Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 14, doc. 4
volume linkBern 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1000/1571#1346* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1000/1571 107 | |
Dossier title | Internierung polnischer Truppen in der Schweiz (1940–1948) | |
File reference archive | B.51.13.53.0 • Additional component: Polen |
dodis.ch/47190
Le 22 janvier 1941, à 16 heures 30, j’ai reçu M. Lados, Chargé d’Affaires de Pologne.
Dès le début, j’ai constaté qu’il avait l’intention de me présenter une note. Je l’ai prié d’attendre le développement de notre entretien, persuadé que des échanges de papiers ne seraient pas utiles à la solution des difficultés que nous devions tous résoudre. Nous parlons alors de l’accord franco-allemand du 16 novembre 19402, que je lui explique.
Je constate, à cette occasion, que nous n’avons pas discuté avec M. Scapini et que j’ai même regretté ses communications et émissions prématurées.
Puis, l’entretien porte sur le matériel. Une discussion longue, ardue, hachée, s’engage. M. Lados glisse toujours vers un débat juridique. Il fait allusion aux accords passés entre la Pologne et la France, à l’or conservé à Dakar et retenu en gage par la France. Il allègue que celle-ci avait livré le matériel et ne l’avait pas prêté, etc. etc. Il comprend cependant que nous ne pouvions nous ériger en juge. Tout au plus, constatant un litige, aurions-nous pu retenir le matériel. Mais il va sans dire que cette solution n’en était pas une, puisqu’elle faisait échouer la réalisation de l’accord du 16 novembre 1940. Aussi M. Lados me déclare-t-il que la question du matériel est secondaire, qu’elle avait surtout une valeur sentimentale et qu’il n’insiste pas.
(Incontestablement, il y avait eu contact entre M. Lados et M. Kelly3. On voulait marquer une position juridique, mais ne pas en tirer de conséquences pratiques, vu les circonstances.)
Ce qui intéresse bien davantage le Ministre, c’est le sort futur des Polonais. Il paraît qu’un certain nombre de ceux-ci, quelques centaines, apprenant par la presse - ce que M. Lados regrette à son point de vue - que la France s’est engagée à les recevoir, s’agitent et voudraient partir. Comme je m’étonne, il m’explique qu’il s’agit, d’une part, d’éléments douteux, des gens qui ont passé par la Russie, puis qui sont allés se battre en Espagne, qui avaient ensuite reflué en France et qui ne sont pas parmi les meilleurs éléments; d’autres sont des agriculteurs, fermiers, etc. qui ont leur famille en France, dans la région libre, et qui voudraient rejoindre les leurs.
M. Lados laisse entendre que, si nous pouvions les «coller» aux Français ou les laisser s’évader, ça n’est pas lui qui s’en plaindrait. Je réponds qu’il s’agirait là d’une sorte de complicité qui n’est pas dans nos habitudes.
Puis, la discussion aborde le point principal: ce que deviendront la grande majorité des Polonais.
Je déclare que, pour le moment, je ne considère pas le problème comme actuel: il n’est pas malaisé de saisir pourquoi. J’ajoute que là, s’agissant d’hommes d’origine polonaise, évidemment nous ne prendrons aucune décision quelconque sans avoir causé avec M. Lados ou ses collaborateurs.
C’était probablement ce que l’on désirait, parce que aussitôt la tension est tombée. M. Lados m’a déclaré que dès lors sa note n’avait plus d’objet; qu’il la retirait. Il pensait que peut-être il était intéressant pourtant que je la lise, ce que j’ai fait, en la lui rendant. J’ai ajouté que je ne comprenais pas qu’on ait douté que nous prendrions contact.
En passant, j’ai fait allusion au sort des Belges4, M. Lados ayant, de son côté, mentionné la Hollande et la Belgique. Il m’a déclaré qu’il ne s’intéressait pas du tout à la question des Belges, la façon dont elle serait résolue lui étant indifférente.
Ce qui le préoccupait le plus, c’était la démoralisation possible des Polonais internés. Il est très heureux de voir qu’ils sont gâtés chez nous, mais peut-être va-t-on trop loin. La discipline en souffre. Il faudrait la maintenir, avec la collaboration des officiers polonais, et éviter les grandes concentrations. Il redoute Büren5 et il redoute un nouveau camp qui, paraît-il, serait établi dans le canton d’Argovie.
Il est beaucoup plus facile, d’après lui, de surveiller et de tenir en main une compagnie ou deux que des milliers d’hommes qui n’ont rien à faire et se rongent les sangs.
Je lui réponds que je comprends dans une très grande mesure ses préoccupations, que je les partage, mais que le problème ne dépend pas de moi. Il est surtout militaire. Autant que possible, j’exercerai une influence dans le sens désiré.
En terminant notre entretien, il est précisé que je lui écrirai6, parce qu’il faut que je mette au point la question du matériel. Il désire, lui aussi, avoir une confirmation de la notification française.
- 1
- (Copie): E 2001 (E) 1/107.↩
- 2
- Cf. note 3 du No 3 ci-dessus. Cf. aussi DDS, vol. 13, doc. 416, dodis.ch/47173.↩
- 3
- Cf. annexe II au No 3.↩
- 4
- Sur ce point, cf. la notice de K. Stucki, du 22 janvier: Le Comte d’Ursel est venu me voir au sujet de l’audience qu’il a demandée au Chef du Département politique. Je lui ai fait part sommairement des difficultés qui, aux yeux de M. le Conseiller fédéral Pilet-Golaz, s’opposent à aborder dès à présent cette délicate question. Je n’ai guère réussi à éveiller de la compréhension chez le Ministre de Belgique; il se prévaut d’assurances formelles qui lui auraient été données, il y a des semaines, et selon lesquelles les internés belges seraient traités sur un pied d’absolue égalité avec les internés français, les Belges devant être considérés comme faisant partie du 45e corps. Il ne veut pas comprendre les difficultés auxquelles je fais allusion et s’élève contre l’idée que ses compatriotes auraient à souffrir de difficultés dans lesquelles ils ne sont pour rien. «Leur retour est réclamé par le peuple belge unanime», dit-il, «et l’Allemagne ne s’y oppose pas.» Il est prêt à donner au Département politique sur-le-champ une déclaration formelle comme quoi le retour en Belgique des internés belges répond au vœu de toute la nation. J’indique que la nation n’a malheureusement guère le moyen de manifester sa véritable pensée et que ces circonstances restent[sic]le problème particulièrement délicat. Comme nous n’avançons guère, je lui promets de faire rapport sur notre conversation à mon chef; de son côté, il se propose d’aborder le Ministre d’Angleterre pour connaître dans quelle mesure il pourrait y avoir de la résistance, du côté anglais, à une prompte solution de la question qui le préoccupe au plus haut degré. Il ajoute en terminant qu’il est obligé de répondre au Président de la Croix-Rouge belge et qu’il ne peut que relever que le retard apporté au retour des internés belges est voulu par la Suisse pour des motifs qu’il n’arrive pas à déceler. (E 2001 (D) 3/316). Le 17 mars 1941, le Colonel Hold, du Commissariat fédéral à l’internement, transmet au DPFles résultats d’une enquête faite parmi les internés belges pour connaître le nombre de ceux désirant rentrer en Belgique: Comme vous pouvez le voir, 570 hommes désirent rentrer en Belgique, alors que 11 seulement préfèrent ne pas faire usage de la faculté qui leur est offerte. Il y a lieu de relever que le plébiscite n’est pas tout à fait complet puisqu’il manque l’avis de quatre hommes, dont trois malades et un étudiant. (E 2001 (D) 3/315)↩
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Internees and prisoners of war (1939–1946)