Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 21, doc. 93
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#237* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 119 | |
Dossier title | Colombo, Politische Berichte und Briefe, Band 2 (1956–1960) |
dodis.ch/15221 Le Chargé d’Affaires a. i. de Suisse à Colombo, Th. Curchod, au Chef du Département politique, M. Petitpierre1 Entretien avec le Gouverneur général de Ceylan
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que nous avons été reçus, mon prédécesseur M. Jean Revilliod et moi-même, le 19 août, par Sir Oliver
Goonetilleke, Gouverneur général de Ceylan.
Une particularité frappa d’emblée M. Revilliod, grand connaisseur des usages de l’Extrême-Orient et de Ceylan: au lieu d’être conduits dans l’antichambre du cabinet de travail de Sir Oliver, comme le veut la tradition appliquée ici aux Chargés d’affaires a. i., nous fûmes introduits dans le vaste salon de réception, réservé en pareilles circonstances aux Chefs de Mission de rang plus élevé. Cette entorse au protocole local nous surprit agréablement, surtout que l’accueil du Représentant de la Reine fut des plus affables.
Il me souhaita d’abord la bienvenue à Ceylan, puis exprima ses regrets de voir partir M. Revilliod dont le tact et la distinction furent appréciés de tous.
Il sembla intéressé d’apprendre que je venais de Léopoldville2. A ce propos, je dois dire que la plupart des personnes rencontrées depuis mon arrivée témoignent un vif intérêt pour l’Afrique et les connaissances acquises au cours de mon séjour dans ce continent facilitent souvent mes entretiens. Sir Oliver ne cacha pas ses préoccupations au sujet de la République du Congo3. Il compare les difficultés actuelles à celles de Corée et il nourrit même à leur endroit des sentiments empreints d’un lourd pessimisme. Il craint surtout la pénétration soviétique dans une contrée jusqu’ici préservée du communisme. Selon lui, l’URSS appuie Lumumba dans ses revendications et dans son combat contre le Katanga. Il se demande en définitive si, à la suite des affaires congolaises, l’Afrique noire ne sera pas entraînée tôt ou tard dans une politique à la fois préjudiciable à ses propres intérêts et à ceux de l’Europe comme de l’Asie.
Quel dommage, poursuivit le Gouverneur général, que les dirigeants des nouveaux Etats ne s’inspirent pas davantage de l’exemple suisse4, que Ceylan essaie et désire suivre pour régler ses épineux problèmes de races et de langues. Au demeurant, Ceylan et la Suisse ont de nombreux points communs et suivent une ligne de conduite qui se rapproche: ce sont des pays neutres – l’un situé au centre de l’Europe, l’autre à mi-chemin du Proche et de l’Extrême-Orient – qui pourraient jouer en cas de conflit un rôle utile et bienfaisant pour l’humanité.
A la pensée d’un conflit mondial, l’expression de Sir Oliver se modifia soudainement. Il parut réellement effrayé et, plaçant sa tête entre les mains, nous confia son angoisse de savoir que la majorité des avoirs de son pays sont déposés à Londres au lieu d’être répartis dans d’autres capitales financières. Il estime donc indispensable de procéder à une meilleure distribution des risques et il pense à la Suisse comme l’un des centres de dépôt des fonds nationaux.
Aussi, pour ces différentes raisons, auxquelles s’ajoutent les liens d’amitié qui nous unissent, aimerait-il qu’un Ambassadeur de Ceylan fût nommé à Berne; il nous demanda si ce Chef de Mission pourrait être accrédité dans d’autres
Etats comme le Vatican par exemple. Nous répondîmes affirmativement.
L’entretien se termina par des paroles aimables tant pour M. Revilliod que pour moi-même. Le Gouverneur général nous accompagna jusqu’au bas de l’escalier d’honneur et nous salua encore au moment de notre départ. Notre visite avait duré 25 minutes.
La question relative au placement d’une partie des fonds de Ceylan en Suisse n’est pas nouvelle. En novembre 1959, le Gouverneur général avait exprimé le même point de vue à M. l’Ambassadeur Rezzonico5. La Banque nationale, consultée à l’époque, nous avait fait connaître ses conditions tout en insistant sur le fait que la situation exigeait une certaine réserve de notre part6. Les précisions fournies par notre Institut d’émission avaient été communiquées en son temps à Sir Oliver7. Ce dernier connaissait ainsi notre position. Il faut donc croire que ce problème le préoccupe tout spécialement puisqu’il le développa une seconde fois devant nous. Comme il s’agissait d’un simple désir et non d’une requête précise, nous nous sommes abstenus, M. Revilliod et moi-même, d’informer le Représentant de Sa Majesté des récentes mesures prises par la
Suisse pour enrayer l’afflux de capitaux étrangers. Il est clair, cependant, que la Légation ne manquerait pas de suivre les instructions qui lui sont parvenues pour répondre à une nouvelle demande éventuelle des Autorités ceylanaises.
Enfin, en ce qui concerne la nomination d’un Ambassadeur à Berne, je présume qu’une décision ne sera pas prise avant un certain temps. Le Ministère des
Affaires étrangères dispose d’un nombre limité de diplomates, juste suffisants pour accomplir les tâches courantes. Il ne semble donc guère possible de créer, dans le courant de ces prochains mois, une mission diplomatique indépendante en Suisse, à moins que celle-ci revête une importance particulière.
- 1
- Rapport: E 2300(-)1000/716/119.↩
- 2
- Th. Curchod a été nommé consul à Léopoldville le 6 octobre 1953, cf. PVCF No 1653 du 6 octobre 1953, E 1004.1(-)1000/9/558.Il reste en fonction jusqu’au 13 février 1960 (en qualité de consul général à partir du 7 février 1958), cf. PVCF No 233 du 7 février 1958, E 1004.1(-) 1000/9/610.↩
- 4
- Cf. la lettre de H. Keller à R. Kohli du 25 février 1958, non reproduite (dodis.ch/11633), et la lettre de H. Keller à R. Bindschedler du 22 septembre 1958, E 2001(E)1972/33/230 (dodis.ch/15215).↩
- 5
- Cf. la lettre de C. Rezzonico à R. Kohli du 7 novembre 1959, E 2001(E)1972/33/ C 37.↩
- 6
- Cf. la lettre de la Banque nationale suisse à R. Kohli du 1er décembre 1959, ibid.↩
- 7
- Sir Oliver a été informé par H. Keller le 24 décembre 1959 au sujet des conditions de la Banque nationale suisse concernant le placement de fonds du Gouvernement ceylanais, cf. la lettre de H. Keller à R. Kohli du 24 décembre 1959, ibid.↩