Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 384
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1551#6036* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1551 196 | |
Dossier title | Deutschland - Tschechoslowakei, Rom (1938–1938) | |
File reference archive | B.74.07 |
dodis.ch/46644 Le Chargé d’affaires de Suisse ad interim à Rome, L.H. Micheli, au Chef du Département politique, G. Motta1
Hier, en fin de journée, parut la note ci-incluse de l’«Informazione Diplomatica» qui semble nettement influencée par le discours de la veille du Führer et épouser les revendications allemandes.
Le soir, j’ai rencontré chez le Ministre des Pays-Bas quelques personnes des milieux diplomatiques et ai appris qu’une activité fébrile avait régné au Palais Farnèse, où Ton avait immédiatement téléphoné la teneur de la notice à Paris. Du côté français, on relevait la divergence apparente entre le plaidoyer de l’officieux Gayda dans le «Giornale d’Italia» du même soir, où il parle d’une autonomie sur la base d’un accord avec Prague et la thèse de l’«Informazione Diplomatica» disant: «Dando ai Sudeti possibilité di scindersi da Praga»... et, plus loin, «accettare la separazione di un arto ormai completamente estraneo alla vita del proprio organismo» et, «mantenendo la signoria di Praga sulle popolazioni tedesche dei Sudeti?». Au Palais Farnèse, on interprétait ces dernières expressions comme la prétention d’une séparation complète des Sudètes de la Tchécoslovaquie (et leur absorption subséquente par le Reich). D’autres, auxquels je me rangeais tout d’abord, ne partageaient point nécessairement cette explication d’une rigueur logique trop absolue. Mais il est hors de doute que, ainsi que le Comte Ciano le disait encore récemment au Ministre de Tchécoslovaquie, l’Italie soutient énergiquement les revendications sudètes, en reflétant l’irritation allemande. Mais combien de fois les rapports de M. Ruegger et mes récentes lettres ne vous ont-ils par rapporté qu’au Ministère des Affaires Etrangères on estimait que Prague devait faire de très fortes concessions si l’on voulait obtenir une solution pacifique pouvant apaiser les Allemands? Combien de fois déjà, avant la tension aiguë de ces jours, n’a-t-on pas exprimé, avec l’espoir d’un arrangement, l’appréhension que M. Bénès et les puissances occidentales ne saisissent pas assez la réalité et le danger de la situation?
Plusieurs observateurs sont frappés de l’attaque concentrique germanoitalienne contre M. Le Président Bénès. Veut-on l’amener à démissionner? Il y a longtemps déjà qu’ici, on avait exprimé des doutes sur l’aptitude de M. Bénès à résoudre la crise. En tous cas, nous voici, par une évolution dans l’accentuation des prétentions et de l’unité du front germano-italien, dans une phase bien critique! Je crois de plus en plus que ceux qui affirment la neutralité de l’Italie en tout état de cause font erreur. L’«Informazione Diplomatica» no 19, du 8 septembre, révéla que « l’atteggiamento dell’Italia nella questione dei Sudeti fu fissato nei colloqui ehe il Führer ebbe a Monaco col Duce». On croit maintenant de plus en plus que cette attitude est celle de la solidarité. D’aucun côté on ne signale que la Grande Bretagne et la France aient fait des démarches et efforts diplomatiques particuliers pour obtenir un concours, un détachement ou une attitude bienveillante de l’Italie en cas de conflit, ce qui paraît stupéfiant! Viton ailleurs sur des formules toutes faites et des préjugés ou des suppositions mal fondées à l’égard de l’Italie? Croit-on qu’il ne vaut pas la peine d’agir sur cet important facteur? Il y a là une carence regrettable à tous points de vue et qui est bien apte à provoquer aussi des susceptibilités ici.
Ainsi l’Italie semble toujours plus entraînée dans l’axe, par la force des événements, le «dynamisme» massif de l’Allemagne d’une part, l’intérêt insuffisant - voulu ou non - des autres à son égard, «Zwangslage» est le mot qui me vient à l’esprit. L’Allemagne agit, avec succès semble-t-il, et l’on est amené à suivre. Voici qu’on accepte donc maintenant l’idée du sacrifice majeur de la part de la Tchécoslovaquie, laissant derrière soi les points de Carlsbad. J’apprends que c’est l’interprétation qui prévaut chez tous les correspondants étrangers. (Cependant la note de l’«Informazione Diplomatica» est pénétrée encore du désir d’une solution pacifique). Si l’on a avalé l’Anschluss de l’Autriche, on encaissera aussi celui des provinces sudètes, avec plus de facilité d’ailleurs.
S’il devait y avoir un conflit général, je crois que désormais il serait difficile pour l’Italie de se détacher de l’axe et beaucoup pensent ainsi. Qu’a-t-on fait pour empêcher cela? Les dés paraissent jetés et il faudrait des choses imprévisibles pour altérer cette situation.
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Sudeten Crisis and Munich Agreement (1938)