dodis.ch/55703Séance du 14 décembre 1990 du Conseil national1

La crise du Golfe et la Suisse. Interventions personelles

[...]2

M. Felber, Conseiller fédéral:

Permettez-moi tout d’abord de commencer la réponse que nous devons aux interpellateurs et à votre conseil en exprimant la satisfaction du Conseil fédéral devant le fait que tous les otages retenus contre leur volonté en Irak, les six derniers sont rentrés hier soir à 17h35, sont rapatriés. Nous constatons également que la solidarité internationale et les pressions exercées sur l’Irak ont sans doute été un élément de modification de la politique irakienne dans le domaine des otages.

Le conflit est entré dans son cinquième mois. Faut-il rappeler la position du Conseil fédéral? On se souviendra qu’il a condamné l’occupation à l’annexion du Koweit3 ainsi que toutes les autres violations du droit international par les autorités irakiennes. Le Conseil fédéral demande au gouvernement irakien de se conformer aux résolutions des Nations Unies. Le Conseil fédéral estime que la neutralité de la Suisse ne doit pas l’empêcher de participer à l’embargo décidé par l’ensemble des nations, face à une violation caractérisée du droit.4 Le soutien exprimé aux efforts de la Communauté internationale, en particulier de l’organisation des Nations Unies visant à promouvoir la paix et à faire respecter le droit international, constitue un des volets de notre stratégie de sécurité et doit guider notre action dans la crise actuelle. Le Conseil fédéral confirme donc sa position dans la crise du Golfe. Il réaffirme sa solidarité avec les Nations Unies et réitère sa détermination de respecter les normes du droit international et les mesures prises à cet effet.

Le Conseil fédéral n’a cessé cependant de se préoccuper au plus haut point du sort des otages suisses et étrangers retenus en Irak. Il n’a ménagé aucun effort pour obtenir leur libération, ce d’autant plus qu’un risque d’éclatement d’un conflit militaire reste grand, tant que le gouvernement irakien refuse de se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Notre position dans ce conflit obéit toujours aux mêmes règles: solidarité internationale, application de l’embargo, participation à l’effort international en faveur, d’une part, des ressortissants étrangers ayant fui l’Irak et le Koweit dans les pays voisins de ceux-ci, et d’autre part, des pays les plus touchés sur le plan économique par cette crise. Cette politique n’a donc pas changé. Devant le danger de guerre, la Suisse fidèle à sa tradition – comme tous les États membres de la Communauté internationale, nous le souhaitons et nous l’entendons – se prononce à nouveau en faveur d’un règlement pacifique de ce différend. Ce règlement doit naturellement toutefois être fondé sur les résolutions pertinentes des Nations Unies.

La situation politique est en effet connue ces derniers temps. L’évolution se concrétise dans la récente et difficile amorce de dialogue entre les États-Unis et l’Irak. Ce dialogue est à la fois un dernier effort pour parvenir à une solution pacifique. C’est aussi une tentative de persuader les dirigeants irakiens de la réalité de la menace militaire qui plane sur leur pays. C’est un moyen de convaincre le Congrès et l’opinion américaine et les gouvernements arabes que tout a été mis en œuvre pour éviter un affrontement armé. Si malgré cela le président Saddam Hussein persiste dans ses visées, il est malheureusement à craindre qu’un conflit militaire éclate dont l’issue serait toujours tragique et sans doute incertaine. Il reste un délai très court au président de l’Irak pour prendre la décision primordiale de retirer ses troupes. Nous constatons aujourd’hui qu’il ne subsiste que peu de réticence quant à l’application des résolutions votées par le Conseil de sécurité depuis le 2 août dernier. La Communauté internationale a fourni une preuve de sa détermination le 30 novembre, lorsque le conseil s’est prononcé en faveur d’une éventuelle épreuve de force.5 Que ce mot ne figure pas dans le texte de la résolution ne change rien à la gravité de la décision des membres du conseil. Les termes choisis sont explicites: tous les États-membres qui coopèrent avec le gouvernement du Koweit sont autorisés, à moins que l’Irak ne se plie au plus tard au 15 janvier aux résolutions précédentes dans leur totalité, à utiliser tous les moyens nécessaires pour faire appliquer les résolutions antérieures en réponse à l’invasion et à l’occupation de l’Émirat. Si le président Saddam Hussein cède à la volonté des nations, les sanctions économiques décrétées par les Nations Unies auxquelles la Suisse s’est associée pourraient être parallèlement levées. D’après ce que nous savons, ces dernières portent un certain nombre de préjudices sérieux à l’économie irakienne et au potentiel militaire de Bagdad.

Les effets économiques et financiers de la crise du Golfe.

Il n’est pas aisé de distinguer les effets directs – interruption des échanges avec l’Irak et le Koweit, réduction des versements de la main-d’œuvre rapatriée, difficultés d’approvisionnement énergétique – des conséquences indirectes – augmentations du prix du brut, hausses d’intérêts et effets sur des économies souvent fragiles en Europe et dans le tiers monde.

L’évaluation des conséquences économiques et financières de la crise dépend largement des critères que nous choisissons. Les pays les plus directement touchés peuvent être rangés en trois catégories: d’abord l’Égypte, la Turquie et la Jordanie. Afin de les soutenir, les principaux pays industrialisés, les pays neutres d’Europe, dont la Suisse ainsi que certains pays du Golfe, ont formé un groupe d’assistance financière. Après avoir prodigué une aide humanitaire immédiate, en évacuant depuis la Jordanie les personnes ayant quitté l’Irak et le Koweit – une action à laquelle la Suisse a participé en contribuant par un montant de 10 millions de francs suisses6 les membres de ce groupe entendent assurer le financement des pertes économiques de ces trois pays dues à la crise du Golfe, pertes évaluées à plus de 10 milliards de dollars, dont les pays du Golfe assumeront la partie principale. La Suisse est également prête à participer à cette aide de façon substantielle.7

La deuxième catégorie d’États regroupe une dizaine de pays, directement affectés par le retour et le besoin de réintégration d’un très grand nombre de citoyens qui s’étaient rendus en Irak et au Koweit pour y travailler. Outre les pays déjà cités, il s’agit du Pakistan, du Maroc, du Soudan, du Bangladesh, de l’Inde, des Philippines et du Sri Lanka ainsi que du groupe des pays les moins avancés.8 Ces pays peuvent compter sur une assistance du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, notamment en profitant d’un accès facilité aux instruments existants. Le fonds étudie en outre la mise sur pied de certains programmes sur une base ad hoc. La Banque mondiale est, pour sa part, prête à accélérer le financement des projets en cours ainsi qu’à lancer des actions complémentaires, dans le cadre de l’Agence internationale de développement et dans celui du programme spécial pour l’Afrique.

La troisième catégorie comprend les pays d’Europe centrale et de l’Est. L’impact de la crise sur ces pays fait l’objet d’une appréciation dans le cadre du Groupe des 24. Les effets de l’embargo viennent s’ajouter à leur situation économique plus que précaire. Avec les autres pays industrialisés, la Suisse évalue actuellement les modalités d’assistance. Celle-ci, pour être vraiment efficace, présuppose une démarche multilatérale à large échelle qui tienne compte de la situation particulière de chaque pays.9

L’aide humanitaire de la Suisse.

Nous avons octroyé une aide humanitaire rapide aux victimes de ce conflit, nous vous l’avons dit, d’un montant de 10 millions de francs: un million en faveur des ressortissants étrangers ayant quitté l’Irak et le Koweit, 6 millions pour le transport de ceux-ci dans leur pays d’origine, un million en faveur du Haut Commissariat pour les réfugiés, un million en faveur des actions du Comité international de la Croix-Rouge, un million en faveur de l’UNICEF et enfin un million pour toute une série de petits projets de l’UNDRO visant au transport de certains de ces ressortissants étrangers, en particulier au Sri Lanka. Le Corps suisse pour l’aide en cas de catastrophes a été engagé dès la première phase du conflit en août et septembre en Jordanie.10 Il a aidé à organiser l’infrastructure des principaux camps qui abritaient des ressortissants étrangers et comptaient plusieurs centaines de milliers de personnes en provenance notamment du Koweit. Il l’a fait en étroite collaboration avec des organisations internationales. Cette action, pour laquelle le corps suisse a engagé douze personnes, est maintenant terminée, les installations maintenues sur place en Jordanie permettraient toutefois d’y accueillir cent mille nouvelles personnes. Le coût total de cette action s’élève à un demi-million de francs. Le Corps a préparé d’autres plans d’engagement, qu’il pourrait réaliser rapidement en cas de besoin. Il est possible de dire ce qui suit à propos des capacités de transport aérien, d’un éventuel engagement de la Suisse à des fins humanitaires et du traitement des personnes blessées: l’organisation de vols pour l’évacuation de personnes ou de victimes du conflit doit être réglée de cas en cas. Cela est possible dans un court délai comme l’a démontré l’exemple de la Jordanie en septembre 1990.

En vue de prochaines actions éventuelles, un accord avec les sociétés d’aviation a déjà été établi.11 L’éventualité d’une évacuation et le traitement en Suisse de personnes blessées pourraient être décidés le moment venu. Pourtant, dans bien des cas, une aide médicale directe dans la région pourrait s’avérer plus efficace et probablement plus avantageuse.

Quant au CICR, malgré ses efforts dès le début, il n’a pas encore été en mesure d’exercer son mandat ni au Koweit occupé, ni en faveur des ressortissants étrangers en Irak. Ce mandat est pourtant expressément défini par les quatrième et troisième Conventions de Genève – Protection des personnes civiles en temps de guerre et Traitement des prisonniers en temps de guerre. Ce n’est qu’au moment où le CICR aura pu engager une action humanitaire en faveur des victimes de l’occupation irakienne du Koweit que se posera la question de contributions financières supplémentaires.12 Il ne s’agira pas d’une augmentation de la contribution suisse au budget ordinaire du CICR – auquel la Suisse participe déjà pour la moitié13 – mais de prestations spécifiques portant sur une action déterminée. La Suisse contribue ainsi à toutes les grandes opérations du CICR.14

Les conséquences du conflit pour la Suisse et les mesures prises.

Les effets sur notre pays d’un éventuel engagement militaire dans cette région dépendent d’une série d’inconnues comme par exemple la durée de l’affrontement, le type d’armements utilisés ou encore l’ampleur des destructions. On peut cependant partir de l’idée que les répercussions les plus immédiates pour nous d’un conflit armé seraient de nature économique. Le Conseil fédéral partage le point de vue de l’un des interpellants,15 à savoir que la Suisse devrait y être préparée, notamment en raison de la grande importance que revêt cette région dans le secteur pétrolier. Il en va ici avant tout de notre approvisionnement économique, bien que l’impact prévisible d’un recours à la force sur les marchés pétroliers doive être relativisé, mais il en va aussi, à un certain degré, de la protection de l’État dans la mesure où l’éventualité d’actions terroristes dans notre pays ne pourrait être totalement exclue. Enfin, si la situation l’exigeait, certaines mesures de protection et de protection civile pourraient s’avérer indiquées, encore que cette probabilité paraisse aujourd’hui fort lointaine, voire même inexistante. Pour surmonter des difficultés d’approvisionnement, notre pays dispose de réserves dans divers domaines, notamment dans le secteur pétrolier16 et la Suisse est membre de l’Agence internationale de l’énergie qui dispose d’un programme d’urgence en cas de difficultés d’approvisionnement.17

Même si notre pays ne devait pas souffrir sur le plan politique et humain de conséquences directement liées à un affrontement possible, il est certain que de manière générale tout conflit, en quelque endroit qu’il ait lieu, porte atteinte à la sécurité internationale dans son ensemble.

Les sanctions de la Suisse.18

Ce que nous demande l’Irak, c’est tout simplement de rompre l’embargo. Or, si l’ordonnance adoptée de manière autonome par le Conseil fédéral le 7 août 199019 instituant des mesures économiques envers la République d’Irak et l’État du Koweit prévoit que l’exportation et le transit, notamment de marchandises à des fins médicales, sont possibles au titre de l’aide humanitaire, ils ne le sont qu’à des conditions très strictes pour les denrées alimentaires. Il n’était bien sûr pas question d’échanger des otages contre une dérogation aux règles internationales de l’embargo. La Suisse n’a ainsi pas fait de l’autorisation d’exporter des médicaments à destination de l’Irak un objet de négociations dans le problème des otages, par exemple, tant pour des raisons humanitaires que pour des raisons de principe.

Les autorisations données ne l’ont été que sur la base de l’article 4 de l’ordonnance susmentionnée. Elles ne concernent que des produits qui figurent également sur les listes de la Communauté économique européenne.20

Les livraisons de produits alimentaires à l’Irak, dont celles de lait en poudre, en particulier pour bébés,21 tombent par contre sous le coup de l’ordonnance du 7 août 1990 qui est conforme à la résolution 761 du Conseil de sécurité.22 Une fois établis les vrais besoins sur place par une organisation internationale: la Croix-Rouge suisse, le Croissant-Rouge irakien ou le CICR, ce que l’Irak n’a pas autorisé jusqu’à présent, des demandes de livraison de tels produits peuvent être soumises au Comité des sanctions de l’ONU. Celui-ci est habilité à autoriser de telles livraisons pour autant qu’elles soient effectuées à titre humanitaire et qu’une organisation puisse assurer leur distribution et le contrôle nécessaire. L’Irak a jusqu’à maintenant méthodiquement refusé cette proposition.

De plus, les renseignements disponibles sur la situation alimentaire en Irak et au Koweit sont très contradictoires, notamment en ce qui concerne le lait en poudre. Les autorités irakiennes nous ont affirmé, il y a quelques semaines encore, qu’elles ne connaissaient pas de problèmes de pénurie de produits alimentaires. Enfin, les livraisons de lait en poudre d’une grande compagnie suisse23 à l’Irak, au cours des dernières années, n’étaient constituées que pour une très faible partie de lait en poudre suisse. Celles qui sont actuellement bloquées à l’étranger ne l’ont pas été par une décision des autorités suisses, mais en raison des résolutions prises par les Nations Unies et appliquées par les autres États où se trouvent et où sont fabriqués les produits en question.

Par ailleurs, il n’existe aucune base légale qui autoriserait le Conseil fédéral à émettre une ordonnance en vue de la couverture des dommages causés à des entreprises suisses par les mesures économiques prises vis-à-vis de l’Irak et du Koweit, par exemple à celles qui se trouvent dans l’impossibilité de livrer à ces deux pays du matériel déjà fabriqué. Il en va différemment par contre des indemnités pour des pertes consécutives de travail qui sont réglées conformément à la législation sur le chômage.24

On a beaucoup parlé des bons offices de la Suisse.

À plusieurs reprises, les autorités de notre pays ont appelé publiquement à un règlement pacifique de la crise et ont fait connaître cet appel aux autorités irakiennes. Ainsi, le 14 août 1990, celui qui vous parle a offert à l’ambassadeur d’Irak à Berne les bons offices de la Suisse, pour autant bien sûr que toutes les parties engagées dans le conflit le souhaitent.25 Le Conseil fédéral a fait une déclaration dans le même sens le 31 octobre 1990.26 La constante disponibilité de la Suisse pour les bons offices est d’ailleurs connue sur le plan mondial. Jusqu’à présent, ni les Irakiens, ni l’ONU dont nous avons rencontré les représentants à plusieurs reprises et au plus haut niveau, ni une autre partie n’ont cependant sollicité une quelconque entremise des autorités fédérales.

De plus, de bons offices de la Suisse ne pourraient s’exercer qu’en accord avec les parties au conflit et en respectant les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Le gouvernement suisse réitère sa disponibilité pour la mise en œuvre de tout effort visant à trouver une solution pacifique à tous les conflits. Cette disponibilité, nous l’avons offerte récemment encore aux représentants de certains pays arabes qui sont venus nous trouver pour discuter avec nous de la crise du Golfe.

Au cas où le président irakien27 se résoudrait au retrait de ses troupes du Koweit, la Suisse ne pourrait que se féliciter de la restauration d’une souveraineté d’un sujet de droit membre de la communauté internationale. Dans ces conditions, ce serait avant tout au secrétaire général des Nations Unies28 d’entreprendre une action en faveur de la paix, mais notre pays saurait également faire honneur à sa traditionnelle politique de disponibilité.

Les otages en Irak.

Nous voudrions condamner une fois de plus cette méthode utilisée pour la première fois par un gouvernement étranger qui consiste à retenir contre leur gré les étrangers sur son territoire. Il s’agit d’une forme de terrorisme d’État.

D’emblée, le sort des otages a été une préoccupation constante du Conseil fédéral et du Département des affaires étrangères. Une cellule de crise a dès lors été mise sur pied sans délai.29 Je reviendrai plus tard sur les problèmes structurels que pose la question d’une crise au sein d’un département qui n’est pas suffisamment doté en personnel, surtout si cette crise se prolonge ou si, de surcroît, elle suit immédiatement une autre prise d’otages, longue elle aussi, celle de nos compatriotes du CICR au Liban.30 Sous la conduite d’un haut fonctionnaire, chef de division31, cette cellule est constituée d’une vingtaine de personnes représentant tous les départements et offices concernés.32 Selon les besoins, elle se réunit quotidiennement au début de la crise, ou deux fois par semaine au minimum, sans compter bien sûr les séances quotidiennes en petit comité. Il faut avoir à l’esprit que les tâches de la cellule de crise ne se bornent pas à la seule question, certes primordiale, des otages.

La cellule de crise s’occupe de tout ce qui touche à l’affaire du Golfe, elle exécute les directives pertinentes du Conseil fédéral, elle renseigne le chef du département et le Conseil fédéral, elle leur fournit ses appréciations de situation, elle leur procure des propositions, elle décide, entre autres, en matière de visas, de trafic aérien, de sanctions économiques – en étroite liaison avec l’Office fédéral des affaires économiques extérieures; elle est en contact permanent avec toutes nos ambassades dans la région, avec le Comité des sanctions de l’ONU, avec les ministères des affaires étrangères et avec les cellules de crise de tous les pays européens et des pays amis.

D’autres tâches encore lui incombent, telles la liaison avec les familles des otages, avec leurs employeurs ou l’information de l’opinion. Bref, la cellule de crise accomplit des tâches qui ne sont sans doute guère spectaculaires à l’extérieur mais qui exigent une mobilisation et un engagement de tous les instants. Je puis en tout cas vous assurer que cette équipe n’a épargné ni son temps ni sa peine pour tenter de trouver des solutions aux problèmes soulevés par cette crise.33

La mission de la Croix-Rouge suisse en Irak est un exemple des efforts entrepris pour améliorer le sort des otages suisses.34 Elle a également contribué vraisemblablement et même sûrement à la libération de l’un d’entre eux. La Croix-Rouge suisse, qui a pris assez tôt l’initiative de cette mission, a immédiatement informé le Département des affaires étrangères et saisi l’offre de collaboration de ce département. Le projet a alors été préparé et réalisé de façon conjointe et dans une entente parfaite. Son exécution avait été envisagée de longue date, mais après l’annonce de la constitution d’une mission privée de parlementaires, le Département des affaires étrangères a incité la Croix-Rouge suisse à repousser sa visite en Irak jusqu’au retour des parlementaires, de manière à ce que les efforts de ces deux délégations en faveur des otages ne se heurtent pas au point de finalement s’annuler.

Le président Saddam Hussein a demandé le 6 décembre 1990 à l’Assemblée nationale irakienne de libérer tous les otages étrangers retenus dans le pays.35 Celle-ci a donné son accord le lendemain. Les sept otages suisses encore en Irak à ce moment-là ont obtenu leur visa de sortie au cours des jours suivants, avec l’appui de notre ambassade. L’un d’entre eux est rentré en Suisse mercredi déjà, les six autres se sont envolés hier vers Amman à bord d’un avion des Iraqi Airways et ont continué leur vol sur la Suisse dans un avion affrété par le Conseil fédéral qui a atterri hier à 17h35 à Kloten. Encore une fois, nous saluons le retour dans leur patrie de ces compatriotes et de ceux qui les ont précédés il y a quelques semaines.

Malgré toutes les critiques,36 notre ambassade a toujours été ouverte au dialogue avec ces otages. Ceux qui sont rentrés hier soir l’ont réaffirmé, comme d’ailleurs avec le reste de la colonie suisse. Elle a entretenu des contacts réguliers avec eux, avec leurs représentants. La cellule de crise en a fait de même avec les parents et les employeurs des otages et leurs délégués. Nous avons organisé trois séances d’information à leur intention, la dernière en présence du chef du département. Vous vous rappellerez que le Département des affaires étrangères avait pris l’initiative d’un sondage auprès de tous les partis politiques ici représentés à propos de l’idée d’une mission privée de parlementaires en Irak. Notre crainte était de voir partir sans mandat plusieurs délégations qui auraient pu être plus dangereuses qu’une délégation constituée et appuyée. Vous le savez, nous avons rapidement renoncé à cette idée de délégation en raison de l’attitude sceptique des groupes qui n’avaient pas l’intention de participer à une telle démarche inofficielle.37

Le département s’est efforcé, tout au long de la crise, d’évaluer les possibilités d’autres actions qui devaient rester discrètes si on voulait leur garder une chance d’aboutir. Le Conseil fédéral et le Département des affaires étrangères n’ont en outre cessé de demander la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages retenus en Irak. Le département a entrepris plusieurs démarches dans ce sens. Diverses interventions en leur faveur ont eu lieu auprès de chefs d’État ou de gouvernements, de ministres et de fonctionnaires susceptibles de nous aider. Le chef du département a utilisé régulièrement ses contacts pour tenter d’obtenir la libération des otages suisses. Nous avons reçu à leur demande tous les chefs de mission des douze membres de la Communauté européenne le 15 novembre 1990.38 L’aide-mémoire39 remis par eux à cette occasion demandait à la Suisse d’intervenir auprès des autorités irakiennes pour exiger la libération de tous les otages, de soutenir le rôle des Nations Unies à ce sujet et de rappeler au gouvernement irakien la nécessité d’accepter de recevoir le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies.40 Le Conseil fédéral a donné son accord de principe à cette demande et a chargé le département des démarches nécessaires à cet effet.

Nous avons été en contact avec divers intermédiaires pour la solution du problème des otages. Nous ne pouvions toutefois agir que dans le respect des principes définis par le Conseil fédéral. Notre marge de manœuvre est et était nécessairement limitée. De plus, par sa nature, la prise d’otages requiert des initiatives qui ne peuvent pas toutes être révélées au grand jour.

Nous connaissons ici la genèse de la mission privée des parlementaires suisses, les velléités de certains de jouer un rôle en groupe ou individuellement, leur volonté de conduire une mission humanitaire.41 Le Conseil fédéral, hostile à l’envoi d’une délégation officielle, ne pouvait pas encourager une telle mission, mais ne voulait pas la décourager non plus.42 Les partis et le gouvernement ont pris acte de cette mission privée de parlementaires. Le chef de la cellule de crise a reçu le responsable de la mission avant son départ pour l’Irak.43 Il a alors été informé de l’offre de bons offices faite aux autorités irakiennes pouvant consister par exemple en la mise à disposition du territoire suisse aux parties qui le souhaiteraient. Il lui a été également offert à cette occasion le soutien logistique de notre ambassade. Par deux fois, la délégation s’est adressée au président de la Confédération44 au cours de sa mission. À son retour, le responsable de la mission a été reçu par le chef du Département des affaires étrangères et le chef de la cellule de crise.45

On a beaucoup parlé du rôle de l’ambassade. Il y a eu beaucoup de médisances à ce sujet. Les conditions de travail de son personnel sont difficiles. Dès le début, nos diplomates ont été engagés à fond, tant à Bagdad qu’à Berne. Le rôle de l’ambassade vis-à-vis de la mission de parlementaires avait été défini par des instructions46 de la centrale: large appui logistique, retenue, voire impossibilité d’un soutien des discussions ou démarches de la délégation auprès des milieux officiels irakiens. Il n’a pas été possible à l’ambassade d’accorder tout l’appui offert, soit parce que la mission, après l’avoir exigée l’a refusée, soit parce qu’elle a laissé notre représentation dans l’ignorance de certaines de ses intentions et de ses besoins.47

Il faut aussi dire que l’attitude d’emblée fort critique de la presse suisse avant le départ de la mission parlementaire ainsi que des membres de cette mission elle-même à l’égard de notre ambassadeur48 dès leur arrivée à Bagdad n’a pas facilité sa tâche. De plus, le Conseil fédéral juge durement certains propos tenus à l’égard de notre chef de mission, mais aussi du Département des affaires étrangères, de la cellule de crise et du Conseil fédéral. Le Conseil fédéral ne connaît pas, bien sûr, avec précision, le contenu des discussions tenues par les membres de la mission parlementaire avec les autorités irakiennes, même si un communiqué conjoint49 à été publié dans la presse irakienne. Il ne peut donc pas vraiment juger du résultat de leurs démarches, si ce n’est se réjouir de la libération d’une partie des otages. Le Conseil fédéral n’ignore, et n’ignorait pas, les nombreuses visites privées en Irak entreprises depuis plusieurs pays pour obtenir la libération d’otages et les conséquences possibles sur la solidarité internationale.

Nous avons pu vérifier toutefois que ces visites n’ont pas porté atteinte à la volonté de la communauté des États de faire respecter les normes internationales et les résolutions prises par les Nations Unies à cet effet, même si quelques fissures sont apparues dans cette solidarité. Celles-ci et le bénéfice politique intérieur que retire le gouvernement irakien de ces visites, grâce au battage médiatique qui les entoure, sont leurs principales raisons d’être pour Bagdad. La détermination avec laquelle la Suisse s’est montrée solidaire de la communauté des États, notre intransigeance à l’égard du principe du droit des gens sont des gages de l’attachement de la Suisse à la liberté, au respect des droits fondamentaux de la personne humaine.

Le Conseil fédéral et le Département des affaires étrangères sont parfaitement conscients, et cela ne date pas de cette crise du Golfe, de la nécessité d’une politique active et cohérente d’information. Depuis le début de la crise, l’information du département a été systématique, ouverte, avec des briefings pratiquement journaliers. L’information sur la politique du Conseil fédéral a été répétée à plusieurs reprises, tant au niveau du gouvernement lui-même qu’au niveau du département, par le truchement de conférences de presse, notamment du chef du département, de briefings, de déclarations, notamment du vice-chancelier de la Confédération,50 et de communiqués.

Conformément à l’article 102, chiffre 8 de la Constitution fédérale, le Conseil fédéral est en général chargé des relations extérieures.51 En se basant sur les articles pertinents de la loi sur l’organisation administrative52 et de l’ordonnance sur les tâches du département, des groupements ou des offices,53 le Conseil fédéral a délégué cette compétence d’ordre général de la représentation vers l’extérieur au Département fédéral des affaires étrangères. Il ressort par là clairement que si le Conseil fédéral conserve, en tant que collège gouvernemental, la compétence générale de fixer les lignes directrices, ce qu’il a fait, il délègue toutefois au département compétent l’exécution de celles-ci, tant sur le plan de la forme que sur celui du fond.

Les conditions de la politique étrangère suisse sont soumises depuis peu à un processus fondamental de transformation. Ce processus découle des impulsions de taille sur l’ancrage de la politique étrangère dans notre politique intérieure. Le changement le plus significatif réside sans doute dans le fait que nous ne pouvons plus, contrairement à ce qui semblait aller de soi pendant des décennies, rester les spectateurs des développements et des événements dans la politique étrangère et mondiale. De plus en plus, nous devenons nous-mêmes participants et acteurs.

Il suffit dans ce contexte de mentionner des mots clés comme intégration européenne,54 interdépendance économique, politique écologique,55 l’accroissement des menaces sur les bases de notre existence, les problèmes globaux de l’environnement, de la pauvreté, de l’émigration.56 Tous ces développements ne sont pas seulement suivis et analysés par le Conseil fédéral et les départements concernés. Nous essayons tout aussi résolument d’exercer sur ces développements une influence créatrice.

Que cela nous plaise ou non, on attend de nous que nous participions. L’itinéraire de notre politique étrangère ne peut et ne doit pas être conçu dans les bureaux du Département des affaires étrangères, il doit plutôt naître dans le dialogue avec le Parlement, respecter aussi les besoins légitimes d’information des représentants du peuple.57 Il doit cependant être clairement dit qu’il ne peut s’agir là que du tracé, des contours de la route, et que sa concrétisation, et surtout son exécution, doivent être assurées par un département compétent. Dans des conditions de politique étrangère modifiée, comme on l’a évoqué, le dialogue plus intense entre le Conseil fédéral et le Parlement revêt et revêtira certainement une signification croissante.

Nous sommes prêts à ce dialogue. Il se déroule en premier lieu dans le cadre des Commissions des affaires étrangères des deux conseils ou dans des manifestations particulières comme un séminaire sur le processus d’intégration.58 La discussion dans le cadre des interpellations, comme ce matin, offre également une excellente occasion de dialogues. C’est ainsi que les deux conseils se sont déjà occupés, lors de la session d’automne, de la situation dans le Golfe et de notre réponse à cette problématique, y compris les mesures de boycott.59 La volonté qui s’est alors clairement exprimée de soutenir les mesures du Conseil fédéral a été pour nous un fil conducteur important au cours des dernières semaines, à un moment où certains essayaient manifestement de dépeindre l’activité du Conseil fédéral comme isolée et non soutenue par le Parlement.

La conduite de la politique étrangère ne dispose que d’un champ d’action partiellement autonome. Les événements internationaux majeurs ou même mineurs et les relations interétatiques placent chaque jour la direction de la politique étrangère devant de nouveaux défis. C’est pour cette raison qu’une planification à moyen et à long terme est pratiquement impossible. Les bouleversements actuels en donnent une claire illustration et la crise du Golfe témoigne, on ne peut mieux, de cette situation.

La flexibilité que l’on requiert du Département fédéral des affaires étrangères et de ses collaborateurs doit aussi être mise en relation avec l’effectif dont nous avons besoin pour accomplir nos tâches et répondre aux préoccupations du moment. Nous ne pouvons mobiliser aucune réserve. Les diplomates ne peuvent être recrutés directement et rapidement sur le marché de l’emploi. Ils doivent être formés, passer un examen, suivre un stage de formation de deux ans. La même chose vaut d’ailleurs pour les collaborateurs du service consulaire. Ainsi, des fluctuations temporaires ne peuvent être compensées, même si le plafonnement rigide des effectifs le permettait.60

Dans des situations de crise ou des collaborateurs supplémentaires seraient les bienvenus, ce handicap est particulièrement lourd. Une crise telle que celle-ci a exigé en effet que nous prélevions des agents de la division géographique compétente de la Direction politique pour les engager à plein temps dans la cellule de crise. Cela réduit évidemment d’autant l’effectif du personnel chargé des affaires courantes. L’idéal serait de disposer d’une «Task Force», d’un réservoir de collaborateurs spécialement formés, susceptibles d’être engagés rapidement à la centrale ou délégués sans perte de temps à l’extérieur, dans les régions de crise.

Le Conseil fédéral est conscient de l’importance et de la nécessité de pouvoir agir vite et de manière consistante en matière de politique étrangère et pas seulement dans des situations de crise. Il n’oublie pas à cet égard la problématique découlant de la spécificité du système politique suisse. Nous sommes ainsi en faveur d’une critique constructive qui permette d’améliorer une direction politique forte, et nous comptons avec la compréhension du Parlement lorsqu’il s’agit de traduire cet objectif en mesures concrètes.

Dernier élément: on a beaucoup parlé, au cours de ces deux derniers jours, de la fermeture de l’ambassade d’Irak à Berne, en laissant entendre que cette fermeture n’était ni confirmée ni infirmée par le Département fédéral des affaires étrangères. Eh bien, ce département ne confirme une information qu’il connaît que lorsqu’il en possède la notification exacte et officielle. Cette notification est parvenue à mon bureau hier après-midi, à 14h15; elle m’a été remise en main propre par l’ambassadeur d’Irak à Berne.61 Je vous la lis: «Le gouvernement d’Irak a décidé, pour des raisons administratives et financières créées par les circonstances présentes, de fermer l’ambassade. Le gouvernement irakien, en prenant ces mesures, souhaite la réouverture de l’ambassade à la prochaine occasion. L’ambassade saisit cette occasion, etc.».62 Telle est la seule nouvelle officielle qui nous soit parvenue hier après-midi. La fermeture de cette ambassade est accompagnée d’une série d’autres fermetures d’ambassades d’Irak dans d’autres pays du monde.

Präsident:63 Herr Günter hat Diskussion beantragt.

Abstimmung – Vote

Für den Antrag auf Diskussion 33 Stimmen

Dagegen 58 Stimmen

Präsident: Die Interpellanten haben nun die Möglichkeit einer kurzen Erklärung, ob sie von der Antwort des Bundesrates befriedigt sind oder nicht.

Sager: Ich könnte von der Antwort durchaus befriedigt sein, aber nicht von der Art und Weise des Vorgehens. Ich protestiere dagegen, dass hier sowohl die Diskussion abgelehnt als auch den Interpellanten die Möglichkeit einer Stellungnahme genommen wird. Im Falle Iraks geht es doch immerhin um eine sehr wichtige Angelegenheit.

Ich bedaure, Herr Bundesrat, dass Sie mit Ihrer allzu langen Rede den Parlamentariern einmal mehr die Möglichkeit genommen haben, ihre Meinung zum Ausdruck zu bringen. Ich bedaure das, und ich darf diesem Bedauern Ausdruck geben, weil mich Ihre Haltung sehr überzeugt hat und weil ich Ihnen im Namen der SVP-Fraktion die Anerkennung für Ihre Haltung während der ganzen Irak-Krise gerne etwas näher zum Ausdruck gebracht hätte.

Müller-Meilen: Auch ich möchte Herrn Bundesrat Felber die Anerkennung für seine Antwort aussprechen, vor allem für seine konsequente Haltung der internationalen Solidarität im Sinne des Völkerrechts. Ich glaube, dass die Reise der inoffiziellen Parlamentarierdelegation nach Bagdad zwar ein hohes humanitäres Ziel hatte, dass aber dieses hohe Ziel, die Humanität, durch die Publizität entwürdigt wurde und dass die Delegation vor allem – das ist der zentrale Vorwurf, den man ihr machen muss – ob dem humanitären Feilschen völlig den Blick für die grundsätzliche Bedeutung des Golfkonfliktes aus den Augen verlor. Das grosse Ziel, dem Aggressor entgegenzutreten, kann nur durch internationale Solidarität erreicht werden und nicht durch Einzelgänge von nichtoffiziellen Delegationen, die vielleicht sogar die Befreiung aller Geiseln mehr behindert denn gefördert haben.

Günter: Ich erkläre mich von Ihrer Antwort befriedigt. Ich bin froh, dass der Bundesrat die internationale Solidarität stützt und dass Sie die Bereitschaft erklärt haben, in den armen Ländern mitzuhelfen, die Folgen des Konfliktes und des Embargos zu lindern, sei es in der Dritten Welt, sei es in Mittel- oder Osteuropa. Ich bin auch sehr froh, dass Sie sich bereit erklärt haben, dem IKRK die Möglichkeit zu geben, allenfalls vermehrt zu handeln. Bis jetzt konnte es noch nicht so stark tätig werden; wenn es aber dazu kommen sollte, wäre es wichtig, dass die Hilfe nicht an finanziellen Problemen scheitert. Für die Bereitschaft, hier einzuspringen, danke ich Ihnen besonders.

Präsident: Herr Ruf teilt mit, dass er von der Antwort teilweise befriedigt ist.

Herr Oehler hat das Wort für eine kurze persönliche Erklärung. (Unruhe) 

Persönliche Erklärung – Déclaration personnelle 

Oehler: Es nützt gar nichts, wenn Sie mit Ihrem Deckel klopfen. Ich erachte es als mein Recht, nachdem ich von einigen von Ihnen angegriffen worden bin, auch einige Worte zu sagen; Sie haben die Diskussion ja abgelehnt. Namentlich zu Herrn Müller-Meilen, der offenbar seine aussenpolitischen Erfahrungen aus dem Schreibtisch in die Zeitung gibt.

Es ist von Herrn Bundesrat Felber viel Wahres gesagt worden; es ist aber auch vieles nicht gesagt worden, das hätte gesagt werden müssen. Aus diesem Grunde, Herr Bundesrat Felber, bin ich der Meinung, dass es – vor dem Hintergrund der Irak-Frage – absolut notwendig ist, dass Sie in Ihrem Departement mit dem gleichen harten Besen hinter die Bücher beziehungsweise hinter das Personal gehen, wie es gestern Herr Bundesrat Villiger dargelegt hat.64 Die Krisenbewältigung in Ihrem Departement ist so nicht gegangen; ich bedaure das, und ich glaube, dass wir in einer nächsten Angelegenheit Grund genug haben, auf diesen Vorfall zurückzukommen.

Herrn Müller beziehungsweise seinen Freunden möchte ich sagen – auch mit Blick auf das Flugzeug, das gestern vom Bundesrat zum Glück nach Irak beziehungsweise nach Amman geschickt wurde –: Wir, Herr Müller, und die 36 Geiseln, die mit uns zurückkamen, haben diese Reise selber bezahlt, nicht ein Verlag,65 nicht ein Unternehmen. Das ist doch eine Angelegenheit, die klarzustellen mir erlaubt ist, nachdem uns unterschoben worden ist, man hätte uns bezahlt.

Persönliche Erklärung – Déclaration personnelle

Jaeger: Wir sind kritisiert worden, das müssen wir uns gefallen lassen, das ist klar. Es gibt aber auch an den Ausführungen von Herrn Bundesrat Felber doch einiges, das korrigiert, in Frage gestellt oder diskutiert werden sollte. Sie haben leider die Diskussion abgelehnt. Sie haben uns die Gelegenheit nicht gegeben, auf die Kritik zu reagieren. Ich bedaure dies, zumal Unterstellungen, wir seien von einem Verlag finanziert worden, ungerecht sind. Wir haben diese Reise selber bezahlt. Wir haben Zeit aufgewendet dafür. Wir sind Risiken eingegangen. Wir sind überzeugt – das möchte ich noch ganz klar und deutlich festhalten –, dass wir nie die offizielle Linie der schweizerischen Aussenpolitik verlassen haben. Das wären Dinge gewesen, die man hier hätte klarstellen können. Ich bedaure es ausserordentlich.

Ich stelle den Antrag, auf diesen Entscheid zurückzukommen und eine Diskussion zu gestatten. Wir haben schon unwichtigere Dinge diskutiert. Ich bin überzeugt, es wäre für alle Teile wichtig und auch im Interesse unserer Aussenpolitik, wenn wir hier eine sachliche, eine faire und eine offene Diskussion führen würden.

Abstimmung – Vote

Für den Rückkommensantrag auf Diskussion 29 Stimmen

Dagegen 63 Stimmen

Persönliche Erklärung – Déclaration personnelle

M. Ziegler: Je me déclare totalement solidaire des deux collègues de la délégation parlementaire. Je souscris entièrement à leurs propos. Je veux faire une déclaration personnelle sur un point très important soulevé tout à l’heure très rapidement par M. Felber: la Conférence internationale de Genève. Il a affirmé qu’il ne connaît pas le contenu des discussions de la délégation parlementaire avec le chef de l’État irakien.66 Durant deux heures et dix minutes, nous avons eu des discussions approfondies avec lui et le chef de la diplomatie suisse qui n’est pas au courant de ce qui s’est passé. Il ne nous a pas invité à l’informer, ni évidemment ce ridicule état-major de crise, ni encore ce soi-disant secrétaire d’État.67 C’est pour cela que je veux dire un mot sur cette conférence et sur ce que la Suisse doit faire, ainsi que sur ce que l’Irak et les belligérants attendent de notre pays à la veille d’une guerre qui aura des conséquences terrifiantes, des centaines de milliers de morts. La Suisse offre officiellement de convoquer une conférence internationale de paix à Genève qui analysera tous les problèmes du Moyen-Orient, c’est la ligne du Conseil fédéral. Seulement, il y a un malentendu fondamental entre la délégation et celui-ci. (Cloche du président) M. Felber dit: «Je ne sais pas quel était le contenu de ces discussions avec M. Saddam Hussein.» Alors, je vais vous le dire. (Cloche du président) La Suisse ne doit pas attendre ....

Präsident: Herr Ziegler, ich habe Ihnen das Wort für eine kurze Erklärung gegeben. Ich bitte Sie abzuschliessen.

M. Ziegler: Deux phrases: les belligérants attendent de la Suisse non une déclaration à l’ambassadeur irakien à Berne,68 mais un déplacement des responsables suisses dans toutes les capitales concernées, afin d’obtenir la convocation d’une conférence. La Suisse doit prendre l’initiative de convoquer les délégations internationales, ... (Cloche du président)

Präsident:69 Herr Ziegler, darf ich Sie bitten, jetzt Ihren Platz einzunehmen.

M. Ziegler: ... se déplacer pour cela à Washington et à Bagdad. Si on ne le fait pas .... (Brouhaha)

Präsident: Herr Ziegler, das ist nicht fair. Fertig! Ich bitte Sie, Platz zu nehmen!

M. Ziegler: Si on n’agit pas de cette manière, on ne fait pas notre travail d’État neutre. Je vous remercie beaucoup. (Brouhaha)

Präsident: Ich teile Ihnen mit, dass Herr Pini auf eine kurze Erklärung verzichtet. (Grosse Unruhe)

Darf ich Sie bitten, Platz zu nehmen und Ruhe zu bewahren.70

1
Bull. of. CN, 1990, V, pp. 2405–2412. Ce procès-verbal est publié dans le bulletin officiel du Conseil national. Lors de la séance en question, le 14 décembre 1990, le Chef du DFAE, le Conseiller fédéral René Felber, répond de manière groupée à quatre interventions parlementaires au sujet de la crise du Golfe. Sa réponse se base sur une version préparée en premier lieu par le DFAE et approuvée par tous les offices concernés, puis approuvée également par le Conseil fédéral en date du 6 décembre 1990, cf. dodis.ch/55702. La demande d’une discussion, à la suite des explications de Felber, est refusée deux fois par une majorité du Conseil. Certains membres du parlement demandant la parole sont néanmoins autorisés à prononcer une brève déclaration personnelle. Pour le libellé des quatre interventions parlementaires, qui sont reproduites au début du procès-verbal de la séance, avant la réponse groupée du Conseiller fédéral Felber, cf. le facsimilé dodis.ch/55703.
2
Pour la version complète du document, cf. le facsimilédodis.ch/55703.
3
Cf. DDS 1990, doc. 29, dodis.ch/55715.
4
Cf. DDS 1990, doc. 30, dodis.ch/54497 et la compilation dodis.ch/C1674.
5
Il est fait référence ici à la résolution No 678 du Conseil de sécurité de l’ONU du 29 novembre 1990, UN doc. S/RES/678. Cf. à ce propos le rapport politique No 13 de l’Ambassadeur de Suisse de la Mission permanente de la Suisse auprès des Nations Unies à New York, Dieter Chenaux-Repond, du 30 novembre 1990, dodis.ch/57077.
6
Cf. le PVCF No 1908 du 17 septembre 1990, dodis.ch/55471.
7
Sur l’aide accordée par la Suisse aux trois États les plus touchés par la crise du Golfe, cf. la compilation dodis.ch/C1781.
8
Cf. dodis.ch/57240.
9
Cf. DDS 1990, doc. 40, dodis.ch/55958, point 6 et dodis.ch/56141.
10
Cf. dodis.ch/56648.
11
Cf. dodis.ch/56649.
12
Cf. dodis.ch/57020.
13
Cf. dodis.ch/55478.
14
Sur l’état des relations avec le CICR, cf. la compilation dodis.ch/C1855.
15
Paul Günter.
16
Sur la situation d’approvisionnement en produits pétroliers de la Suisse, cf. la compilation dodis.ch/C1856.
17
Cf. le PVCF No 2247 du 24 octobre 1990, dodis.ch/55521.
18
Cf. DDS 1990, doc. 30, dodis.ch/54497 et la compilation dodis.ch/C1674.
19
Cf. le PVCF No 1467 du 7 août 1990, dodis.ch/55525.
20
Cf. dodis.ch/57244 et dodis.ch/57243.
21
Du côté irakien, la livraison de nourriture pour bébés est dressée comme condition préalable à la libération des otages suisse, cf. la compilation dodis.ch/C1857.
22
Cf. la résolution No 661 du Conseil de sécurité de l’ONU du 6 août 1990, UN doc. S/RES/661.
23
Il s’agit de Nestlé, cf. dodis.ch/57238.
24
Cf. à ce propos dodis.ch/57242. En général, les répercussions négatives de la crise du Golfe sur l'industrie d'exportation suisse sont jugées minimes, cf. dodis.ch/55286.
25
Pour l'offre du Conseiller fédéral Felber à Abdo Ali Hamdan Al-Dairi, cf. dodis.ch/54679.
26
Cf. le PVCF No 2277 du 31 octobre 1990, dodis.ch/57206.
27
Saddam Hussein.
28
Javier Pérez de Cuéllar.
29
Sur les activités et les délibérations de la cellule de crise, cf. la compilation dodis.ch/C1679.
30
Emanuel Christen et Elio Erriquez. Cf. DDS 1990, doc. 38, dodis.ch/56177 et la compilation dodis.ch/C1777.
31
Pierre-Yves Simonin.
32
Cf. par exemple la composition de la cellule de crise lors de la séance du 19 octobre 1990, dodis.ch/54675.
33
Pour une séléction de procès-verbaux de la cellule de crise Irak/Koweit, cf. la compilation dodis.ch/C1891.
34
Cf. dodis.ch/54647.
35
Cf. dodis.ch/57272.
36
Pour un aperçu des principales critiques adressées, cf. dodis.ch/54646.
37
Cf. dodis.ch/57273 et dodis.ch/57274.
38
Cf. dodis.ch/56841.
39
Cf. dodis.ch/56842.
40
Il est fait référence ici à Sadruddin Aga Khan, qui est plus précisément nommé Personal Representative [of the Secretary-General] for Humanitarian Assistance relating to IraqKuwait crisis. Kofi Annan est lui nommé Special Envoy of the Secretary-General to Baghdad.
41
Sur les activités de la délégation parlementaire inofficielle, cf. la compilation dodis.ch/C1860. La délégation est composée des Conseillers nationaux Edgar Oehler (chef, PDC/SG), Franz Jaeger (AdI/SG), Massimo Pini (PRD/TI) et Jean Ziegler (PS/GE), ainsi que du Chancelier adjoint du canton de Glaris, Erich Wettstein (UDC) et de Jürg Zbinden du Blick, qui est présent en qualité de coordinateur du voyage. La délégation est accompagnée de plus d’une trentaine de journalistes. Elle se rend en Irak du 14 au 22 novembre 1990 pour mener des négociations avec des officiels irakiens afin d’obtenir la libération d’un maximum de citoyens suisses rentenus contre leur volonté à Bagdad. Cf. notamment le communiqué de presse du Conseiller national Oehler du 29 novembre 1990, dodis.ch/54648.
42
Le Directeur de la Direction politique du DFAE, le Secrétaire d’État Klaus Jacobi, exprime sa désapprobation quant à cette entreprise parlementaire inofficielle dans le Sonntags-Blick du 11 novembre 1990. Suite à la très vive réaction du public et des médias, le Conseil fédéral, dans sa déclaration du 16 novembre 1990, prend position et se dit «choqué par les propos déplacés de Monsieur Klaus Jacobi, chef de la direction politique du DFAE, au sujet des membres de cette délégation. Le Conseil fédéral juge inacceptable qu’un haut fonctionnaire se permette de porter des appréciations sur des membres du Parlement Cf. le PVCF de décision II du 16 novembre 1990 de la 36ème séance du Conseil fédéral du 14 novembre 1990, dodis.ch/54953, p. 10. Pour l’ensemble de l’affaire, cf. la compilation dodis.ch/C1861.
43
Le Chef de la division politique II, l’Ambassadeur Pierre-Yves Simonin, reçoit le Conseiller national Oehler le 12 november 1990, cf. dodis.ch/57021.
44
Arnold Koller.
45
Cette rencontre entre le Conseiller fédéral Felber et le Conseiller national Oehler a lieu le 4 décembre 1990.
46
Cf. dodis.ch/57021.
47
Pour les avis de l’Ambassadeur de Suisse à Bagdad, Friedrich Moser, cf. la compilation dodis.ch/C1890.
48
Friedrich Moser.
49
Cf. dodis.ch/57271.
50
Achille Casanova.
51
Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, RO, 1876, pp. 1–36, ici p. 29 et RS, 1947, pp. 1–88, ici p. 34.
52
Loi fédérale du 19 septembre 1978 sur l’organisation et la gestion du Conseil fédéral et de l’administration fédérale (Loi sur l’organisation de l’administration, LOA), RO, 1979, pp. 114–139. Cf. aussi dodis.ch/52388.
53
Ordonnance du 9 mai 1979 réglant les tâches des départements, des groupements et des offices, RO, 1979, pp. 684–709.
54
Sur l'état des négociations sur l'EEE fin novembre 1990, cf. DDS 1990, doc. 56, dodis.ch/54945.
55
Cf. DDS 1990, doc. 46, dodis.ch/56282.
56
Sur la politique d’asile de la Suisse, cf. DDS 1990, doc. 8, dodis.ch/54934 et doc. 53, dodis.ch/56148.
57
Sur la question du rôle de l’Assemblée fédérale dans la politique étrangère de la Suisse, cf. DDS 1990, doc. 9, dodis.ch/56535, et doc. 11, dodis.ch/56530.
58
Sur le séminaire de la Commission des affaires étrangères du Conseil national à Bruxelles au sujet de l'EEE du 12 au 14 novembre 1990, cf. la compilation dodis.ch/C1829.
59
Cf. dodis.ch/55793 et dodis.ch/56850.
60
Cf. le PVCF No 1491 du 15 août 1990, dodis.ch/56108, ainsi que le mot-clé Questions concernant le personnel DPF/DFAE, dodis.ch/D1423. Cf. également la compilation thématique Concours diplomatique, dodis.ch/T1405.
61
L'ambassadeur Al-Dairi.
62
Cf. la compilation dodis.ch/C1682.
63
Nationalratspräsident Ulrich Bremi.
64
Zum Ende der Debatte im Nationalrat vom 13. Dezember 1990 über 90.022 Vorkommnisse im EMD. Parlamentarische Untersuchungskommisionen zur Frage der P-26 äusserte sich der Vorsteher des EMD, Bundesrat Kaspar Villiger folgendermassen: «Wir werden auch das EMD organisatorisch – das ist ein Element dessen, was uns bevorsteht – und personell den neuen politischen Bedürfnissen anpassen. Sicherheitspolitisch und innenpolitisch ist sehr viel mehr in Bewegung als früher. Die politische Substanz in diesem Departement muss verstärkt werden. Ich treffe aber meine Personalentscheide nicht in diesem Saal – Personalpolitik im EMD macht noch immer der Bundesrat, also weder das Parlament noch die Öffentlichkeit. Es ist richtig, dass gewisse meiner Mitarbeiter das Vertrauen ihrer Chefs missbraucht haben. Das kommt auch im Privatsektor vor, überall, aber genausowenig wie dort kann das beim Bund geduldet werden. Ich brauche Leute meines Vertrauens um mich herum, das ist völlig klar. Ich werde die nötigen Massnahmen treffen, um das sicherzustellen.» Vgl. Amtl. Bull. NR, 1990, V, S. 2338–2397, hier S. 2395.
65
Gemeint ist der Ringier-Verlag.
66
Saddam Hussein.
67
Klaus Jacobi. Pour la polémique, cf. note 42.
68
Botschafter Al-Dairi.
69
Nationalratspräsident Bremi.
70
D’après la cellule de crise, le message du Conseiller fédéral Felber est bien reçu par le parlement, cf. dodis.ch/57275.