Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.5. Confédération germanique
I.5.3. Réfugiés
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 39
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E21#1000/131#75* | |
Old classification | CH-BAR E 21(-)1000/131 41 | |
Dossier title | Politische Flüchtlinge aus den Aufständen in Deutschland, vereinzelt auch Flüchtlinge anderer Nationalität, November 1848 - Juli 1849 (1848–1849) | |
File reference archive | 11.2.1.1.3 |
dodis.ch/41038 Le Conseil fédéral aux Cantons1
Ainsi que vous l’avez vu par sa circulaire du 5 de ce mois2, le Conseil fédéral a dû, dans l’intérêt des rapports internationaux de la Suisse et de sa neutralité, ordonner que les réfugiés qui viennent chercher un asile dans notre pays, soient internés à une distance de huit lieues au moins de la frontière allemande, dans différentes directions et de manière à ce qu’ils soient répartis d’une manière équitable entre les cantons, excepté ceux des Grisons et du Tessin.
En même temps nous avons exprimé l’attente que les cantons recevront un certain nombre de réfugiés politiques et qu’aucun ne leur fermera l’entrée. Nous avons aussi fait connaître notre intention de coopérer à lever les difficultés que pourrait faire naître cette répartition.
Le nombre considérable de réfugiés qui sont arrivés en Suisse, ceux qui pourraient s’y rendre encore, les réclamations élevées par quelques cantons contre le nombre de réfugiés qui leur ont été envoyés3, et même les mesures prises par quelques-uns d’eux, qui ont dirigé de leur autorité privée dans les cantons voisins les réfugiés qui leur ont été envoyés par le commissaire fédéral et les commandants militaires agissant en son nom4, ces circonstances et d’autres difficultés obligent le Conseil fédéral à prendre les mesures qu’il a fait pressentir dans sa circulaire du 5, lesquelles ont pour but, en faisant cesser ces conflits et en en prévenant d’autres, d’apporter dans la répartition des réfugiés l’ensemble que réclament l’ordre et la sûreté intérieure de la Confédération aussi bien que l’équité.
Le besoin d’une direction centrale et unique dans cette affaire se fait chaque jour plus sentir. Elle est généralement désirée, et dans les circonstances extraordinaires où nous nous trouvons, l’art. 90, No . 8, 9 et 10 de la Constitution fédérale5 nous autorise suffisamment à prescrire les mesures que commandent la sûreté tant intérieure qu’extérieure de la Suisse ainsi que le maintien de la tranquillité et de l’ordre. Vous avez compris que si chaque canton agit isolément, si les uns renvoient ou transmettent à d’autres les réfugiés que les autorités fédérales ont dirigés chez eux, il en naîtra des conflits, de la confusion, une sorte d’anarchie.
En conséquence, nous avons chargé notre Département de Justice et Police de préparer un projet de répartition des réfugiés entre les divers cantons appelés à les recevoir et à les garder provisoirement, répartition qui sera arrêtée dès qu’on possédera les matériaux nécessaires.
En attendant, nous devons vous renouveler de la manière la plus pressante l’attente et au besoin vous adresser l’invitation de recevoir et de garder provisoirement chez vous, jusqu’à nouvel ordre, les réfugiés qui seront envoyés dans votre canton par le Conseil fédéral, son commissaire ou les commandants militaires sous ses ordres.
Vous vous abstiendrez donc avec soin de faire passer dans d’autres cantons les réfugiés qui sont envoyés dans le vôtre par les autorités fédérales et les fonctionnaires mentionnés plus haut.
Vous vous conformerez avec exactitude aux ordres et aux directions que vous recevrez du commissaire fédéral.
Si vous avez des réclamations contre ses mesures touchant la répartition, vous ferez bien, pour éviter des lenteurs, de vous adresser directement à lui, sauf à recourir au Conseil fédéral en cas de besoin.
Vous pouvez être certains que le Conseil fédéral ne négligera rien de ce qui pourra accélérer le départ de la plupart des étrangers, auxquels la Suisse a donné provisoirement asile dans des vues d’humanité et pour prévenir à la frontière des opérations militaires qui auraient gravement pu compromettre la sûreté et l’intégrité de la Confédération. Le Conseil fédéral a déjà fait auprès de la République française et des Etats allemands des démarches pour les engager, la première, à recevoir ou du moins à laisser passer les réfugiés entrés en Suisse, les autres, à accorder à ces infortunés une amnistie qui leur permette de rentrer le plus tôt possible dans leur patrie.6
Nous saisissons cette occasion pour vous recommander une surveillance sévère des réfugiés dans votre canton, afin de s’assurer s’ils se rendent dignes de l’asile qui leur a été accordé et pour réprimer au besoin toute entreprise incompatible avec la tranquillité, le bon ordre et les relations internationales de la Suisse. Vous nous ferez immédiatement rapport des faits de nature à provoquer un renvoi du territoire suisse, afin que nous puissions aviser au nécessaire. Vous ferez comprendre à ces étrangers que leur situation exceptionnelle leur impose des devoirs particuliers envers le pays qui les tolère; qu’un de leurs premiers devoirs est d’éviter tout ce qui pourrait compromettre la Suisse à l’étranger, tout ce qui pourrait donner lieu à des plaintes fondées, tout ce qui serait de nature à troubler l’ordre et la tranquillité. Vous leur ferez surtout comprendre que si la Suisse est disposée à donner asile à ceux qui en auront besoin, elle ne tolérera point que son sol devienne un foyer d’agitation, un centre de menées politiques. Vous les préviendrez que tous ceux qui enfreindraient cette défense seraient immédiatement expulsés du sol suisse. Vous leur recommanderez aussi de se conduire de manière à mériter les sympathies de la population!
Pour faciliter une bonne police à l’égard de ces étrangers et écarter jusqu’à la pensée de tentatives fâcheuses, chaque canton fera bien, en choisissant les endroits où il sera le plus facile de les surveiller, de les répartir autant que possible sur son territoire, bien entendu à huit lieues au moins de la frontière de Bâle à Constance.
En dressant l’état nominatif et circonstancié des réfugiés, état qu’elles transmettront à notre Département de Justice et Police, les autorités cantonales devront, autant que possible, s’enquérir de la position particulière de chacun de ces étrangers afin que l’on s’assure si parmi les réfugiés il ne s’est pas mêlé des individus qui n’ont pas ce caractère et qui doivent être immédiatement expulsés de la Suisse. Il faudra aussi distinguer dans les états les réfugiés qui ont des moyens d’existence de ceux qui sont dans le cas d’être entretenus aux frais du public. Vous rechercherez aussi et nous ferez connaître si parmi les réfugiés il y en a qui aient déjà été renvoyés de la Suisse, afin d’agir en conséquence.
En résumé, fidèles et chers Confédérés, vous saurez concilier ce qu’exigent d’un côté l’humanité et l’asile, de l’autre ce dont la sûreté de la Suisse, la tranquillité et l’ordre font un devoir impérieux aux autorités.7
- 1
- Circulaire: E 21/75.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Cf. les lettres du Conseil d’Etatde Zurich des 9, 10 et 11 juillet 1849, d’Argovie du 3 juillet 1849 et de Lucerne du 10 juillet 1849 au Conseil fédéral (E 21/161).↩
- 4
- Cf. la lettre du Conseil d’Etatde Berne au Conseil fédéral dull juillet 1849protestant contre le renvoi par Soleure de 450 réfugiés, et la lettre du Conseil d’Etat de Fribourg au Conseil fédéral de la même date, protestant contre le renvoi par Berne de ces mêmes réfugiés (E 21/161).↩
- 5
- ROI, p. 27-28.↩
- 6
- Cf. No 38.↩
- 7
- Publiés dans FF 1849 II, p. 210–215.↩