Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.8. Etats-Unis d’Amérique
I.8.1. Relations commerciales
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 103
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E21#1000/131#24601* | |
Old classification | CH-BAR E 21(-)1000/131 2546 | |
Dossier title | Handels-, Freundschafts-, Niederlassungs- und Auslieferungsvertrag vom 25.11.1850 / 21.7.1855 (1849–1876) | |
File reference archive | 10.3.2-47 |
dodis.ch/41102
Monsieur F. Wanner, Consul de la Confédération suisse du Havre, m’ayant dernièrement fait tenir le traité de commerce et d’amitié conclu à Berne le 25 novembre dernier entre la Confédération suisse et les Etats-Unis2, traité qui, je crois, ne pourra pas être ratifié par le Sénat des Etats-Unis, par suite de plusieurs clauses y contenues, incompatibles autant que je puis le savoir avec les lois locales de plusieurs des Etats, je crois de mon devoir de vous adresser cette dépêche, dans le but de vous offrir quelques observations qui pourront peut-être vous engager de faire quelques modifications à ce traité, s’il est renvoyé à Berne sans avoir été ratifié.Observations
Sur Varticle 1. L’honorable A. Dudley-Man n’accorde aux citoyens suisses aucune faveur en leur accordant de s’établir dans les divers Etats de l’Union américaine, d’y résider et d’y exercer leur profession. C’est un droit acquis à tout étranger venant aux Etats-Unis de quelque partie du monde que ce soit, à l’exception des nègres libres et hommes de couleur, soit descendants de nègres qui dans les Etats où l’esclavage existe ne peuvent pas s’établir.
Puis dans cet article il est dit que les Suisses pourront posséder et aliéner des propriétés mobilières et immobilières dans les Etats-Unis.
Dans tous les Etats de l’Union américaine, les étrangers (aliens) et qui ne sont pas naturalisés citoyens des Etats-Unis ont le droit de posséder et d’aliéner des propriétés mobilières. Mais il n’en est pas de même des propriétés immobilières, savoir des maisons et des terres (real estates). Les lois de plusieurs Etats le permettent, mais les lois de la majorité des Etats ne le permettent pas, et étant des Etats souverains, ayant le droit de faire leurs lois, ils sont particuliers pour les conserver et les maintenir en force, et pour que cet article du traité pût être exécuté sans difficultés, il faudrait que le gouvernement fédéral des Etats-Unis pût obtenir de ces divers Etats qu’ils changent ces lois affectant le real estate, ce que probablement ils ne voudront pas faire, et si ces lois locales ne sont pas changées, les propriétés immobilières acquises par des Suisses non naturalisés seront toujours sujettes à des difficultés et à des procès très coûteux, au cas de la mort du propriétaire, par ce qu’alors elles sont sujettes à être confisquées au profit de l’Etat dans lequel elles se trouvent.
J’observerai de plus que dans les Etats-Unis l’institution des bourgeoisies n’existe pas et ainsi il n’y a pas de biens communaux, ainsi que cela existe en Suisse.
Service militaire
Sur l’article 2. L’armée régulière des Etats-Unis, qui est peu nombreuse en comparaison de l’étendue de cette grande et heureuse république, est formée par des enrôlements volontaires, dans laquelle on admet les étrangers comme soldats, mais rarement ils peuvent atteindre le rang d’officier, les officiers de l’armée régulière étant généralement des hommes sortant de l’Ecole militaire. Par contre chaque Etat a sa milice composée de tous les citoyens américains d’un certain âge et devant en faire le service pendant un certain nombre d’années. Dans la milice, aucun étranger non naturalisé n’est obligé de servir, et ainsi n’est pas obligé de payer aucune amende pour cause de négligence de se présenter sous les armes lors des exercices et revues ordonnées par les lois. Ainsi l’article du traité qui (il paraîtrait) oblige les Suisses de payer les mêmes amendes que les Américains pour être libérés de ce service peut devenir onéreux pour les Suisses qui jamais n’y ont été obligés.
Dans quelques Etats du sud où l’esclavage existe, les étrangers font souvent partie de la milice, dans le but de leur propre préservation contre les esclaves, mais je ne crois pas qu’on peut même les y obliger de force.Successions
Sur l’article 5. Dans les Etats où les lois locales empêchent les étrangers de posséder des propriétés immobilières (real estate), il y aura des difficultés très grandes pour les héritiers d’en obtenir possession, que le possesseur ait été naturalisé ou non.
Si le défunt était un étranger naturalisé et que ses héritiers sont des étrangers, ils ne peuvent pas hériter de ce real estate, pas plus que si le défunt n’avait pas été naturalisé. Il est vrai que probablement dans un pareil cas le gouvernement de l’Etat dans lequel ces propriétés sont situées, passerait une loi expresse pour que justice soit faite aux héritiers, mais cela occasionnera toujours des délais et des frais considérables, surtout si finalement l’affaire devait être portée à la Cour Suprême des Etats-Unis à Washington.
Quant aux propriétés mobilières (argent, marchandises, etc.) c’est différent; les étrangers sont mis sur le même pied que les Américains et doivent se soumettre à cet égard aux lois locales en cas d’héritages soit par testament, soit ab intestato.
Autant que je puis le savoir dans tous les Etats de l’Union, il existe des officiers (magistrats) nommés par les autorités de l’Etat, savoir le surrogate et le public administrator.
Le devoir du surrogate est de surveiller l’exécution des testaments quand il y en a, et l’exécuteur testamentaire ne peut prendre possession de l’héritage que sur l’ordre du surrogate.
Lorsque quelqu’un meurt sans avoir laissé de testament, alors l’héritage doit être saisi par le public administrator, pour en rendre compte aux héritiers légaux, mais cela occasionne beaucoup de frais et des délais et pour éviter cela, les lois permettent aux plus proches parents du défunt, et même en cas qu’il n’y ait pas de parents sur les lieux, les lois permettent à des amis du défunt de prendre auprès du surrogate ce qu’on nomme ici une lettre d’administration, fournissant deux cautions, chacune d’une valeur double du montant présumé de l’héritage, et ainsi deviennent administrators, dont le devoir est de payer les dettes du défunt, s’il y en a, et de tenir compte du solde aux héritiers, se conformant à cet égard à des formes et usages ordonnés par les lois, trop longues à vous transmettre.
Je profite de cette occasion pour signaler à votre attention et à votre protection paternelle de nos concitoyens la circonstance suivante.
De tous temps, les capitalistes suisses ont fait acheter des fonds publics aux Etats-Unis, mais surtout depuis quelques années cela a eu lieu pour des sommes très majeures, pour des millions, et généralement ces fonds publics sont inscrits au nom des capitalistes suisses, qui donnent à leur correspondant des procurations pour recevoir les dividendes et même à l’occasion pour vendre ces fonds publics, mais supposant le cas, qu’un capitaliste suisse, ayant des fonds publics dans ce pays, venait à mourir, naturellement suivant les lois de tous les pays sa procuration devient nulle, et si par hasard il n’avait pas fait un testament et nommé un exécuteur testamentaire, il pourra y avoir des difficultés pour les héritiers d’obtenir promptement le montant de ces fonds publics, surtout si ils tombent dans les mains du public administrator, car on ne les leur délivrerait pas sur leur procuration; il faudra pour éviter que ces fonds publics viennent en possession du public administrator, qu’un de leurs amis ou correspondants dans ce pays obtienne du surrogate une lettre d’administration comme j’ai eu l’avantage de vous le dire plus haut, donnant deux cautions, chacune pour le double du montant de la somme à recevoir, or cela est souvent difficile à obtenir, quand il s’agit de fortes sommes, et même beaucoup de personnes ne se soucient pas de se charger d’une pareille mission.
Ainsi pour obvier à cela, il convient que les capitalistes suisses faisant acheter des fonds publics aux Etats-Unis avec ordre de les faire inscrire dans leur noms fassent en même temps, par mesure de prudence, leur testament, au moins pour la disposition de ces fonds au cas de leur mort, et nomment un ou plusieurs exécuteurs testamentaires dans leur testament, résidant en Suisse, et ces exécuteurs testamentaires, le cas échéant, pourront alors au moyen de leur procuration en faveur de leurs correspondants aux Etats-Unis obtenir l’ordre du surrogate pour prendre possession de ces fonds publics. Je dis que ces exécuteurs testamentaires doivent être nommés en Suisse, et non pas en Amérique, parce que si par testament on nommait pour exécuteurs testamentaires des personnes résidant aux Etats-Unis, alors on rencontrerait des difficultés pour prouver le testament.
Je ne puis m’empêcher de croire, Messieurs, qu’il serait utile que nos concitoyens fussent instruits de ce qui précède, car je suis convaincu que la plupart de nos capitalistes ayant des fonds publics dans ce pays, ne connaissent nullement nos lois et usages, auxquels il faudrait se conformer, nonobstant les conventions et traités faits à cet égard.
Si vous jugez convenable de faire des modifications au traité conclu avec les Etats-Unis, permettez-moi de suggérer qu’il serait utile d’obtenir du Gouvernement américain pour vos agents diplomatiques et consulaires les mêmes pouvoirs qui sont accordés aux consuls anglais, savoir de pouvoir prendre possession, quand ils le jugent convenable, des biens et propriétés de leurs ressortissants, quand ils meurent aux Etats-Unis sans avoir laissé de testament, pour ensuite en rendre compte aux héritiers légaux; de cette manière on pourrait souvent éviter de passer par les mains du public administrator, cela est surtout utile quand il s’agit de sommes peu importantes, qui sans cela risquent d’être mangées en frais. Depuis que je suis consul, beaucoup de cas de ce genre sont survenus dans lesquels je n’ai pas pu intervenir, mais je craindrais d’abuser de votre patience en les relatant en détail.
Relatif aux consuls
Sur l’article 7. Il est dit «qu’ils seront soumis aux mêmes lois et aux mêmes usages que les particuliers, citoyens de l’endroit où ils résident.» Il me semble, il aurait été utile d’y ajouter pour éviter toute discussion, que les consuls suisses résidant aux Etats-Unis jouiront des mêmes privilèges que les consuls des autres nations y jouissent, c’est-à-dire l’exemption des devoirs du jury et de la milice, même quand ils seraient naturalisés citoyens des Etats-Unis, car l’article susmentionné dans le traité paraîtrait leur oter ce privilège, dont ils ont joui jusqu’à présent.
Affaires de commerce
Sur l’article 12. Cet article ne me paraît pas être exprimé d’une manière assez claire et peut donner lieu à des discussions et à des pertes aux négociants, s’occupant de marchandises et produits suisses, provenant des lois existantes aux Etats-Unis, nommées lois de navigation, pour protéger la marine marchande américaine. Je crois de mon devoir d’entrer à cet égard dans les détails suivants.
Lorsqu’en 1847 une ligne de navires à vapeur français fut établie entre le Havre et New York, quelques négociants eurent des doutes, s’ils pouvaient profiter de ces navires pour recevoir à leur bord des marchandises venant de la Suisse. De suite j’écrivis à l’honorable R. J. Walker, à Washington, alors Secrétaire du Trésor (ministre des Finances), pour obtenir une information correcte à cet égard. M. Walker (homme d’un grand mérite) me répondit immédiatement la lettre suivante que je vous transmets verbatim.
Treasury Department, June 10th 1847
Sir, I have the honor to acknowledge the receipt of your letter of the 5th instant, asking wether goods of the growths, production or manufacture of Switzerland can legally be imported into the United States from Havre, France, in french vessels.
I would respectfully state in reply, that the Act of Congress concerning the navigation of the United States approved 1 march 1817 prohibits under penalty of forfeiture of the vessel and goods, all merchandise imported from any foreign port or place, except in vessels of the United States, or in such foreign vessels as truly and wholly belong to the citizens or subjects of that country, of which the goods are the growths, production or manufacture, or from which such goods, wares or merchandise can only be or most usually are first shipped for transportation.
Switzerland having no seaports and her usual exportations to this and other remote foreign countries, being made through the seaports of France, the latter clause of that act quoted, would authorise goods, wares or merchandise of the growth, production or manufacture of Switzerland to be imported from the ports of France referred to, into ports of the United States in french vessels.
It is to be remarked however that all goods of the description stated, when imported in french vessels, become subject to the addition of ten per centumto the several rates of duty, imposed by the existing tariff act, in pursuance of the 11th section of the act of 30 august 18423 *
I am very respectfully your...
Signé: R. J. Walker, Secretary of the Treasury
* C’est-à-dire que si les marchandises par navires américains payaient un droit de 10% alors, par navires français ce serait 11%, et ainsi de suite.
L’usage aux Etats-Unis est de fixer les droits sur marchandises importées par navires américains, qui peuvent importer des marchandises de quelque nation et de quelque pays que ce soit à un certain taux.
Mais ces mêmes marchandises payent une augmentation de 10% de droit, quand importées par navires étrangers, à moins de traités de réciprocité avec la nation dont le navire porte le pavillon et à moins d’empêchement par suite de la loi de navigation.
Beaucoup de nations étrangères ont fait avec les Etats-Unis des traités de réciprocité et leurs navires, quand ils viennent aux Etats-Unis, jouissent de tous les privilèges que les navires américains et les marchandises à bord de ces navires étrangers payent les mêmes taux de droits d’entrée que si elles étaient importées par navires américains, et cela n’importe de quelque partie du monde d’où ils viennent, ainsi les marchandises suisses peuvent être importées de quelque partie du monde que ce soit aux Etats-Unis par navires américains ou par les navires des nations ayant des traités de réciprocité (et par navires français venant de France en payant un droit aditionnel de 10% sur le droit par navires américains).
Mais comme il n’existe pas de traité de réciprocité entre la France et les Etats-Unis supposant que des marchandises suisses fussent importées aux Etats-Unis par un navire français venant de Hambourg, Anvers, Vera Cruz, Rio de Janeiro ou de tout autre port ailleurs, non seulement les marchandises mais aussi le navire sont sujets à être confisqués par le Gouvernement des Etats-Unis. Et il existe encore d’autres navires d’autres nations qui sont sujets aux mêmes lois aux Etats-Unis que les navires français.
Or il est évident qu’il peut arriver bien des cas de chargements de marchandises de provenance suisse sur des navires de telle ou telle nation, qui pourraient occasionner leur confiscation ensuite des lois de navigation, et par suite de l’ignorance à leur égard de l’expéditeur, qu’il me semble qu’en faisant un traité entre la Suisse et les Etats-Unis (et la Suisse surtout par suite de sa position géographique n’ayant pas de marine marchande), on pourrait pour obvier à toutes difficultés, exprimer cette clause à peu près en ces termes:
Que les marchandises suisses et produits de l’industrie du territoire suisse pourront être importés dans quelque port que ce soit, étant chargés et expédiés dans quelque partie du monde que ce soit, annulant ainsi à leur égard toutes les lois existantes aux Etats-Unis relativement à la navigation et que, quant au taux du droit à être payé aux Etats-Unis par les marchandises suisses et produits suisses, on devra compter ainsi que c’est fixé par le Congrès, lorsqu’elles sont importées par navires américains ou par les navires des nations ayant des traités de réciprocité, et seulement 10% en sus, quand importées par les navires des nations qui n’ont pas de traité de réciprocité avec les Etats-Unis.
C’est ce que je prends la liberté de vous suggérer respectueusement, dans le bien des intérêts de notre chère patrie.
J’ai lu avec intérêt ce qui a rapport au traité pour l’extradition des criminels, mais espère que vous ne serez que bien rarement obligés de m’ordonner de l’exécution de cette partie du traité car vous ne sauriez prévoir les frais énormes que cela peut occasionner toutes les fois que les criminels ont de l’argent pour pouvoir obtenir des avocats habiles pour leur défense. [...]