Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
I. INTERNATIONALE LAGE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 5, doc. 360
volume linkBern 1983
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#752* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 339 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 66 (1913–1913) |
dodis.ch/43215 Der schweizerische Gesandte in Paris, Ch. Lardy, an den Bundespräsidenten und Vorsteher des Politischen Departementes, E. Müller1
Mon vieil ami le Général Brugère, ancien généralissime de l’armée française, a abordé il y a quelques jours (au cours d’une visite qu’il était venu me faire pour m’exprimer ses regrets de n’avoir pas réussi à faire nommer attaché militaire à Berne son gendre le commandant Baignol, chef d’escadron d’artillerie à Chalon s/Saône) a abordé la question du rétablissement du service de trois ans. - Dans la pensée du généralissime, l’Allemagne a très maladroitement choisi l’heure actuelle pour augmenter ses effectifs de paix. La France a été quelque peu «chauffée» par la campagne présidentielle et par un Ministère se donnant, depuis une année, dans la presse et un peu partout, l’aspect d’un cabinet de relèvement patriotique. - Depuis longtemps, les chefs de l’armée française étaient mécontents de la loi de 1905 sur le service de deux ans, qui n’a pas été appliquée sincèrement et n’a pas reçu les développements naturels qu’elle comportait ou qui a mal fonctionné. - Cependant, il y a deux mois et même un mois, personne n’aurait sérieusement songé à revenir aux trois ans de service, même dans les milieux militaires; au sein du parlement, il y aurait eu un toile général contre une proposition de ce genre. - L’initiative prise par l’Allemagne d’augmenter de 100 mille hommes environ par an le nombre des recrues appelées, c’est-à-dire d’augmenter de 200.000 hommes l’effectif de paix en le portant ainsi de 600.000 à 800.000 hommes environ, a provoqué, même dans les milieux parlementaires les plus réfractaires au service de trois ans, une émotion qui rend possible son rétablissement. L’opinion publique extra-parlementaire est plutôt favorable. - Seulement il faut trouver une formule simple, une loi très courte, ne prêtant pas à de longues discussions, et surtout il faut faire vite. Il faut profiter de l’émotion actuelle et enlever le vote des Chambres avant Pâques. Sinon, on échouera dans les marais des amendements, sous-amendements et contre-projets. - L’initiative allemande est d’autant plus maladroite, a continué le Général Brugère, que si le service de trois ans est rétabli, la proportion sera plus défavorable à l’Allemagne après qu’avant le vote de la loi; actuellement, l’armée française sur pied de paix compte 400.000 hommes contre 600.000 en Allemagne, soit la proportion de 4 à 6 soit de ⅔; après le vote, l’armée française comptera sur le pied de paix 600.000 hommes et l’armée allemande 800.000, soit la proportion de 6 à 8 soit de ¾. Ce n’est pas la peine de tout bouleverser pour aboutir à cette proportion des ¾ au lieu de la proportion actuelle de ⅔.
J’aurais dû Vous rendre compte plus tôt de cette conversation dont tous les termes se sont réalisés. Le Conseil supérieur de la Guerre s’est prononcé à l’unanimité pour le retour aux trois ans; c’est très naturel et c’était presque inévitable de la part de généraux âgés qui avaient pratiqué toute leur vie le service de 5 ans puis de 3 ans, qui regrettaient l’ancien système et dont plusieurs ont eu de la peine à s’adapter à l’esprit de l’organisation nouvelle; ils n’ont pas résisté à la tentation de chercher à profiter du mouvement de l’opinion publique; l’effort intellectuel était moindre de revenir aux trois ans plutôt que de rechercher péniblement des combinaisons pour renforcer les effectifs des compagnies sur pied de paix par des appels de réservistes, en s’inspirant p.ex. de nos cours de répétition annuels. - Il paraît d’ailleurs que l’opinion préfère ici une année de plus en bloc qu’une série de cours de répétition.
Le Président de la République a porté hier au Conseil des Ministres la proposition simpliste du Conseil supérieur de la Guerre, et l’a appuyée si chaleureusement qu’elle a été adoptée sans discussion et sera portée aujourd’hui à la Chambre. Elle sera, paraît-il, comme l’indiquait le généralissime Brugère, aussi brève que possible; la loi de 1905 permettait au Gouvernement de maintenir sous les drapeaux la classe ayant servi deux ans, à charge d’en donner avis sans délai aux Chambres; on se bornerait à retourner la rédaction de cet article, et à maintenir cette classe sous les drapeaux sauf décision contraire du Gouvernement. - On ne toucherait rien ou presque rien aux dispenses pour études, travaux agricoles, soutiens de famille, sauf à reprendre cela plus tard lorsque le principe des trois ans aurait été voté. - La campagne de presse est si ardente, si habile, l’intimidation contre les nombreux radicaux qui hésitent est si énergique, qu’on peut se demander si le Gouvernement ne triomphera pas des résistances de la majorité réelle du parlement; cette majorité a contre elle d’être probablement divisée entre plusieurs systèmes qui ne sont pas étudiés, qui sont compliqués ou contradictoires. - Le Radical, organe des Combistes, le Siècle, organe des radicaux socialistes dissidents font campagne contre le projet, sans parler des socialistes; les journaux modérés qui, comme les Débats, avaient soutenu des combinaisons intermédiaires (2½ ans) ou des appels plus fréquents des réservistes, déclarent qu’il faut suivre le Gouvernement; M. Millerand, l’ancien Ministre de la Guerre, qui avait étudié tous les moyens de tirer parti de la loi de 1905, a soutenu qu’il est dangereux de faire une loi dont on peut craindre qu’elle soit assez rapidement trouvée excessive, et qu’on doive l’abandonner au bout de peu d’années; dans les derniers jours, M. Millerand s’est tu. - M. Clemenceau, toujours redoutable comme opposant, vient de se prononcer pour les trois ans. - Dans les milieux de l’opposition radicale, on essaie de résister à cet emballement de la presse et de l’opinion, aussi bien au point de vue des répercussions diplomatiques qu’à celui des répercussions économiques. On donne à entendre à demi-mot et en termes très voilés qu’un peuple ne peut imposer trois ans de service à tous ses enfants que pour une période de peu d’années, en vue d’un but précis comme celui de Bismarck en 1865 lorsqu’il préparait la guerre contre l’Autriche et que la France ne doit pas, à la légère, entrer dans une telle voie uniquement parce que les vieux généraux du Conseil supérieur de la Guerre ne trouvent pas de solution moins dangereuse ou moins onéreuse pour le pays.
Nous serons probablement fixés assez vite, si, comme l’assure M. Brugère, on va chercher à enlever le vote des deux Chambres avant les vacances de Pâques. - Pour ceux qui, comme moi, ont vécu depuis des années dans l’atmosphère parlementaire, dans la croyance qu’ici c’est le Parlement qui gouverne, que les intérêts personnels des parlementaires ont peu à peu remplacé les intérêts du Pays, ce qui se passe est nouveau; le Président de la République, le Gouvernement, invoquent une opinion extraparlementaire, et pèsent sur les Chambres au nom de cette opinion (durable ou non, emballement temporaire ou conviction patriotique profonde, je ne puis juger). - Tout cela est troublant.
Il serait intéressant de savoir pourquoi, à Berlin, on a jugé nécessaire de décider, actuellement, cette augmentation de l’effectif de paix, et à quelles craintes cette augmentation répond.
- 1
- Politischer Bericht: E 2300 Paris, Archiv-Nr. 66.↩
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International situation (until 1914)