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Die Schweiz und die Konstruktion des Multilateralismus, Bd. 3. Diplomatische Dokumente der Schweiz zur Geschichte der UNO 1942–2002, vol. 15, doc. 2
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001-04#1000/124#1* | |
Dossier title | Projets d'une organisation pour la paix, Généralités (1943–1945) | |
File reference archive | F.12.0 |
dodis.ch/54875Notice de la Division des affaires étrangères du DPF1
Structure d’une organisation politique du monde après la guerre
[...]2
La sécurité internationale devait être assurée au sein de la SdN grâce à un système d’intervention contre tout État en rupture de Pacte, sous forme de sanctions économiques ou militaires.
L’organisme internationale de l’avenir maintiendra la paix par des moyens analogues à ceux qui furent préconisés à Genève. Un système d’assistance mutuelle identique à celui que prévoyait le Pacte sera restauré.3 Certaines modifications s’inspirant notamment du régionalisme seront toutefois apportées aux anciennes règles.
Le principe même de l’assistance mutuelle contre l’agression est largement défendu par les Nations Unies. Par leurs déclarations du 2 janvier 19424 les Nations Unies s’engageaient à se prêter aide et assistance jusqu’à la fin de la guerre actuelle. Pour l’avenir, il faut prendre en considération les accords polono-russe (30.7.41 126 R), gréco-yougoslave (15.1.42 - 124 L), polono-tchèque (23.1.42 - 125 L), anglo-russe (26.5.42 - 128 R) et la déclaration de Rio (28.1.42 - 125 R).
Quelle sera la position des États neutres dans une organisation basée sur le principe de l’assistance mutuelle contre tout État agresseur. Il est possible qu’un État ne sera pas appelé à intervenir hors de son continent. Néanmoins, chaque État membre pourra être amené à se départir de sa neutralité et à prendre contre l’agresseur des sanctions analogues à celles que prévoit l’art. 16 du Pacte.5
Pour la Suisse, la question se pose de savoir quelle est la tendance générale qu’on observe envers la neutralité et quelles sont pour elle les possibilités de bénéficier des dispositions d’un nouvel article 21 du Pacte.6 En un mot, pourrons-nous collaborer à l’organisme international de l’avenir en conservant notre statut d'État perpétuellement neutre?
Une constatation s’impose dès l’abord: la neutralité a en général une très mauvaise presse. Aux États-Unis, des «hints» plus ou moins voilés ont été adressés aux neutres, notamment par MM. Cordell Hull et Sumner Welles; en Russie on déclare que les petits États neutres sont voués au suicide (Iswestija du 11.4.40). Des représentants de petits États tels que la Belgique reconnaissent eux-mêmes que leur politique de neutralité est surranée. Enfin, en Grande-Bretagne, le Professeur Carr et le «Times» ont brisé une lance contre les neutres. Après la guerre, écrit le Professeur Carr, «le principe de neutralité ne recouvrera pas sa force. Entre les membres de la Société des Nations, a déclaré même une fois le Gouvernement britannique, il ne peut exister de droits des neutres, car il ne peux y avoir de neutres. Dans le cadre de la Ligue, les petits États avaient cru leur indépendance assurée par le maintien de la neutralité, mais ils étaient obligés de prendre part à une guerre entre grandes Puissances en prenant position aux côtés de la victoire de l’agression et en s’opposant à l’agresseur. C’est le système qui fut connu sous le nom de la sécurité collective. La seule conception de sécurité collective aurait pu se trouver dans une alliance européenne placée sous le contrôle français: cette conception était inacceptable de la part des petites Puissances.
Actuellement, les nouvelles méthodes de guerre ont affaibli encore l’idée que l’indépendance d’un petit État peut être défendue par sa neutralité, car seule la puissance militaire, qui fait défaut aux petits pays, permet de défendre efficacement la neutralité. Il faut également relever que les petits États, par leur proximité avec les belligérants, voient leur neutralité constamment menacée. La Suisse serait peut-être le seul pays, grâce à sa situation géographique, qui pourrait rester neutre dans un vaste conflit. En définitive, un petit État ne peut guère baser le droit de disposer de lui-même sur la neutralité. Le droit de «self determination» dépend des conditions militaires.»
Les idées du Professeur Carr sont reprises par le «Times» deux jours après le discours de Churchill du 21 mars 1943.7 Il va sans dire que les vues de l’organe britannique ne furent pas partagées par la presse de Lisbonne, de Berne ou de Stockholm.
Quels reproches fait-on aux neutres?
Il est significatif que tant en Russie qu’en Angleterre, on s’en prend aux petits États neutres presque uniquement pour des considérations d’ordre économique et militaire. Le monde sera regroupé par régions. Les petits États, auxquels tout le monde paraît vouloir apparemment le plus grand bien, formeront des groupes capables de résister économiquement ou militairement à l’agression. L’équilibre interétatique est remplacé par l'équilibre de blocs à blocs.
Il est évident que l’État membre d’une Union devra adapter sa politique à celle de l’Union toute entière. De ce fait une politique basée sur l’abstention ou l’impartialité ne sera guère possible. Le futur statut de neutralité est donc intimement lié à la structure politique du monde de l’avenir.8 L’attitude des hommes d’État belges est, à ce sujet, significative. Chauds partisans de la création d’un bloc occidental, ils reconnaissent que la conception de la neutralité a fait son temps et que les petits États sont incapables de se défendre seuls. Au contraire, M. van Kleffens exposant le point de vue néerlandais tend à repousser l’idée de groupe de Puissances de second ordre et se trouve amené à rejeter avec force les reproches adressés aux petites nations. Sur ce dernier point, M. van Kleffens paraît rallier une partie considérable de l’opinion américaine.
Qu’en est-il de la Suisse? Pour des raisons d’ordre géographique, écrit le Professeur Carr, seules peut-être la Confédération Helvétique et la Péninsule ibérique pourront demeurer neutres. L’idée du Professeur Carr est inconsciemment partagée par tous les bâtisseurs de plans. En effet, si nous examinons de près les projets de partage de l’Europe, qu’ils émanent de MM. Bénès, Kerr, Gillon ou d’une revue américaine, nous pouvons constater que la Suisse n’est incorporée à aucune union régionale. L’appartenance d’un État à un bloc signifiant pour lui l’abandon d’une politique de neutralité, il faut en déduire que les alliés reconnaissent implicitement qu’une exception sera faite en faveur de notre pays. Le fait que la Suisse n’est rattachée à aucun bloc ne permet cependant pas de déduire à coup sûr qu’elle constituera le futur «District of Columbia» du monde.
[...]9
- 1
- CH-BAR#E2001-04#1000/124#1* (F.12.0). Cette notice est rédigée par Raymond Christinger de la Division des affaires étrangères du DPF. La notice est structurée en six parties principales: I. Plans Britanniques; II. Plans Américains; III. Plans Russes; [IV.] Autres États; [V.] La sécurité internationale; [VI. Problèmes]. La cinquième partie, intitulée La sécurité internationale, est subdivisée en six points: : Haute-Cour Internationale, Armée Internationale, Désarmement, Désarmement moral, Assistance mutuelle, Neutralité. L’extrait ici édité concerne les deux derniers points de la cinquième partie de la notice.↩
- 2
- Pour la version complète du document, cf. le facsimilé dodis.ch/54875.↩
- 3
- Cf. le discours du Chef du DPF, le Conseiller fédéral Felix Calonder, à propos du Pacte de la SdN du 2 juillet 1919, QdD 14, doc. 10, dodis.ch/44217.↩
- 4
- Il s’agit de la soi-disante Declaration by United Nations, signée le 1er janvier 1942 à Washington par les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine et l’URSS. Le lendemain 2 janvier 1942, la déclaration est signée par 22 autres pays.↩
- 5
- L’article 16 du Pacte règle les sanctions à prendre contre l’État agresseur: «Si un Membre de la Société recourt à la guerre, […] il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres Membres de la Société. Ceux-ci s’engagent à rompre immédiatement avec lui toutes relations commerciales ou financières, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l’État en rupture de pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles entre les nationaux de cet État et ceux de tout autre État, Membre ou non de la Société. […]».↩
- 6
- L’article 21 du Parcte stipule que «Les engagements internationaux, tels que les traités d’arbitrage, et les ententes régionales, comme la doctrine de Monroe, qui assurent le maintien de la paix, ne sont considérés comme incompatibles avec aucune des dispositions du présent Pacte.»↩
- 7
- Pour une appréciation suisse du discours du Premier ministre britannique Winston Churchill du 21 mars 1943, cf. le facsimilé dodis.ch/54875, pp. 2–4.↩
- 8
- Cf. à ce propos les rapports du Chef de la Section pour la préparation de l’après-guerre de la Division des affaires étrangères du DPF, Daniel Secrétan, du 8 janvier 1943, dodis.ch/52267; du 17 juillet 1943, dodis.ch/52265; du 29 décembre 1943, dodis.ch/52266; ainsi que QdD 15, doc. 3, dodis.ch/54939.↩
- 9
- Pour la version complète du document, cf. le facsimilé dodis.ch/54875.↩
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Planification of the Post-War Order (World War II) (1943–1944)