La partie officielle de mon voyage au Madagaskar étant presque terminée, il est temps d’en faire un premier bilan.2 Un bilan fort3 positif. Laissons d’abord parler quelques chiffres.
Nous venons de signer, il y a à peine une demi-heure, cinq accords de coopération d’un montant global de 26 millions de francs suisses, dont 19 consacrés à la santé: un des domaines prioritaires de l’intervention helvétique au Madagascar.
Aide à la balance des paiements: 15 millions de francs pour 3 ans dès l’année prochaine.4
Elle est destinée à financer les importations de médicaments essentiels. Elle contribuera donc à prévenir et à guérir un certain nombre de maladies évitables, comme la malaria, en contribuant ainsi à améliorer les conditions de vie de larges couches de la population, notamment les couches les plus défavorisées.
Appui au programme de santé de base: 4 millions de francs.5
Comme il ne suffit pas de fournir des pilules et des vaccins, nous appuyons depuis un certain nombre d’années une action qui encourage la réforme de la politique des médicaments. Ceci signifie concrètement un soutien de la pharmacie centrale d’approvisionnement chargée de l’achat, du stockage et de la distribution, la livraison de médicaments, le recyclage du corps médical et des prescripteurs ainsi que l’appui des pharmacies communautaires, dont le système sera étendu à tout le pays à raison de 50 par année.
Les trois accords restant – 6,5 millions de francs au total – constituent une contribution à une action de sauvegarde de l’environnement de plus en plus nécessaire et urgente.
Il s’agit en gros6 de renforcer la formation forestière au niveau technique,7 d’appuyer le Silo national de graines forestières,8 qui couvre à l’heure actuelle les ⅔ des besoins en graines des actions de reboisement sur tout le territoire national et d’encourager l’appropriation des actions de foresterie paysanne par les paysans eux-mêmes.9
Ces actions s’intègrent, en la prolongeant, à une politique d’aide au développement qui a fait ses preuves au Madagascar, un pays avec lequel la Suisse coopère depuis une vingtaine d’années.10 Une politique qui constitue l’épine dorsale de relations bilatérales qui peuvent être qualifiées de très bonnes.11
Madagascar est un des premiers pays avec lesquels la Suisse a signé un accord-cadre de coopération.12 C’est un pays dit de concentration, où la Suisse mène un de ses programmes les plus importants. Il coûte environ 20 millions de francs suisses par an et il se compose désormais de trois volets:
Avec cette visite, la première d’un ministre suisse des affaires étrangères, nous avons voulu rassurer les autorités malgaches, analyser avec elles notre politique d’aide au développement,14 vérifier les besoins réels de la population défavorisée, grâce notamment à des inspections sur le terrain qui nous ont permis de voir un tronçon-clef de la route nationale numéro deux, la descente de la Mandraka (où nous avons engagé jusqu’ici 18 millions de francs suisses),15 les actions de reboisements villageois sur les Hauts-Plateaux,16 la contribution à la sauvegarde des forêts sèches de la Côte Ouest17 ainsi que la Pharmacie centrale, ce matin.18
Pourquoi rassurer? Il était important de dire personnellement à nos amis malgaches que les évènements survenus en Europe orientale, où les nécessités économiques sont énormes, n’allaient pas mettre en danger notre coopération au développement.
Il n’est pas question de soustraire les crédits prévus pour le sud à la faveur des pays de l’Est européen.19
Il nous est agréable de dire combien les dirigeants du Madagascar apprécient notre présence. Une collaboration décisive, d’après le ministre de l’économie et du plan.20 Une collaboration excellente, aux dires du secrétaire général du Ministère des affaires étrangères.21
Nous nous félicitons également des convergences d’opinion concernant la «philosophie» d’une politique d’aide au développement moderne.22 L’époque de la charité est révolue. Il s’agit maintenant de mobiliser, de responsabiliser les destinataires de l’aide. Il s’agit pour ainsi dire de mettre les gens dans le coup, afin qu’ils comprennent que ça vaut la peine d’agir, de prendre des initiatives, appuyés par l’État, les organisations non gouvernementales, l’aide au développement. Il est important que ces gens, ces petits paysans voient la différence, qu’il est payant d’aller chercher une eau de meilleure qualité ailleurs, de reverdir les collines brûlées dans l’intérêt de tout le monde. Il s’agit donc de décentraliser et de travailler directement avec les collectivités locales. Chose que la Suisse et ses coopérants essaient d’ailleurs de faire depuis pas mal de temps déjà.
Responsabilité et dialogue permanent, que nous avons poursuivi ces jours-ci avec le premier ministre23 et cinq de ses ministres24, sont donc les mots-clefs d’une collaboration qui devrait se poursuivre sous les meilleurs auspices.
On ne peut pas parler de politique de développement sans toucher aux problèmes liés aux programmes d’ajustement économique et financier.25
Madagascar a été parmi les premiers pays à adopter un programme d’ajustement structurel et à l’appliquer avec rigueur et ténacité. Une opération indispensable, nous a confirmé le chef du gouvernement, mais dure, parce que les mesures macro-économiques touchent tout le monde, en particulier les couches sociales défavorisées, qui souffrent de la chute d’un pouvoir d’achat déjà faible et de la diminution des prestations des services publiques.
À ce propos, nous avons appris avec plaisir du ministre des finances que l’ajustement n’a pas empêché aux autorités malgaches d’allouer cette année des rallonges aux budgets de l' Éducation de base, de la Justice et de la Santé. C’est ici que s’insère l’aide suisse à la balance des paiements, dont nous avons parlé au début. Cette nouvelle contribution permet un soutien budgétaire pendant une période de transition qui doit être utilisée par le gouvernement malgache pour adapter son budget de manière à ce qu’il puisse répondre aux besoins du secteur de la santé.
De nouvelles idées se font place. Par exemple le soi-disant désendettement créatif, qui poursuit le double objectif de diminuer le fardeau de la dette par le financement de son rachat à certaines conditions et de relancer des activités de développement grâce à des fonds en monnaie locale ainsi générés. Une idée fort intéressante, qui mérite d’être prise en considération. Quoi qu’il en soit, le gouvernement suisse est en train d’examiner de quelle manière il pourra lancer l’action pour favoriser le désendettement voulu par quelques organisations non gouvernementales dans le cadre du 700ième anniversaire de la Confédération helvétique qui sera célébré l’année prochaine.27
Nous avons également exprimé notre satisfaction pour l’accélération de la procédure de ratification des protocoles additionnels de la Croix-Rouge, qui devrait se produire vraisemblablement l’année prochaine.28 Nous avons ainsi eu l’occasion de dire comment la Suisse tient au droit humanitaire.
Redéfinition du rôle de l’État
Les corrections que les autorités malgaches ont apporté ces dernières années au régime économique et politique sont particulièrement intéressantes. Nous saluons la voie choisie qui a débouché sur un processus de libéralisation.29
Relations avec l’ Afrique du Sud
Nous saluons également le signal que le gouvernement malgache a lancé vers l’Afrique du sud, en recevant dernièrement ici le président des réformes de Klerk. La Suisse aussi, comme le Madagascar, souhaite la fin de la politique de l’apartheid.30
Collaboration régionale
Notre pays souhaite aussi une collaboration régionale entre Madagascar et les îles voisines de l’Océan indien. Une collaboration qui, à notre avis, pourrait avoir une dimension politique et économique intéressante.