dodis.ch/56092Discours du Chef du DFAE, le Conseiller fédéral Felber, du 11 octobre 1990 lors de son voyage à Madagascar1

Conférence de presse de BRF

Bilan

La partie officielle de mon voyage au Madagaskar étant presque terminée, il est temps d’en faire un premier bilan.2 Un bilan fort3 positif. Laissons d’abord parler quelques chiffres.

Signature accords

Nous venons de signer, il y a à peine une demi-heure, cinq accords de coopération d’un montant global de 26 millions de francs suisses, dont 19 consacrés à la santé: un des domaines prioritaires de l’intervention helvétique au Madagascar.

Le détail des accords

Aide à la balance des paiements: 15 millions de francs pour 3 ans dès l’année prochaine.4

Elle est destinée à financer les importations de médicaments essentiels. Elle contribuera donc à prévenir et à guérir un certain nombre de maladies évitables, comme la malaria, en contribuant ainsi à améliorer les conditions de vie de larges couches de la population, notamment les couches les plus défavorisées.

Appui au programme de santé de base: 4 millions de francs.5

Comme il ne suffit pas de fournir des pilules et des vaccins, nous appuyons depuis un certain nombre d’années une action qui encourage la réforme de la politique des médicaments. Ceci signifie concrètement un soutien de la pharmacie centrale d’approvisionnement chargée de l’achat, du stockage et de la distribution, la livraison de médicaments, le recyclage du corps médical et des prescripteurs ainsi que l’appui des pharmacies communautaires, dont le système sera étendu à tout le pays à raison de 50 par année.

Les trois accords restant – 6,5 millions de francs au total – constituent une contribution à une action de sauvegarde de l’environnement de plus en plus nécessaire et urgente.

Il s’agit en gros6 de renforcer la formation forestière au niveau technique,7 d’appuyer le Silo national de graines forestières,8 qui couvre à l’heure actuelle les ⅔ des besoins en graines des actions de reboisement sur tout le territoire national et d’encourager l’appropriation des actions de foresterie paysanne par les paysans eux-mêmes.9

Nouveaux accords pour une politique prouvée

Ces actions s’intègrent, en la prolongeant, à une politique d’aide au développement qui a fait ses preuves au Madagascar, un pays avec lequel la Suisse coopère depuis une vingtaine d’années.10 Une politique qui constitue l’épine dorsale de relations bilatérales qui peuvent être qualifiées de très bonnes.11

Coopération au développement

Madagascar est un des premiers pays avec lesquels la Suisse a signé un accord-cadre de coopération.12 C’est un pays dit de concentration, où la Suisse mène un de ses programmes les plus importants. Il coûte environ 20 millions de francs suisses par an et il se compose désormais de trois volets:

  • – l’environnement qui regroupe la foresterie, l’agriculture et concerne l’utilisation des ressources naturelles et l’aménagement du territoire;
  • – le domaine social qui regroupe la santé (prévention et soin) ainsi que la sécurité alimentaire;
  • – enfin les routes.13

Importance de la visite

Avec cette visite, la première d’un ministre suisse des affaires étrangères, nous avons voulu rassurer les autorités malgaches, analyser avec elles notre politique d’aide au développement,14 vérifier les besoins réels de la population défavorisée, grâce notamment à des inspections sur le terrain qui nous ont permis de voir un tronçon-clef de la route nationale numéro deux, la descente de la Mandraka (où nous avons engagé jusqu’ici 18 millions de francs suisses),15 les actions de reboisements villageois sur les Hauts-Plateaux,16 la contribution à la sauvegarde des forêts sèches de la Côte Ouest17 ainsi que la Pharmacie centrale, ce matin.18

La Suisse, l'’Europe de l’Est et le Sud

Pourquoi rassurer? Il était important de dire personnellement à nos amis malgaches que les évènements survenus en Europe orientale, où les nécessités économiques sont énormes, n’allaient pas mettre en danger notre coopération au développement.

Il n’est pas question de soustraire les crédits prévus pour le sud à la faveur des pays de l’Est européen.19

L’évaluation de notre politique d’aide

Il nous est agréable de dire combien les dirigeants du Madagascar apprécient notre présence. Une collaboration décisive, d’après le ministre de l’économie et du plan.20 Une collaboration excellente, aux dires du secrétaire général du Ministère des affaires étrangères.21

Nous nous félicitons également des convergences d’opinion concernant la «philosophie» d’une politique d’aide au développement moderne.22 L’époque de la charité est révolue. Il s’agit maintenant de mobiliser, de responsabiliser les destinataires de l’aide. Il s’agit pour ainsi dire de mettre les gens dans le coup, afin qu’ils comprennent que ça vaut la peine d’agir, de prendre des initiatives, appuyés par l’État, les organisations non gouvernementales, l’aide au développement. Il est important que ces gens, ces petits paysans voient la différence, qu’il est payant d’aller chercher une eau de meilleure qualité ailleurs, de reverdir les collines brûlées dans l’intérêt de tout le monde. Il s’agit donc de décentraliser et de travailler directement avec les collectivités locales. Chose que la Suisse et ses coopérants essaient d’ailleurs de faire depuis pas mal de temps déjà.

Responsabilité et dialogue permanent, que nous avons poursuivi ces jours-ci avec le premier ministre23 et cinq de ses ministres24, sont donc les mots-clefs d’une collaboration qui devrait se poursuivre sous les meilleurs auspices.

Dimension sociale et ajustements économique et financier

On ne peut pas parler de politique de développement sans toucher aux problèmes liés aux programmes d’ajustement économique et financier.25

Madagascar a été parmi les premiers pays à adopter un programme d’ajustement structurel et à l’appliquer avec rigueur et ténacité. Une opération indispensable, nous a confirmé le chef du gouvernement, mais dure, parce que les mesures macro-économiques touchent tout le monde, en particulier les couches sociales défavorisées, qui souffrent de la chute d’un pouvoir d’achat déjà faible et de la diminution des prestations des services publiques.

À ce propos, nous avons appris avec plaisir du ministre des finances que l’ajustement n’a pas empêché aux autorités malgaches d’allouer cette année des rallonges aux budgets de l' Éducation de base, de la Justice et de la Santé. C’est ici que s’insère l’aide suisse à la balance des paiements, dont nous avons parlé au début. Cette nouvelle contribution permet un soutien budgétaire pendant une période de transition qui doit être utilisée par le gouvernement malgache pour adapter son budget de manière à ce qu’il puisse répondre aux besoins du secteur de la santé.

Désendettement26

De nouvelles idées se font place. Par exemple le soi-disant désendettement créatif, qui poursuit le double objectif de diminuer le fardeau de la dette par le financement de son rachat à certaines conditions et de relancer des activités de développement grâce à des fonds en monnaie locale ainsi générés. Une idée fort intéressante, qui mérite d’être prise en considération. Quoi qu’il en soit, le gouvernement suisse est en train d’examiner de quelle manière il pourra lancer l’action pour favoriser le désendettement voulu par quelques organisations non gouvernementales dans le cadre du 700ième anniversaire de la Confédération helvétique qui sera célébré l’année prochaine.27

Autre thème bilatéral: protocols Croix Rouge

Nous avons également exprimé notre satisfaction pour l’accélération de la procédure de ratification des protocoles additionnels de la Croix-Rouge, qui devrait se produire vraisemblablement l’année prochaine.28 Nous avons ainsi eu l’occasion de dire comment la Suisse tient au droit humanitaire.

Autres thèmes de discussion

Redéfinition du rôle de l’État

Les corrections que les autorités malgaches ont apporté ces dernières années au régime économique et politique sont particulièrement intéressantes. Nous saluons la voie choisie qui a débouché sur un processus de libéralisation.29

Relations avec l’ Afrique du Sud

Nous saluons également le signal que le gouvernement malgache a lancé vers l’Afrique du sud, en recevant dernièrement ici le président des réformes de Klerk. La Suisse aussi, comme le Madagascar, souhaite la fin de la politique de l’apartheid.30

Collaboration régionale

Notre pays souhaite aussi une collaboration régionale entre Madagascar et les îles voisines de l’Océan indien. Une collaboration qui, à notre avis, pourrait avoir une dimension politique et économique intéressante.

1
CH-BAR#E2010A#1999/250#5209* (B.15.21(1)). Ce texte est très probablement rédigé à Madagascar par Marco Cameroni, Chef du Service presse et information du DFAE, et a servi de base au Conseiller fédéral René Felber, Chef du DFAE, pour son discours lors de la conférence de presse. Celle-ci a lieu le 11 octobre à 11h30 à l’Hôtel Madagascar Hilton à Tananarive. L’exemplaire édité du document est faxé par l'’Ambassade de Suisse à Tananarive au Service presse et information du DFAE le 11 octobre et, de là, faxé à nouveau au Service d’information de la Chancellerie fédérale.
2
Cf. le télex hebdomadaire 42/90 du 15 octobre 1990, dodis.ch/55169, points 1 et 2 (rapides) ainsi que dodis.ch/53644 et dodis.ch/53647. Pour le programme détaillé du voyage, cf. le dossier CH-BAR#E2200.202-02#1999/60#17* (101.1).
3
Correction manuscrite: «bien».
4
Cf. le PVCF No 2120 du 1er octobre 1990, dodis.ch/53642 et dodis.ch/56093.
5
Cf. la proposition de projet de la Coopération technique No 250/90 du 6 septembre 1990, dodis.ch/56912.
6
Correction manuscrite: Plus en détail, il s’agit de renforcer.
7
Cf. la proposition de projet de la Coopération technique No 178/90 du 18 juin 1990, dodis.ch/56924.
8
Cf. la proposition de projet de la Coopération technique No 180/90 du 19 juin 1990, dodis.ch/56914.
9
Cf. la proposition de projet de la Coopération technique No 83/90 du 19 mars 1990, dodis.ch/56928.
10
Cf. la note sur le programme de coopération Suisse–République de Madagascar (annexe), dodis.ch/53644, et les rapports de la Direction de la coopération au développement et de l’aide humanitaire du DFAE de mars 1988, dodis.ch/51362 et de décembre 1985, dodis.ch/51361.
11
Pour un bref aperçu des relations bilatérales entre la Suisse et Madagascar, cf. dodis.ch/53644.
12
Pour l’accord-cadre qui est signé à Tananarive le 11 décembre 1968 et qui est entré en vigueur le 30 juin 1971, cf. RO, 1971, pp. 1197–1200, ainsi que le PVCF No 74 du 10 janvier 1964, dodis.ch/30669.
13
Pour le programme détaillé de la coopération au développement de la Suisse à Madagascar pour 1990, cf. dodis.ch/56910 et dodis.ch/56909.
14
Pour les discussions avec les autorités malgaches sur la politique de développement à Madagascar, cf. les notes de Henri-Phillipe Cart, Chef de la Division opérationnelle Afrique, Amérique latine de la DDA, sur son entretien avec le Premier ministre, Victor Ramahatra, du 28 décembre 1990, dodis.ch/56911. Dans l’annexe de ce document se trouve une note d’orientation des autorités malgaches intitulée Contribution à l’élaboration d’une politique de développement à Madagascar de juin 1990.
15
Cf. la proposition de projet de la Coopération technique No 163/90 du 8 juin 1990, dodis.ch/56913.
16
Cf. le dossier E2025A#2000/138#1662* (t.311-Madagaskar.47).
17
Cf. la proposition de projet de la Coopération technique No 237/89 du 22 août 1989, dodis.ch/56929.
18
Cf. note 5.
19
Sur la concurrence entre l’aide au développement et l’aide aux pays d’Europe de l’Est, cf. dodis.ch/55696 et dodis.ch/55691 ainsi que DDS 1990, doc. 12, dodis.ch/56158, en particulier les prises de parole des Conseillers nationaux Bernhard Seiler et Thomas Onken.
20
Jean Robiarivony.
21
Maurice Ramarozaka.
22
Pour les débats de l’époque sur les questions de développement, cf. DDS 1990, doc. 3, dodis.ch/56143.
23
Victor Ramahatra.
24
Le Conseiller fédéral Felber rencontre le Ministre de l’économie et du plan Robiarivony, le Ministre des travaux publics, Jean Emile Tsaranazy, le Ministre des finances et du budget, Léon Rajaobelina, le Ministre de la production animale, des eaux et des forêts, Maxime Zafera et, à cause de l’absence du Ministre des affaires étrangères, le Secrétaire général des affaires étrangères Ramarozaka.
25
Cf. DDS 1990, doc. 17, dodis.ch/56083.
26
Pour la politique suisse en matière de mesures de désendettement, cf. dodis.ch/56477.
27
Cf. la compilation dodis.ch/C1755.
28
Pour l’état d’avancement du processus de ratification, cf. dodis.ch/56925.
29
Pour la situation économique de Madagascar, cf. dodis.ch/51340.
30
Cf. DDS 1990, doc. 25, dodis.ch/54851.