Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
13. France
13.4. Chemins de fer
13.4.1. Voies d’accès au Simplon
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 438
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E53#1000/893#361* | |
Dossier title | Französische Zufahrtslinien zum Simplon, Verhandlungen zwischen Frankreich und der Schweiz zur Linie Frasne-Vallorbe (1902–1906) |
dodis.ch/42848 Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Président de la Confédération et Chef du Département politique, A. Deucher1
Depuis la conversation que j’ai eue à Châtillon avec l’Ambassadeur de France, M. Raindre, et dont j’ai eu l’honneur de vous rendre compte le 27 septembre2, j’étais sans nouvelles officielles de la marche des pourparlers au sujet des lignes d’accès du Simplon. Parti de Suisse le 1er octobre, je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer depuis mon retour à Paris M. Dervillé, Président du Conseil d’administration de la Compagnie P.L.M.. Il a dû accompagner le Roi d’Italie à l’aller et au retour, puis s’est rendu en Toscane où il est propriétaire de la montagne d’où l’on tire le marbre de carrare puis a dû retourner à Nice pour accompagner Victor-Emmanuel III se rendant à Londres. Je n’ai pas réussi à mettre la main sur lui pendant les courtes apparitions qu’il a faites à Paris où il est rentré ce matin seulement. Ayant appris que j’avais désiré le voir, il m’a aussitôt téléphoné pour un rendez-vous et je vais essayer de photographier notre entretien.
«Deux ou trois jours avant que vous soyez allé au Simplon avec M. Maruéjouls, Ministre des Travaux publics, je l’ai rencontré à Evian où il m’a dit seulement qu’il venait de signifier aux partisans de la Faucille et aux Genevois, en particulier, qu’en aucun cas il ne s’occuperait de la Faucille si on ne lui garantissait pas le raccordement entre les deux gares de Genève, rive droite et rive gauche; je suppose que ce raccordement devrait être fait aux frais des Genevois, mais M. Maruéjouls ne me l’a pas dit.
«A la fin de septembre, j’ai appris que le Ministre des Travaux publics s’était officiellement prononcé pour la ligne de La Joux–Vallorbe et que M. Raindre, notre Ambassadeur à Berne, avait été chargé de faire des ouvertures dans ce sens au Gouvernement suisse. Malheureusement M. Maruéjouls, voulant ménager la chèvre et le chou et donner une satisfaction platonique aux partisans de la Faucille et du St-Amour–Bellegarde, a embrouillé les choses en chargeant M. Raindre de négocier le raccordement des deux gares de Genève, une ligne directe de Genève à Thonon le long du lac et une convention de trafic sur la rive sud du Léman, tout cela à titre éventuel et pour la cas où, un jour futur, la France voudrait faire aussi la Faucille. Tout cela est cousu de fil blanc. Les faucillards et les savoyards ne sont pas plus bêtes que vous et moi; on ne les désarmera pas par ce billet de la Châtre; je sais que M. Raindre a été fort embarrassé de ce mandat, car il est évident que le Gouvernement fédéral actuel ne peut pas vouloir lier l’avenir et engager ses successeurs par une convention à date incertaine, qui ne s’exécutera probablement jamais, mais qui, si elle s’exécutait, le serait dans des conditions qu’on ne peut pas prévoir. Un gouvernement ne signe pas un blancseing. Pour ma part, a continué M. Dervillé, je ne considère pas cette partie de la négociation comme sérieuse; il ne peut pas y avoir là un non possumus, ni un dernier mot du Gouvernement français.
«Sans nous préoccuper de cette négociation, nous avons eu, par l’entremise de notre directeur et de notre chef de la construction, des pourparlers avec M. Pérouse, directeur des chemins de fer au Ministère des Travaux publics, et avec M. Maruéjouls, pour la convention à intervenir entre la P.L.M. et l’Etat relativement à la construction de la ligne par Vallorbe. L’Etat ne nous a plus parlé du tracé La Joux–Vallorbe, mais du tracé plus long Andelots–Vallorbe, ce qui nous était indifférent ou même plus agréable, du moment où c’était l’Etat qui payait dans les conditions ordinaires des conventions de 1883 (construction par la compagnie pour le compte de l’Etat, avec une subvention de 25 000 francs par km., fournie par la compagnie). Nous allions signer l’accord Andelots–Vallorbe, lorsque quelqu’un (je crois que c’est un des représentants de la compagnie) fit observer que, du moment où on allait jusqu’aux Andelots, on pourrait bien continuer jusqu’à Mouchard, parce que les plus mauvaises pentes, de 20%o, sont entre Andelots et Mouchard. Cette idée fut examinée de plus près et fut reconnue très heureuse, à la condition de construire à une seule voie la section Andelots–Mouchard en n’y faisant passer que les trains montants; la ligne actuelle à forte déclivité serait utilisée pour les trains descendants. L’Etat nous a demandé alors quelle somme nous lui verserions comme quote-part des frais de construction. Nous avons offert à l’Etat le bénéfice de notre convention avec le Jura-Simplon pour l’usage de la gare de Vallorbe, le coût de la seconde voie entre Pontarlier et Vallorbe et, enfin, les 25 000 francs par km. stipulés dans les conventions de 1883. Le tout réuni formait un bloc de 10 millions de francs; l’Etat a accepté et j’ai signé il y a quinze jours ou trois semaines la très courte convention qui lie la compagnie avec l’Etat. Il n’est rien dit dans cette convention, je tiens à le préciser, de l’opportunité qu’il y aurait à demander à la Suisse de diminuer de son côté les pentes entre Vallorbe et Lausanne, en construisant une ligne à une voie à l’usage des trains montants de Bussigny à Vallorbe, mais la question a été soulevée dans nos pourparlers, et je ne doute pas que la demande n’ait été ou ne doive être présentée à Berne de la construction de cette ligne. Ce point ne me regarde pas, car il n’en est pas question dans la convention entre l’Etat français et ma compagnie. Je suis désolé pour ma part que cette demande soit aussi tardive, car nous savons fort bien que vous avez en Suisse engagé de grandes dépenses pour l’établissement de la seconde voie sur la ligne à fortes pentes de La Sarraz à Vallorbe.
«Tous les matins, je regarde au Journal officiel si M. Maruéjouls a déposé à la Chambre des députés notre convention relative au Mouchard–Vallorbe. Je suppose que le retard provient de deux causes: d’une part, le désir de M. Maruéjouls de faire voter le budget de son Ministère par la Chambre et de ne pas entraver cette discussion par les rivalités du Doubs, du Jura, de l’Ain et de la Haute-Savoie; d’autre part aussi, l’existence de pourparlers à Berne, au sujet de la ligne à faibles pentes de Bussigny à Vallorbe.
«Je sais que M. Trouillot, Ministre du Commerce et député de Lons-le-Saulnier, ne décolère pas; aussi M. Maruéjouls, toujours si doux et si calme, commence à s’exciter de son côté. Il me disait il y a quelques jours: «J’ai laissé Trouillot vérifier tous les calculs du P.L.M. et faire une enquête chez les Chambres de commerce; nous avons perdu ainsi plus d’une année; il veut me mettre de nouvelles entraves; j’en ai assez; il verra bien que malgré mon âge, je suis encore capable d’érection.»
M. Dervillé m’ayant dit qu’il avait reçu aujourd’hui la visite de M. Ador, conseiller national à Genève, je lui ai demandé s’il pouvait me dire quelque chose des démarches des Genevois en faveur de la Faucille.
«C’est quelque peu embrouillé», a répondu M. Dervillé; «je vous ai rapporté ce que M. Maruéjouls m’avait dit à Evian à la fin d’août; M. Maruéjouls a-t-il dit ou n’a-t-il pas dit aux Genevois à cette époque qu’il me chargerait de faire une étude sur les charges financières de la Faucille, avec une subvention genevoise de 50 à 60 millions à intérêts réduits? Le fait est que les Genevois ont compris cela et que, d’autre part, M. Maruéjouls ne m’a pas demandé ce travail. Les Genevois sont venus voir M. Maruéjouls il y a quelques semaines à Paris et lui ont rappelé sa prétendue promesse. M. Maruéjouls a répondu ce qu’il a voulu ou ce qu’il a pu et le comité genevois m’a écrit pour me rappeler cette affaire; j’ai préparé une réponse négative que j’ai communiquée en projet à M. Maruéjouls; celui-ci m’a prié de ne pas mettre de «petits papiers» entre les mains des Genevois et j’ai fait le mort. Là-dessus le 7 novembre, le Conseil d’Etat de Genève a invité le comité genevois du P.L.M. à réclamer par mon entremise l’exécution de cette prétendue promesse, et je vais répondre, d’accord avec le Ministre, sans insister sur le point spécial, que M. Maruéjouls avait demandé avant tout, si les Genevois étaient résolus à assurer la jonction des deux gares de leur ville. J’ai demandé aujourd’hui à M. Ador s’il était bien entendu que les frais de ce raccordement viendraient s’ajouter à la subvention genevoise de 50 ou 60 millions, et il a répondu négativement, en son nom personnel.»
M. Dervillé a résumé ses déclarations comme suit:
«J’estime que la Suisse ne doit pas s’arrêter à la demande française d’une convention éventuelle pour le cas d’un percement futur de la Faucille; il est invraisemblable que la France n’abandonne pas cette demande.
«J’estime, d’autre part, que le plus sûr moyen de tuer à tout jamais la Faucille est d’établir la belle ligne Mouchard–Vallorbe–Bussigny avec des pentes maximum de 15%o. En ce qui concerne la P.L.M. nous avons fait le nécessaire; je comprends toutes les difficultés que cette demande tardive cause à la Suisse, mais je vous prie instamment de chercher à agir à Berne dans le sens de cette solution. Il n’est pas indispensable que la Suisse construise immédiatement la ligne montante de Bussigny à Vallorbe; on peut accorder de longs délais de construction pour que les nouveaux chemins de fer fédéraux prennent leur assiette, mais je crois qu’il faut traiter sans trop de retard, sinon nous courons le risque qu’en France on ne fasse rien du tout.»
Je serais heureux, Monsieur le Président, d’être mis au courant des pourparlers qui peuvent être engagés à Berne, pour autant que vous n’y verrez d’inconvénient d’aucune sorte. J’ai évité jusqu’ici dans les soirées officielles de me trouver nez à nez avec M. Maruéjouls ou avec M. Pérouse, puisque j’étais sans nouvelles de vous, mais je ne puis pas indéfiniment avoir l’air de les fuir. Il n’y avait, d’autre part, aucun inconvénient, m’a-t-il paru, à recueillir les confidences de M. Dervillé dont l’attitude a toujours été, semble-t-il, droite et correcte dans cette affaire.
Ce qui est significatif pour l’abandon de la Faucille par le Gouvernement français, c’est le fait que M. Dervillé m’a confirmé aujourd’hui, de l’accord à peu près certain entre la France et l’Italie pour la construction de la ligne de Coni à Nice, par le col de Tende. Vous vous rappelez que les partisans de la Faucille avaient toujours escompté l’abandon de cette ligne; il en serait résulté une disponibilité de 30 à 40 millions dont ils demandaient le report sur la Faucille. M. Dervillé m’a dit qu’à la suite de la visite du Roi d’Italie, la France avait passé outre aux objections de l’Etat-major et se contenterait de la construction de certains forts nouveaux, au lieu de faire passer la ligne sous le feu des forts existants.
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Transit and transport Railway Simplon railway (1873–1913)