dodis.ch/56181Entretien des Conseillers fédéraux Felber, Stich et Delamuraz avec le Président polonais Jaruzelski à Berne le 5 février 19901

Visite du Président de la République de Pologne, Wojciech Jaruzelski

Résumé:

Délégation du Conseil fédéral, présidée par CF Felber, accompagné des CF Stich et Delamuraz a reçu Président Jaruzelski à Berne. Entretiens se sont déroulés dans climat d’intense intérêt réciproque.2 M. Jaruzelski a dépeint large fresque de la situation polonaise, dans contexte des quarante-cinq dernières années, situant son pays à l’avant-garde des transformations de l’Europe centrale et orientale.3 A insisté sur règlement européen de question allemande pour assurer sécurité continentale.4 A conclu que réformes étaient irréversibles et qu’il fallait garder authenticité de chacun, en s’inscrivant dans système de valeurs universelles (droits de l’homme, pluralisme).

Compte-rendu:

Délégation du CF, CF Felber (BRF), Stich (CFS) et Delamuraz (CFD), a reçu Prés. Jaruzelski (WJ) à la Maison de Watteville

BRF [Bundesrat Felber] souligne importance contact personnel à haut niveau, au vu différences considérables des situations dans chaque État d’Europe centrale + orientale. Il constate que certains pays (notamment Pologne) ont déjà accomplis premières transformations du système,5 WJ [Prés. Jaruzelski] étant premier chef d’État de la région porté à son poste à travers nouvelles structures. D’autres pays (p. ex. Hongrie) sont en voie de transformation, d’autres enfin ont declaré leur intention.6 BRF [Bundesrat Felber] rappelle prochain débat message du CF7 au Parlement (250 Mio. SFR.)8 ainsi que participation à fonds de stabilisation.9 Suisse n’apporte pas de cadeaux, mais répond à demandes qui doivent être précisées, dans ordre de priorité bien compris. Domaines de collaboration prévus (formation, environnement, finances, économie) peut aussi comprendre volet politique/culturel (familiarisation avec pratiques démocratiques/administratives).

WJ [Prés. Jaruzelski] situe développement actuel Pologne dans large fresque évolution historique après-guerre. Rappelle origine éxogène d’un système (imposition d’un seul parti), rigidifié par guerre froide, mais qui n’a pas changé fondamentalement Pologne. Éléments positifs ont été redressement d'un pays brisé et instauration discipline nouvelle. WJ [Prés. Jaruzelski] était conscient depuis longtemps besoin modernisation du système, entrainant des mesures impopulaires en faveur développement économique. Appui population devait être trouvé, nécessitant démocratisation et libération de l’idéologie: c’est l’origine Table ronde (fév. 89). WJ [Prés. Jaruzelski] constate que mesures économiques moins radicales prises antérieurement ne trouvaient pas grâce auprès population, alors que recettes draconiennes actuelles passent grâce à démocratie. Pologne veut se donner économie de marché,10 car compatibilité de systèmes en fera partenaire intéressant. Introduction convertibilité Zloty va dans ce sens. WJ [Prés. Jaruzelski] estime que développements en Pologne sont historiques et constituent modèle pour autres pays (WJ [Prés. Jaruzelski] dixit: c’est la Pologne qui a fait de la table ronde un meuble «à la mode»).11 Difficulté dans étape suivante consiste à concilier équilibre et dynamisme. Attend complément de démocratisation par prochaines élections locales et communales. WJ [Prés. Jaruzelski] pense qu’expérience système administratif suisse peut être utile à Pologne.12 Il souligne rôle essentiel de présidence comme lien entre éléments du système. Faisant référence à 1980, WJ [Prés. Jaruzelski] considère que c’était début processus de réformes et cite lettre E. Honecker de l’époque critiquant mesures polonaises comme «contre-révolutionnaires».13 Mais autonomie accordée alors à entreprises ont constitué terrain d’expérience avec impact dépassant frontières du pays. Structure proprieté (75 p. cent terres agricoles en mains privées) sont également propres à favoriser ajustement.

Abordant question allemande, WJ [Prés. Jaruzelski] souligne importance cet enjeu. Réunification «per se» n’est pas nœud du problème (si guidée par principes autodétermination) mais bel et bien rythme sa réalisation et choix de son cadre. Émotions et surréaction qu’elle suscite, rappellent dangers du nationalisme et chauvinisme. C’est problème de sécurité pour toute l’Europe, mais particulièrement pays voisins. Quant à URSS impact de son évolution a des implications géopolitiques énormes. Gorbachov a le choix entre reculer d’un pas pour avancer de deux ou de forcer le pas des réformes (pluralismes, abandon monopole du PC).

En conclusion, WJ [Prés. Jaruzelski] estime que changement des modèles existants est irréversible (faut garantir que se fasse de façon civilisée), qu’il ne s’agit pas de copier aveuglément l’Occident, mais qu’en gardant particularismes qui enrichissent l’Europe, on doit s’inscrire dans système de valeurs universelles qui ont nom droits de l’homme, démocratie parlementaire, économie de marché. Remercie soutien suisse et espère tirer enseignement ses expériences.

CFD [Conseiller fédéral Delamuraz] met en exergue courage politique WJ [Prés. Jaruzelski] et se félicite récentes signatures APPI14 et accord consolidation dette.15 Constate besoin intensifier échanges commerciaux et accroître investissements. But crédit-cadre 250 Mio. SFR., est de permettre à économie se développer elle-même. Suisse participe à aide multilatérale, et espère aboutir à déclaration commune dans cadre AELEPologne16 (à moyen terme accord association?). Il souhaite ne pas décevoir espoirs polonais.

BRF [Bundesrat Felber] ajoute qu’échec de la Pologne serait échec pour l’Europe occidentale aussi.

CFS [Conseiller fédéral Stich] pense qu’économie de marché ne fonctionne pas automatiquement bien. Elle doit être accompagnée de mesures sociales et écologiques. Participation Suisse à fonds de stabilisation est conséquent avec notre approche générale. Quant à négociation accord double imposition, peut se dérouler rapidement.17

V. Prés. banque centrale Olechowski résume principales mesures et objectifs économiques/financiers: Libéralisation en profondeur, décentralisation, accès aux importations, démonopolisation. Lutte contre inflation: stabilisation cours du Zloty (on est arrivé à cours officiel superieur à cours au noir), gel des salaires. Deux dangers: pression sur réserves, augmentation des faillites (impact sur taux de chômage). Programme est dans la ligne définie par FMI/BM et Pologne espère nouvelle «credit worthiness».

Convertibilité Zloty: C’est un fait pour transactions internes, devra attendre encore pour rapatriement de bénéfices, en relation avec évolution balance des paiements.

1
CH-BAR#E2010A#1999/250#385* (A.22.14.07.03). Cette notice fait partie des informations hebdomadaires rapides 7/90 du 12 février 1990, dodis.ch/54879. Elle est probablement rédigée par Pierre Combernous, collaborateur personnel du Chef du DFAE, le Conseiller fédéral René Felber. Outre les deux premiers mentionnés, font partie de la délégation: les Conseillers fédéraux Otto Stich et Jean-Pascal Delamuraz, respectivement Chef du DFF et du DFEP, le Directeur de la Direction politique du DFAE, le Secrétaire d’État Klaus Jacobi, le Directeur de l’Administration fédérale des finances, Ulrich Gygi, le Délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux, l’Ambassadeur Silvio Arioli, le Chef de la Division politique I, l’Ambassadeur Jenö Staehelin et le Chef du Service presse et information, Michel Pache. Du côté polonais, outre le Président Jaruzelski, le Ministre d’État Józef Czyrek, l’Ambassadeur en Suisse, Zdzisław Czeszejko-Sochacki, le Premier Adjoint du Président de la Banque nationale, Andrej Olechowski, le conseiller politique du Président, Wiesław Gornicki, le Chef du Cabinet du Président, Witold Mielczarek et deux interprètes ont pris part aux discussions.
2
Pour les relations bilatérales SuissePologne, cf. dodis.ch/56594.
3
En août 1989, après la tenue d’élections législatives partiellement libres, qui mènent à une large victoire des membres de Solidarność, Tadeusz Mazowiecki devient le premier Chef de gouvernement non communiste d’un pays signataire du Pacte de Varsovie. Pour une appréciation des événements ayant lieu dans son pays de résidence, cf. le rapport politique No 7 de l’Ambassadeur de Suisse à Varsovie, Paul Stauffer, du 22 mai 1989, dodis.ch/54690.
4
À ce titre, le 8 mars 1990, l’Ambassadeur de Pologne à Berne, Czeszejko-Sochacki, demande à la Suisse de prendre officiellement position sur la question de la frontière germano-polonaise dans le contexte de la réunification allemande, cf. dodis.ch/56593.
5
Pour l’évaluation suisse du processus de réforme en Europe de l’Est, cf. la compilation dodis.ch/C1729.
6
Pour les différences entre les États dans le cadre de l’aide à l’Europe de l’Est, cf. la compilation dodis.ch/C1730.
7
Message concernant le renforcement de la coopération avec des États d’Europe de l’Est et aux mesures d’aide immédiate correspondantes du 22 novembre 1989, dodis.ch/55717.
8
Pour la discussion de la Commission de politique étrangère du Conseil des États et du Conseil national, cf. DDS 1990, doc. 12, dodis.ch/56158, respectivement dodis.ch/56469, ici le procès-verbal particulier 4.
9
Cf. le PVCF No 77 du 18 janvier 1990, dodis.ch/55720.
10
L’introduction de l’économie de marché est une des conditions du soutien de la Suisse dans le cadre de l’aide à l’Europe de l’Est, cf. note 7.
11
Le terme «table ronde» fait référence aux pourparlers qui commencent en février 1989 entre le Gouvernement (PZPR), l’opposition (Solidarność) et des observateurs tels que l’église catholique. L’Ambassade de Suisse à Varsovie fait un rapport détaillé à ce sujet, cf. dodis.ch/56724.
12
Pour les besoins polonais en termes de transfert de connaissances depuis la Suisse, cf. dodis.ch/55697.
13
Pour le mouvement de grève qui secoue la Pologne à l’été 1980, cf. la compilation dodis.ch/C1901.
14
Cf. l’Accord entre la Confédération suisse et la République populaire de Pologne concernant la promotion et la protection réciproques des investissements du 8 novembre 1989, RO, 1990, p. 917–923 et le PVCF No 1961 du 1er novembre 1989, dodis.ch/56639.
15
Cf. le PVCF No 599 du 30 mars 1988, dodis.ch/56591.
16
Pour la déclaration commune AELEPologne du 13 juin 1990, l’Accord de Göteborg, cf. dodis.ch/56094.
17
Pour le Message concernant une convention de double imposition avec la Pologne du 23 octobre 1991, cf. dodis.ch/56592.