Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATION BILATÉRALES ET LA VIE DES ÉTATS
II.14. ITALIE
II.14.3. ITALIE. AFFAIRES DE PRESSE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 246
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1552#109* | |
Old classification | CH-BAR E 2001 (D) 2 7 | |
Dossier title | Italien, Allgemeines (1936–1940) | |
File reference archive | A.15.43.0 • Additional component: Italien |
dodis.ch/46506
J’ai l’honneur de faire suite à mon rapport du 24 mars2 et de vous faire savoir que M. Casagrande s’est présenté hier à nouveau à la Légation, ayant reçu entre-temps une lettre de M. le rédacteur en chef Schürch, du 23 de ce mois, lui déconseillant de partir pour le moment d’Italie et lui indiquant de se régler d’après nos conseils.
Nous avons mis au courant M. Casagrande de notre entrevue avec le Directeur général de la Presse, M. le Ministre Rocco. M. Casagrande a absolument contesté avoir prononcé les paroles qui avaient été rapportées comme ayant été dites par lui dans un local public, en septembre dernier. Sur ses insistances catégoriques pour savoir s’il n’y avait pas autre chose contre lui, c’est-à-dire d’autres rapports du Ministère de l’Intérieur ou dénonciations, nous avons estimé de notre devoir de faire alors allusion au fait que certains bruits relatifs à ses habitudes auraient été signalés par la police déjà autrefois. Nous avons d’ailleurs tout de suite ajouté que ces rapports avaient été mentionnés en passant et que l’on nous avait formellement indiqué ne pas y donner un poids particulier et ne pas les retenir au dossier comme entrant en ligne de compte dans la motivation de la demande de départ volontaire. Il n’y avait pas eu d’enquête à cet égard et M. le Ministre Rocco ne désirait pas en parler à M. Casagrande. «A aucun prix, avait-il ajouté, ces bruits ne doivent faire du tort audit correspondant». M. C. a catégoriquement nié avoir quoi que ce soit à se reprocher dans ce domaine. Il s’est montré naturellement surpris et froissé de ce qu’une interprétation incorrecte ait été donnée à des rapports naturels de camaraderie. Nous avons indiqué à notre compatriote que, pour le moment, nous devions attendre de connaître la réponse du Département à notre rapport, après que celui-ci ait pu prendre contact avec la direction de son journal.
Le Président de l’Association de la presse étrangère, M. Vaucher, venu à la Légation, nous a assuré que M. Casagrande, même si son caractère un peu original et bourru lui avait valu le surnom de «Stier von Uri» et attiré quelques observations, jouissait de l’amitié de nombreuses personnes en Italie. Il l’estime, dit-il, un homme foncièrement honnête et indépendant. M. Vaucher ne voit pas sans certaines appréhensions imposer, après le départ forcé de M. Klein, des «Basler Nachrichten», de M. Kary, de la «National Zeitung», tous deux étrangers, et de M. de Murait, du «Tages Anzeiger», celui de M. Casagrande, du «Bund». Ce serait le quatrième collaborateur de journaux suisses qui devrait partir en moins d’un an et il estime qu’il y a là certainement un signe de pression sur notre presse. Les Anglais et les Américains, eux, ajoutait M. Vaucher, se permettent de bien plus grandes libertés dans les nouvelles qu’ils envoient, sans qu’on ose faire quelque chose contre eux. Le Président de l’Association de la presse étrangère estimait que rien ne pouvait indiquer que M. Casagrande ait manifesté d’une manière anti-italienne ou anti-fasciste, et je dois dire que même si certains faits ont été rapportés d’une manière quelque peu déplacée et maladroite dans des chroniques, nous n’avons pas non plus vu dans les articles qui nous ont été montrés de phrases vraiment offensantes pour l’Italie. Mais, comme nous vous l’avons écrit, c’est l’esprit dans lequel ces articles sont rédigés qui, au dire de M. Rocco, a provoqué la demande de départ à son égard.
M. Vaucher nous a dit qu’à la requête de M. Casagrande, il avait été, il y a une dizaine de jours, chez le Directeur général Rocco pour lui demander quelle était la situation du correspondant du «Bund». M. Rocco lui aurait dit à ce moment que, après l’avertissement qu’il avait donné à M. Casagrande à cause de ses articles de la dernière décade de février, il considérait l’affaire comme liquidée. On peut donc évidemment se demander si le changement d’attitude survenu depuis lors n’est pas à attribuer à d’autres influences qu’on peut mettre en rapport, par exemple, avec la venue en mai du Chancelier allemand ou à des rapports malveillants.
J’ai tenu à vous rapporter ce qui précède pour compléter les indications contenues dans mon rapport du 24 de ce mois et je demeure dans l’attente de vos obligeantes instructions3.
P. S. M. Casagrande vient à l’instant affirmer que ses collègues suisses et lui sont persuadés qu’il a été l’objet d’une dénonciation et qu’ils soupçonnent un collaborateur du «Presstelegraph» - pas suisse - d’avoir rapporté l’exclamation incriminée que notre compatriote nie avoir prononcée («Schade dass Italien u.s.w.»). D’ailleurs les expressions choisies ne seraient jamais utilisées par M. Casagrande, mais seraient dans le style dudit correspondant.
Je vous prierai de me donner, si possible, vos instructions par télégramme.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 2/7. Journalistes suisses en Italie. Affaire Casagrande. Remarque manuscrite de Motta en tête du document: Insister pour que M. Casagrande puisse rester - comme je l’avais déjà expliqué la semaine passée. 28.3.38. M.↩
- 2
- Cf. No 242.↩
- 3
- Cf. No 252.↩
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