Kommentar betreffend das Verhalten der UdSSR während der Aussenministerkonferenz in Genf.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 37
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2802#1967/78#221* | |
Old classification | CH-BAR E 2802(-)1967/78 7 | |
Dossier title | Frankreich III (1954–1956) | |
File reference archive | E. |
dodis.ch/11518
DÉJEUNER À L’AMBASSADE DE FRANCE
Les Russes sont plus réticents qu’à la Conférence des Quatre Grands3. Molotov a des instructions formelles du tandem Boulganine/Khrouchtchev de ne pas aller, dans les concessions, au-delà de certaines limites. Sur la question de la sécurité collective et sur celle de la réunification de l’Allemagne, la Délégation française ne voit aucune chance d’entente possible. Il est clair que les Russes considèrent que le moment de la réunification n’est pas encore venu. Ils spéculent sur la mort d’Adenauer sachant bien qu’après la disparition de cet homme fidèle à l’Occident, leur jeu tendant à sortir l’Allemagne du système occidental sera plus facile. Jusqu’ici les Russes n’ont accepté que le principe des élections libres à la condition que le résultat en soit «démocratique et pacifique». Or toute tentative de voir ce que cette condition signifie a échoué jusqu’ici. Du côté occidental, on est donc tenté de croire que les Russes n’accepteraient les élections libres que si on leur donnait la garantie du succès d’un «front populaire» à noyau communiste. Comme une telle garantie est inconcevable, la Délégation française pense que, jusqu’à nouvel avis, il n’y aura pas de réunification allemande. Logiquement tombe aussi l’idée de la sécurité collective en Europe qui perd tout intérêt pour les Russes n’étant elle-même qu’une soupape de sûreté si la réunification se faisait.
2. Désarmement, Plan britannique
La Délégation française considère le plan britannique, un plan de compromis, comme dangereux. L’essentiel de ce plan constitue la zone de sécurité, en partie démilitarisée complètement (50 km), en partie à armements réduits (jusqu’à 300 km). – On pouvait craindre que les Russes ne l’acceptent, ce qui aurait amené le retrait des troupes américaines en deçà du Rhin. M. Molotov l’a rejeté hier. Donc ce n’est plus un danger. Il est cependant possible que quelques idées de ce plan soient retenues par les Russes (pas de canon atomique, pas d’armements lourds etc.).
En revanche, il est vraisemblable que quelque progrès sera réalisé sur le plan du désarmement en général, sans qu’un accord total puisse être réalisé.
3. Des chances sérieuses existent pour un accord entre le NATO et le pacte de Varsovie. L’idée est: non-agression de part et d’autre.
4. Pour ne pas faire échouer la conférence des Ministres des Affaires étrangères quelques textes insignifiants pourraient être signés au sujet des relations culturelles et économiques.
5. Politique russe
La politique de détente4 est une nécessité pour Moscou pour des raisons d’ordre intérieur. M. Joxe croit que la politique moscovite de détente va continuer. Les Russes se rendent compte qu’elle a, jusqu’ici, joué en leur faveur. L’opinion publique de l’Occident est ébranlée. Aucun gouvernement européen ne peut plus se permettre le luxe de préconiser le retour à la Guerre froide. Les Russes sont donc d’avis que les pays occidentaux devront payer le prix de la détente puisqu’ils se trouvent dans une impasse. Dans les conversations que M. Joxe a eues avec MM. Boulganine, Khrouchtchev et Zabourov, les Russes n’ont jamais eu l’idée qu’ils devraient payer, eux-mêmes, le prix de la détente. Les Russes aspirent à la dislocation des alliances occidentales et, au minimum, à la reconnaissance du statu quo en Europe. Par conséquent, les Russes ne songent même pas à une «désatellisation» des pays satellites.
La méfiance est très forte à l’égard de la Chine communiste parce que Pékin a fait perdre à Moscou la légende de l’infaillibilité sur tous les plans de la vie communiste: doctrinaire, social, politique et économique, ce qui a obligé Moscou de se rapprocher des pays asiatiques à tendance neutraliste. Il s’agit d’un jeu subtil que Moscou jouera en Asie en essayant de rendre la Chine responsable de toutes les complications que les idées communistes risquent de provoquer en Asie (guerres, révolutions). L’ingérence russe dans les affaires du Proche-Orient et de l’Afriquedu Nord n’est que l’expression d’une politique anti-américaine tendant à rompre l’encerclement. M. Joxe a précisé que de toutes les conversations qu’il a eues à Moscou se dégage l’idée que l’Amérique est le successeur de l’Europe dans les colonies européennes et que la Russie doit s’assurer une position solide de départ avant que les Etats-Unis s’y installent.
6. La vie à Moscou est devenue, pour un diplomate, très intéressante. Invités à déjeuner, les membres du Gouvernement viennent; ils causent, ils expriment leur avis très franchement, voire brutalement. Un diplomate qui ne sait pas répondre et défendre la politique de son pays est éliminé assez rapidement comme étant sans aucun intérêt pour les Russes. Les «Grands» – Boulganine, Khrouchtchev, Zabourov, Mikoyan, Malenkov, Joukov, Molotov – acceptent sans autre qu’un diplomate admis dans leur cercle critique ouvertement la politique russe. Ils répondent volontiers. Ils n’ont aucun scrupule d’inventer sur place des motifs et d’esquisser des directives qui, par la suite, sont démentis par les faits et les instructions qu’ils donnent eux-mêmes. Les conversations sont très intéressantes et même passionnantes, mais il n’en reste pas moins qu’il est très difficile de deviner la pensée intime de ces gens.
- 1
- (Copie): E 2802(-)1967/78/7.↩
- 2
- Sur la préparation de cette conférence, cf. DDS, vol. 20, doc. 30 et la notice de M. Petitpierre du 15 juin 1955, E 2800(-)1990/106/20 (dodis.ch/13176).↩
- 3
- Sur la Conférence des Quatre Grands, cf. DDS, vol. 20, doc. 21 et doc. 22.↩
- 4
- Cf. DDS, vol. 20, doc. 25.↩