dodis.ch/46124
Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique,
P. Bonna, aux Légations de Suisse et aux Consulats généraux de Suisse à
Budapest,
Caracas,
Dublin,
Montréal et
Shanghai1
Récemment, les fabricants suisses de matériels de guerre avaient exprimé le désir d’exposer aux Autorités fédérales les craintes qu’ils éprouvaient sur l’avenir de leur industrie à la suite de la décision prise par le Conseil fédéral dans la question de l’embargo des armes à destination de l’Italie et de l’Ethiopie2. Une conférence présidée par M. le Conseiller fédéral Minger et à laquelle le Département Politique était représenté par son chef entendit les doléances des intéressés3
. Ceux-ci représentèrent que le fait pour la Suisse de décréter, en cas de guerre, l’embargo des armes destinées à tous les belligérants était de nature à leur fermer la plupart de leurs débouchés. Les Etats étrangers, fit-on observer, hésiteront, en effet, à introduire dans leur armée des armes dont la livraison serait interrompue au moment où ils pourraient en avoir le plus grand besoin, soit en temps de guerre.
MM. Minger et Motta reconnurent en partie la légitimité de ces préoccupations, mais ils firent observer que la Suisse pourrait difficilement adopter, à l’avenir, une attitude autre que celle qui nous a paru indiquée dans le conflit italoéthiopien4. Notre pays a un intérêt vital à sauvegarder sa neutralité, et les intérêts généraux doivent évidemment primer les intérêts particuliers.
L’industrie suisse des armes et munitions présente toutefois une importance considérable pour la défense nationale. Son concours nous est indispensable pour l’équipement de notre armée. Nous avons donc le plus grand intérêt à ce qu’elle subsiste, et, pour qu’elle subsiste, il importe qu’elle reçoive des commandes de l’étranger, les besoins de notre armée ne pouvant suffire à occuper son personnel toute l’année. Aussi a-t-il été convenu, au cours de la conférence, que nos missions diplomatiques à l’étranger prêteraient, dans la mesure du possible, leur appui aux représentants de ces maisons suisses, dans leurs tractations avec des Etats étrangers.
Nous avons constamment traité, dans nos rapports avec nos Légations, ce genre d’affaires avec circonspection, soucieux de ne pas nous exposer au reproche de faire trop facilement le jeu de ceux que l’opinion publique englobe, sans faire toujours les distinctions nécessaires, sous le vocable péjoratif de «munitionnaires». Nous ne voudrions pas nous départir de cette attitude de prudence, mais, pour tenir compte de la situation toute spéciale de nos industriels, nous ne verrions pas d’objections à ce que, à l’occasion d’affaires dont le caractère échapperait à tout soupçon et à toute critique, ils puissent compter sur le concours plus ou moins discret de nos agents diplomatiques. Il s’agit là d’ailleurs, comme nous l’a maintes fois exposé le Département Militaire, d’une pratique à laquelle les missions diplomatiques d’autres pays ne négligent pas d’avoir recours.
Si une intervention de votre part vous paraissait présenter des inconvénients et notamment si l’affaire traitée vous semblait suspecte à quelques égards que ce fût, vous voudrez bien nous demander des instructions. Au cas contraire, il vous serait loisible d’intervenir sans autre, mais il serait bon que vous nous instruisiez, en même temps, des démarches entreprises.
Si vous aviez des observations à présenter au sujet de ce qui précède, vous nous obligeriez en nous en donnant connaissance.