dodis.ch/47450 Le Ministre de Suisse à Londres, W. Thurnheer, au Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna1

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que dans une lettre du 19 août2 adressée au Dr. Kessler le Secrétariat Général de la Nouvelle Société Helvétique m’avait fait part du projet de M. Wechsler3, directeur de la maison Praesens-Film A.G. à Zurich, de se rendre en Angleterre pour y étudier la possibilité d’importer des films suisses en Grande-Bretagne et d’exporter des films anglais en Suisse. De plus, M. Wechsler désirait prendre contact avec la colonie suisse, très anxieuse de voir projeter des films suisses dont elle a été presque entièrement privée depuis la guerre.

C’est avec un très grand intérêt que j’avais pris connaissance de cette suggestion, d’autant plus que cette question des films me préoccupait personnellement, et j’ai discuté de la chose longuement avec M. Ceresole, très au courant de ce sujet et qui n’a jamais épargné ses efforts pour essayer d’obtenir de l’Office Suisse du Tourisme des films documentaires ou de propagande qui auraient pu nous rendre les plus grands services.

Nous sommes tombés d’accord que, bien que la proposition d’envoyer ici quelqu’un qui puisse examiner sur place les possibilités de placer des films suisses sur le marché anglais soit intéressante en elle-même, il serait préférable d’envoyer à Londres une personne plus représentative de l’industrie suisse du cinéma que M. Wechsler4. D’ailleurs, pratiquement, l’envoi à Londres d’un tel représentant à l’heure actuelle ne se justifierait guère. En effet, et c’est la conclusion de l’étude de M. Ceresole, que je vous transmets en copie, les chances de vendre ici des films produits en Suisse sont presque nulles.

En revanche, il est exact qu’un effort tout particulier devrait être entrepris pour nous permettre de projeter, prêter, ou faire circuler des films documentaires dont le public anglais est très friand, et que nous pourrions employer à maintes occasions. Il est regrettable que les efforts entrepris dans ce sens par M. Ceresole auprès de l’Office Suisse du Tourisme n’aient pas abouti à de meilleurs résultats. Tout récemment, pour être exact, par lettre du 29 octobre, M. Ceresole est revenu à la charge auprès de cet Office, en demandant que le film documentaire sur l’activité de la Croix-Rouge Internationale lui soit envoyé. Un film de ce genre est exactement ce qu’il nous faudrait, et je tiens donc à appuyer tout spécialement cette demande, en vous priant de bien vouloir faire le nécessaire soit auprès de l’Office Suisse du Tourisme, soit auprès du Comité International de la Croix-Rouge, pour qu’il y soit donné suite sans délai5.

D’une manière générale, tout film documentaire récent sur la Suisse, que ce soit dans le domaine militaire, touristique ou des œuvres sociales, serait extrêmement utile ici, et je vous saurais gré de bien vouloir examiner peut-être d’entente avec la Nouvelle Société Helvétique, l’Office Suisse du Tourisme et la Section des Films du Département Militaire quelles seraient les bandes de 16 mm. qui pourraient m’être envoyées par le courrier. Une liste complète de ces films me rendrait également les plus grands services, et je vous serais reconnaissant si vous pouviez l’établir et m’en faire parvenir quelques exemplaires, car la liste que je possède n’est que fragmentaire.

En dehors de ces films purement documentaires, qui seraient pour nous dans les circonstances actuelles le meilleur moyen de propagande6, il y a la question des films destinés à la colonie suisse qui, tout naturellement, désirerait assister à la projection des films de 35 mm. récemment tournés en Suisse. Ici également il y aurait lieu de faire un choix en tenant compte des conditions locales et du goût de la colonie suisse. L’expérience faite lors de la projection du film «Landamann Stauffacher» qui a été une déception générale et n’a nullement répondu au succès escompté, prouve que les films les mieux faits pour la colonie sont ceux qui comprennent de nombreuses vues de notre pays, montagnes, lacs, etc. ou les films de caractère plus gai et plus actuel; les circonstances étant trop particulières pour que le public suisse ici puisse s’intéresser à des études historiques aussi spécialisées. La question de la langue joue aussi un rôle; le suisse allemand tel que parlé dans «Landamann Stauffâcher» étant à peine compréhensible à beaucoup de personnes ici.

Bien que les renseignements qui précèdent soient en partie destinés à votre information uniquement, je vous serais très obligé de bien vouloir prendre contact avec le Secrétariat de la Nouvelle Société Helvétique en lui faisant part de mes désirs et de mon souci tout particulier de me procurer des films vraiment intéressants, qui seraient certainement très appréciés ici7.

1
Lettre: E 2001 (D) 3/126. Le suppléant de P. Bonna, P. Feldscher, annote cette lettre, puis la transmet à C. Rezzonico le 17 novembre 1942.
2
Non retrouvée.
3
Feldscher a souligné les mots Secrétariat Général et Wechsler, puis a écrit dans la marge: comme M. Imhoof pouvait-il!?!!
4
Feldscher a souligné ces trois derniers mots et a écrit dans la marge: en effet!
5
Feldscher a souligné ce paragraphe dans la marge et y a écrit: Ni le Dép [artement]ni le CICR ne partagent cette manière de voir!
6
Feldscher a souligné ces cinq derniers mots et a écrit dans la marge: non! On ne fait pas de propagande avec la charité (on l’oublie l’évangile à Londres!).
7
Dans sa réponse du 20 novembre 1942 (rédigée par C. Rezzonico), la DAE écrit notamment: Nous devons relever, dès maintenant, que le Comité International de la Croix-Rouge - nous partageons d’ailleurs son point de vue - s’oppose à ce que son activité charitable serve à une propagande quelconque à l’étranger. Dans ces conditions, il sera difficile, pour ne pas dire impossible, de vous procurer des bandes illustrant l’activité de la Croix-Rouge. Pour ce qui est de l’envoi à Londres d’un représentant de l’industrie du film suisse, nous sommes heureux de constater que, comme nous, vous estimez que le moment serait mal choisi. D’ailleurs, il ne saurait, en tout état de cause, s’agir de M. Wechsler avec qui nous avons fait des expériences trop mauvaises (E 2001 (D) 3/126).