Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 22, doc. 137
volume linkZürich/Locarno/Genève 2009
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2003A#1974/52#597* | |
Old classification | CH-BAR E 2003(A)1974/52 180 | |
Dossier title | Délégations du CICR (1958–1963) | |
File reference archive | o.253.2 |
dodis.ch/30731 L’Ambassadeur de Suisse à Alger, S. Marcuard, au Chef de la Division des Affaires politiques du Département politique, P. Micheli1 Mission du CICR en Algérie
J’ai l’honneur de vous faire part des renseignements suivants sur la mission dont viennent de s’acquitter à Alger M. S. Gonard, ancien Commandant de Corps d’armée, Vice-Président du CICR, et M. J. de Heller. Cette délégation a quitté hier l’Algérie fort satisfaite des résultats obtenus.
En effet, à l’occasion de l’entretien que nos compatriotes eurent le 21 de ce mois avec le Président du Conseil des ministres, M. Ahmed Ben Bella réaffirma qu’il ferait tout son possible pour faciliter la tâche dont le CICR voulait bien se charger; il signa, séance tenante, le projet d’accord (cf. annexe2) préparé par le CICR et accéda sans hésitation à la demande formulée en fin d’audience par le Commandant de Corps Gonard, tendant à pouvoir visiter dès le lende main la prison principale d’Alger à Maison-Carrée.
Le 22 février, les délégués du CICR retrouvèrent à la résidence pour dîner le Président du Conseil accompagné des ministres des Affaires étrangères3, de la Défense nationale4, de la Justice5 et de la Santé6. L’Ambassadeur de France7 et l’un de ses premiers collaborateurs étaient également pré sents. Avant l’arrivée du Président, M. S. Gonard demanda à M. Gorse si la France serait prête, en cas de besoin, à assurer la protection des harkis libérés, du lieu de leur détention jusqu’au port d’embarquement, et à prendre à sa charge les frais de transport de ces derniers (éventuellement de leurs familles) en France. Sans enthousiasme, M. Gorse répondit affirmativement.
Au cours de la soirée, une nouvelle suggestion fut faite à M. Ahmed Ben Bella; le Vice-Président du CICR proposa, en effet, de libérer immédiatement les harkis détenus à Maison-Carrée ayant moins de 20 ans ou plus de 60 ans. Alors que le Président du Conseil accueillait cette nouvelle requête avec faveur, les ministres de la justice et de la santé s’en montraient préoccupés, craignant que ces libérations soient suivies d’assassinats, ce que certains journaux ne manqueraient pas de présenter comme une nouvelle preuve de l’insécurité en Algérie. Quoi qu’il en soit, on décida que le CICR demanderait le lendemain aux détenus de Maison-Carrée, remplissant les conditions d’âge indiquées plus haut, s’ils désiraient bénéficier d’une mesure de faveur de ce genre. Selon le résultat de ce sondage, on étendrait ensuite la mesure en question à toutes les prisons d’Algérie. Pour Maison-Carrée seulement, il s’agit d’une centaine de harkis et pour le reste de l’Algérie de 500 à 600 détenus. A un moment donné, la conversation s’engagea sur Cuba; le Président du Conseil confirma l’existence entre lui et Fidel Castro de liens affectifs et sentimentaux mais précisa qu’il ne partageait pas les idées et conceptions politiques de ce dernier. Le Vice-Président du CICR ayant mentionné les difficultés auxquelles le Comité se heurtait à Cuba, M. Ben Bella, après avoir relevé que l’action du Comité dans ce pays serait bien nécessaire, déclara vouloir en parler au nouvel Ambassadeur de Cuba à Alger.
Les investigations faites le lendemain à Maison-Carrée permirent d’établir que tous les harkis désiraient être libérés et qu’ils estimaient pouvoir rentrer dans leurs villages sans danger.
Le lundi, le Vice-Président du Comité International de la Croix-Rouge et M. de Heller rentraient en Suisse pour faire rapport et organiser le travail qu’entreprendra ces prochains mois le CICR en Algérie. Le même soir, alors que le corps diplomatique présentait ses vœux au Président du Conseil à l’occasion des fêtes marquant la fin du Ramadan, M. Ahmed Ben Bella me dit combien il appréciait l’aide que lui donnait une œuvre suisse pour régler un problème particulièrement délicat; il était actuellement en train d’examiner les dossiers individuels des détenus susceptibles de bénéficier de la mesure de clémence envisagée avec le Commandant de Corps Gonard.
Quant à l’ampleur de la tâche future du CICR en Algérie, je me bornerai à relever que M. de Broglie remit au Comité lors de son passage à Genève une liste de 2000 personnes disparues postérieurement au 19 mars 1962; après un examen minutieux du CICR, cette liste, comportant de nombreuses erreurs, fut réduite à quelque 850 noms.
Quant aux harkis, il s’agirait, selon les estimations algériennes, de 2000 à 3000 détenus et, selon celles du CICR, de 5000 à 6000 personnes.
Le Vice-Président du CICR fut très favorablement impressionné par la manière d’être directe et franche du Président du Conseil. A ce sujet, je relaterai par exemple que M. Ahmed Ben Bella et ses collaborateurs se rendirent à mon invitation dans une seule voiture sans être accompagnés de motards ou d’agents de police. Cette simplicité toute démocratique me frappe particulièrement si je me remémore les arrivées du Général Kassem8 entouré d’une importante garde du corps civile et militaire.
- 1
- Lettre: E 2003(A)1974/52/180. Paraphe: MD.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- M. Khemisti.↩
- 7
- G. Gorse.↩
- 8
- Avant sa nomination à Alger, S. Marcuard a été en poste à Bagdad à partir d’avril 1959.↩
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