un dialogue qui doit être mené pas à pas. En effet, il est pratiquement impossible de réunir autour d’une même table tous les mouvements concernés. Il convient plutôt, du moins dans une première phase, de réunir les personnalités «raisonnables» et de laisser de côté les extrémistes.
Ce dialogue doit s’inscrire dans le cadre de la déclaration du 21 mai 1991 du Secrétaire général de l’ONU et la Suisse est disposée à le faciliter si cela est souhaité par les différentes parties concernées. Toutefois, il n’existe pas de plan de paix suisse pour l’Afghanistan et le voyage de J[acobi] n’avait nullement pour objectif de concurrencer les efforts de l’ONU. Au contraire, un engagement de la Suisse serait complémentaire à l’action de l’organisation mondiale.11
La paix en Afghanistan ne peut être imposée de l’extérieur, par des États tiers; ceux-ci peuvent toutefois créer des conditions cadres favorables à la paix. Il revient en effet aux Afghans eux-mêmes de trouver une solution à ce conflit dans le respect de leurs traditions.
Le drame humain qui se déroule en Afghanistan est consternant. Et ce d’autant plus que, depuis le retrait des troupes soviétiques en février 1989, le monde ne prête plus guère attention à ce conflit. Or, le peuple afghan s’agrippe à tout espoir de paix car il est las de cette guerre. Cette opinion est partagée par la majorité des commandants et autres caciques rencontrés.
Aussi bien à Kaboul13 qu’à Peshawar14 on admet que la guerre ne peut amener ce conflit à son terme. D’ailleurs, sur le terrain, la situation militaire est relativement figée. Entamer un véritable dialogue avec Kaboul est toutefois un pas que la majorité des chefs de la résistance n’osent pas franchir. Ils soutiennent en effet que l’on ne peut négocier avec un homme tel que Najibullah qui a mené l’Afghanistan à sa ruine, qui est responsable de tant de morts. Et pourtant, le président afghan et son régime ne peuvent être contournés. Ils représentent une réalité dans la vie politique afghane.
La fragmentation de la résistance, la méfiance qui règne entre ses principaux chefs mais aussi la présence de Najibullah, qui représente une barrière psychologique presque insurmontable, sont autant de facteurs qui rendent difficile toute ébauche de dialogue entre Afghans.
De surcroît, d’aucuns ne souhaitent pas nécessairement la paix pour leur pays car ils tirent un profit financier non négligeable de ce conflit grâce au trafic d’armes et de drogues.
Dans son ensemble, le plan de paix de l’ONU est accepté par une majorité des interlocuteurs de J[acobi].15 Toutefois, les modalités de son application, notamment en ce qui concerne la constitution d’un régime de transition, sont encore peu claires. Nombreux sont ceux aussi qui mettent l’accent sur la nécessité d’interrompre l’intervention d’États tiers dans le conflit par le biais de livraisons d’armes, de matériel et le transfert d’argent. Mais à ce jour, et malgré de nombreux mois de négociations, les EUA et l’URSS n’ont pas réussi à conclure un accord dit de «symétrie négative». Un arrêt du flux des armes n’aurait pas nécessairement comme conséquence immédiate un arrêt des combats car les stocks d’armes sont importants, mais une telle mesure serait un pas dans la bonne direction.16
La situation économique de l’Afghanistan est catastrophique. Un effort substantiel de la communauté internationale sera nécessaire pour reconstruire ce pays dès que les conditions le permettront.
L’intérêt que la Suisse porte à l’Afghanistan et sa volonté de venir en aide à ce pays ont été vivement appréciés de part et d’autre de la frontière idéologique.17 Les interlocuteurs de J[acobi] ont pris acte de notre disponibilité à faciliter le dialogue intra-afghan par l’organisation, par exemple, de réunions en Suisse. Reste à savoir s’ils se sentiront prêts à se lancer dans un véritable processus de négociation.18
- 1
- CH-BAR#E1010C#1996/219#470* (354). Cette note d’information aux membres du Conseil fédéral est très probablement rédigée par Ulrich Lehner, Chef du Service de la politique de paix du DFAE, qui a participé au voyage en Afghanistan et Pakistan du Directeur de la Direction politique du DFAE, le Secrétaire d’État Klaus Jacobi. La note d’information, dont certaines parties ont déjà circulé dans le télex hebdomadaire 28/91 du 8 juillet 1991, dodis.ch/59685, point 3, est signée par le Chef du DFAE, le Conseiller fédéral René Felber. Selon les PVCF de décision II de l’année 1991, la note n’a pas été discutée lors d’une séance du Conseil fédéral, cf. le dossier CH-BAR#E1003#2003/92#2* (4.32).↩
- 2
- Cf. la compilation thématique Guerre d’Afghanistan (1979–1989), dodis.ch/T1834.↩
- 3
- C’est notamment le cas du directeur de la Bibliotheca Afghanica à Liestal, Paul Bucherer, qui fournit au DFAE d’importants contacts en Afghanistan, cf. par exemple dodis.ch/60069.↩
- 4
- Cf. dodis.ch/60068.↩
- 5
- Pour un aperçu des sollicitations des diverses parties, cf. la compilation dodis.ch/C2057.↩
- 6
- Cf. dodis.ch/60074, annexe 1.↩
- 7
- Selon la notice du 3 juin 1991 de Lehner, qui commente la déclaration du Secétaire général Pérez de Cuéllar: «De ce plan, on retiendra tout particulièrement le point 3 selon lequel: ‹The need for a transition period, details of which have to be worked out and agreed upon through an intra-Afghan dialogue, leading to the establishment of a broad-based government›. Cette phrase semble laisser la place à une action telle que nous l’envisageons.», cf. dodis.ch/60074.↩
- 8
- Du côté de l’ONU, l’intention de la Suisse d’offrir ses bons office est considérée comme ayant peu de chances de succès, mais quelques conseils sont quand même donnés, cf. la notice de conversation de Lehner du 18 juin 1991, dodis.ch/58752. Les États-Unis se montrent «not terribly happy» au sujet du voyage du Secrétaire d’État Jacobi à Kaboul, cf. la notice de conversation de Lehner du 19 juin 1991, dodis.ch/60084.↩
- 9
- Cf. le facsimilé dodis.ch/57737.↩
- 10
- Un tel itinéraire entre l’Afghanistan et le Pakistan est également recommandé par le répresentant du Secrétaire général de l’ONU en Afghanistan, Benon Sevan, cf. la notice de conversation de Lehner du 18 juin 1991, dodis.ch/58752.↩
- 11
- Le fait que la Suisse agisse dans le cadre du plan de l’ONU est souligné et répété à de nombreuses reprises, cf. par exemple dodis.ch/58750 et dodis.ch/58815.↩
- 12
- Pour un aperçu synthétique de tous les entretiens, cf. le télex du 18 juillet 1991 de l’Ambassadeur de Suisse à Islamabad, Petar Troendle, dodis.ch/58812. Toutes les notices d’entretien se trouvent dans les dossiers CH-BAR#E2010A#2001/161#5693* (B.73.0.) et CH-BAR#E2210.5#1998/8#23* (370.1).↩
- 13
- Cf. entre autres les notices sur les entretiens avec le Président Mohammad Najibullah, dodis.ch/58749, Abdul Wakil, Ministre des affaires étrangères, dodis.ch/58818 et le Premier ministre Fazlulhaq Khaliqyar, dodis.ch/59991.↩
- 14
- Cf. la notice du 15 juillet 1991 sur l’entretien de la délégation suisse avec une centaine de commandants des factions armées le 4 juillet, dodis.ch/59992.↩
- 15
- Mais pas par Gulbuddin Hekmatyar, Chef du parti Hezb-e-Islami Gulbuddin et futur Premier ministre de l’Afghanistan, cf. dodis.ch/59422.↩
- 16
- Sur la symétrie négative, cf. les deux télex échangés par la Direction politique du DFAE et l’Ambassade de Suisse à Washington de fin août 1991, dodis.ch/59493 et dodis.ch/59496. Dans une déclaration commune du 13 septembre 1991, les États-Unis et l’URSS s’engagent à arrêter leurs livraisons d’armes à partir du 1er janvier 1992.↩
- 17
- C’est ce que montrent les notes de conversations déjà citées aux notes 13 et 14 et, pour le Pakistan, la notice sur l’entretien avec le Secrétaire général pakistanais aux affaires étrangères, cf. dodis./60099. Par contre, les représentants américains ont averti que la Suisse avait été utilisée à des fins de propagande par le régime afghan, cf. les deux télex de l’Ambassade de Suisse à Washington dodis.ch/58815 et dodis.ch/59496.↩
- 18
- En août et octobre 1991, des réunions secrètes informelles entre des représentants du gouvernement afghan et de l’opposition ont lieu à Liestal et à Zurich, cf. le dossier CH-BAR#E2010A#2001/161#5693* (B.73.0.). En octobre également, le Secrétaire général de l’ONU Pérez de Cuéllar annonce sa volonté de fournir une plateforme pour les pourparlers inter-afghans. Avant d’envisager de nouvelles discussions exploratoires, la Suisse souhaite attendre les efforts de l’ONU, cf. dodis.ch/58817 et dodis.ch/60087. Les pourparlers prévus par l’ONU n’ayant pas pris forme, la Suisse continue de sonder les parties en Afghanistan, mais aussi aux États-Unis et à l’ONU, cf. dodis.ch/60104. Fin décembre 1991, une autre réunion secrète a lieu en Suisse entre des représentants du gouvernement afghan et trois membres modérés de l’opposition. L’ONU, pour sa part, intensifie ses efforts dès le début de 1992 pour organiser une réunion plus large consacrée au dialogue inter-afghan à Istanbul, Genève ou Vienne. Cependant, avec la démission du président Najibullah en mars 1992, ce dialogue n’a pas lieu. Sur ces événements, cf. la compilation dodis.ch/C2059. Dans l'annexe du document se trouve la liste complète des personnalités rencontrées par le Secrétaire d'État Jacobi lors de son voyage, cf. le facsimilé dodis.ch/57737.↩
Relations to other documents
http://dodis.ch/59685 | see also | http://dodis.ch/57737 |
Tags
Afghanistan (Politics) Peace process in Afghan (1989–)