Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ETATS
II.6 FRANCE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 173
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.41-02#1000/1671#9275* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.41-02(-)1000/1671 943 | |
Dossier title | Société pour l'Industrie de l'aluminium à Neuhausen, Teil 2 ( 1919 – 1919 ) | |
File reference archive | 1019 |
dodis.ch/44384
En me permettant de rappeler à Votre Excellence les nombreuses notes écrites que je lui ai remises et les démarches verbales2 que j’ai faites auprès d’elle de la part de mon Gouvernement, en ce qui concerne la Société anonyme pour l’Industrie de l’aluminium, dite Société de Neuhausen, j’ai l’honneur de vous informer que le Conseil fédéral suisse, apprenant que la Commission consultative sur la liquidation des séquestres est appelée à examiner très prochainement le cas de la société susvisée, m’a chargé d’intervenir encore une fois, d’une manière particulièrement pressante, pour que les intérêts suisses de cette société dont la nationalité suisse est formellement attestée par mon Gouvernement, soient sauvegardés; il attache une importance capitale, au point de vue politique, à ce que cette question soit résolue dans un esprit de justice et d’équité.
A cet effet, je suis chargé d’attirer votre attention sur les points principaux suivants:I.
La Société de Neuhausen ne peut en aucun cas être considérée comme une société contrôlée par les Allemands.
Voici les conditions dans lesquelles elle a été créée et l’historique résumé de son développement:
En 1887 une première société portant le nom de Société métallurgique Suisse a été fondée, uniquement par des Suisses, pour mettre en valeur un procédé français pour la fabrication de l’aluminium par l’électricité. Un an plus tard, apprenant qu’un groupe allemand avait lui-même trouvé un procédé de même nature, elle décida, pour éviter toute concurrence, de provoquer la réunion de ces deux procédés en créant une nouvelle société.
A ce moment, la fabrication industrielle et la vulgarisation de l’aluminium étaient encore très problématiques et c’est du côté allemand que se trouvèrent des capitalistes assez audacieux pour donner de l’extension à l’initiative suisse qui avait précédé l’initiative française dans ce domaine. L’utilisation des forces motrices hydrauliques était à la base de cette industrie et c’est pourquoi la Suisse par ses ressources naturelles était particulièrement qualifiée pour donner petit à petit à cette industrie le développement qu’elle a pris d’une manière constante dans la suite.
Mais si les capitaux allemands ont été au début les plus importants, il est à remarquer que la Direction de l’entreprise est toujours restée exclusivement en mains de Suisses qui ont continué à être l’âme de cette affaire. Les Allemands n’y ont vu en effet qu’un placement de capitaux et ont si peu cherché à prendre une place prédominante que le marché de leur pays est resté ouvert à toutes les entreprises similaires et qu’en fait les Français, soit directement, soit par l’intermédiaire de la «Metallgesellschaft» de Francfort, sont devenus pour l’Allemagne, juste avant la guerre, des fournisseurs d’aluminium même plus importants que la Société de Neuhausen.
De timides qu’ils étaient au début, les capitalistes suisses s’intéressèrent peu à peu à cette nouvelle industrie et c’est la raison pour laquelle le nombre des administrateurs allemands, qui au début était évidemment important en raison même de leurs capitaux engagés, se réduisit peu à peu jusqu’à n’être plus, au moment où la guerre éclata, qu’à égalité avec celui des Suisses, et même avec voix prépondérante du Président qui a toujours été Suisse. C’est donc bien la preuve la plus évidente que ce n’est pas la guerre qui a déterminé la volonté des Suisses de devenir toujours plus maîtres de l’industrie dont ils ont été les initiateurs et qu’ils ont constamment dirigée.
Et dès les premiers temps de la guerre (27 février 1915), pour donner encore plus de corps à cette volonté, la société modifia ses statuts en y introduisant la clause que la majorité des membres du Conseil d’administration appartiendrait toujours à des Suisses domiciliés dans le pays. Enfin, en dernier lieu et pour marquer qu’ils étaient bien décidés à conserver désormais à la société son caractère essentiellement suisse, à l’exclusion de tout élément étranger, les dix administrateurs suisses provoquèrent et obtinrent la démission de cinq administrateurs allemands qui faisaient encore partie du conseil.
Parmi les personnalités les plus en vue de ce conseil, aujourd’hui exclusivement suisse, je citerai son fondateur et président actuel, M. le Colonel Naville, vice-président de l’Ecole polytechnique fédérale, M. le Professeur Max Huber, jurisconsulte du Département politique suisse à Berne, fils lui-même d’un autre fondateur et président défunt de la société, M.le Colonel P. Huber, M.le Conseiller national Alfred Frey, négociateur des traités de commerce de la Suisse avec l’étranger, M.le Conseiller national A. Maunoir, ancien Président du Département du Commerce et de l’Industrie de l’Etat de Genève, M. Kundert de Murait, ancien Directeur général de la Banque nationale suisse, et plusieurs autres industriels suisses.
Nous ne saurions admettre que de semblables personnalités puissent être soupçonnées d’être des hommes de paille dans une société qui serait «contrôlée» par les Allemands et nous devons ajouter que, s’il a été possible d’écarter entièrement les Allemands du Conseil, c’est que ce sont bien les Suisses qui possèdent la plus large part du capital et qui sont les maîtres dans leur Société.
Ce sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement fédéral suisse n’a pas hésité un seul instant et dès le début de la guerre, à prendre sous sa protection ses nationaux et à protester contre toute mesure de nature à léser leurs intérêts légitimes.II.
Ensuite de la note que Votre Excellence a bien voulu m’adresser, le 6 septembre 1919, pour me témoigner des intentions bienveillantes du Gouvernement de la République et que j’ai transmises à mon Gouvernement, la Société de Neuhausen a fait connaître à ce dernier les mesures qu’elle était disposée à prendre pour entrer dans les vues du Cabinet de Paris.
Non seulement, elle avait déjà provoqué et obtenu la démission définitive des administrateurs allemands mais elle s’est déclarée prête à accorder aux capitaux français une participation importante, tant dans la Société des Bauxites de France que dans la Société des Aygalades de Marseille et à y faire entrer des administrateurs français. Et pour faire lever les séquestres qui frappent ses deux sociétés auxiliaires, la Société de Neuhausen a accepté l’idée d’établir une discrimination des intérêts allemands dont le montant reste à déterminer, et cela malgré le sacrifice financier qu’elle s’impose ainsi, vraisemblablement sans possibilité de le récupérer ailleurs.
Je suis autorisé par le Conseil fédéral suisse à confirmer expressément ces offres et à déclarer que la Société de Neuhausen est prête à examiner et à proposer à bref délai une combinaison financière avec un groupe français, choisi par elle, présentant pour le Gouvernement de la République toutes les garanties qu’il peut désirer, afin d’assurer la participation française effective dans les entreprises de la société en France.
La seule réserve que la Société de Neuhausen ait faite et que Votre Excellence comprendra aisément, c’est qu’elle ne veut en aucun cas accorder une place à ses concurrents qui, à la faveur des événements, se trouvent en fait installés dans ses usines et ses carrières.
Je suis convaincu que Votre Excellence verra dans ces propositions la preuve que mes compatriotes répondent au désir que vous avez manifesté de les voir se rapprocher de la France.III.
Au bénéfice de cet exposé qui vous aura montré à la fois l’impossibilité d’assimiler la Société de Neuhausen à une société contrôlée par les Allemands et la volonté très nette manifestée par celle-ci de faire les concessions voulues, le Gouvernement fédéral insiste tout particulièrement sur la situation juridique dans laquelle se trouve la Société de Neuhausen et ses filiales en face de la récente loi de liquidation des séquestres de guerre en France, loi dont le texte ne contient pas de dispositions explicites sur des cas analogues.
Les entreprises de la Société de Neuhausen en France n’auraient en tout cas pas dû être totalement mises sous séquestre et la difficulté de sortir de la situation résultant de cette séquestration provient justement de ce que mon gouvernement a toujours considéré comme une erreur initiale.
L’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix s’est ressenti du fait que les juges, tout en reconnaissant que la Société était suisse, ont quand même maintenu le séquestre tota/uniquement parce que des intérêts allemands se trouvaient juxtaposés à des intérêts neutres? Combien de sociétés à ce titre auraient pu être séquestrées à l’égal de la Société de Neuhausen, car qui dit société anonyme avec actions au porteur, dit société ayant dans son sein des intérêts de toutes nationalités.
Ce qui a pu faire pencher la balance contre la Société de Neuhausen, ce sont surtout les allégations déjà maintes fois réfutées et dont vous trouverez une nouvelle réfutation résumée dans le mémoire ci-inclus, auquel est annexée la liste officiellement légalisée des membres actuels du Conseil d’Administration.
En résumé, M. le Ministre, je tiens à:
1° attirer votre très sérieuse attention sur le fait qu’une décision de la Commission consultative de Liquidation ordonnant la liquidation totale des biens sis en France de la Société de Neuhausen serait considérée par mon Gouvernement comme une atteinte au droit international en même temps qu’un acte inamical vis-à-vis de la Suisse.
2° Vous prier de prendre en considération les offres de la Société de Neuhausen, offres qui concordent pleinement avec le désir que vous avez vous-même exprimé de voir cette société se rapprocher de la France.3
- 1
- Lettre (Copie): E 2200 Paris 1/1555.↩
- 2
- Pour l’ensemble de cette vaste et complexe affaire, cf. E2001 (B) 1/71 et E 2200 Paris 1/1555.↩
- 3
- Par télégramme no 65 du 15 décembre, le Ministre Dunant communiquait au Département politique: Commission consultative décida qu’il n’y a pas lieu à liquidation totale Neuhausen. La Société doit s’aboucher avec procureur général Aix pour établir pourcentage parts ennemies au premier août 1914 et si accord intervient Ministre Justice donnera ordre lever séquestres excepté actions filiales françaises représentatives de ces parts ennemies. (E 2200 Paris 1/1555).↩
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