dodis.ch/46718 Le Chef du Département politique, G. Motta, au Ministre de Suisse à La Haye, A. de Pury1

C’est avec le plus vif intérêt que nous avions pris connaissance de la réponse que le Gouvernement néerlandais vous avait fait parvenir, le 9 septembre2au sujet des diverses questions que nous avait suggérées la préparation de la prochaine conférence diplomatique appelée à délibérer sur les conventions et projets de convention touchant à la Croix-Rouge.

Nous avions communiqué la note néerlandaise, à titre personnel, à M. Max Huber, Président du Comité international de la Croix-Rouge, en lui demandant de nous faire connaître son avis. Nous l’informions que nous ne ferions, quant à nous, aucune difficulté pour accepter les propositions qui nous étaient faites à La Haye. Elles nous paraissent logiques. Du moment que nous obtenons ce que nous voulions en ce qui concerne les conventions portant spécifiquement sur des questions de Croix-Rouge, nous aurions mauvaise grâce à ne pas faire des concessions correspondantes pour toutes les conventions touchant au droit de la guerre et de la neutralité.

Par lettres des 20 et 31 octobre3, dont vous trouverez copie sous ce pli pour votre information personnelle, M. Max Huber nous a fait savoir que le Comité international se féliciterait de voir intervenir entre Berne et La Haye un accord sur les bases proposées du côté néerlandais. Il ne formulait, comme vous le verrez, qu’une réserve en ce qui concerne le projet de convention sur les civils de nationalité ennemie. Non pas que le Comité voie le moindre inconvénient à ce que le Gouvernement néerlandais s’occupe de ce projet, mais la convention projetée paraît devoir répondre à des besoins si urgents qu’il attacherait le plus grand prix à ce que la conférence à convoquer par la Suisse s’en saisît également au cas où elle se réunirait avant la conférence que pourrait réunir le Gouvernement des Pays-Bas aux fins d’examiner la revision du droit de la guerre en général ou de certaines de ses parties. Ce ne serait donc qu’en raison des circonstances et à titre tout exceptionnel que, dans l’esprit du Comité international, nous ferions figurer la question des civils à l’ordre du jour de la conférence diplomatique qui se réunirait à Genève. Cela ne constituerait nullement un précédent pour l’avenir.

Le désir du Comité international nous paraît légitime, mais, si le Gouvernement des Pays-Bas ne croyait pas pouvoir y déférer, nous n’insisterions aucunement, l’essentiel pour nous étant d’aboutir à une démarcation nette entre les conventions à gérer par la Suisse et celles que géreraient les Pays-Bas.

La question présentait une importance telle que nous l’avons soumise au Conseil fédéral, après nous être assurés que le Département militaire partageait entièrement nos vues en la matière. Vous trouverez sous ce pli le texte de notre proposition au Conseil fédéral4; cela nous dispensera de longues explications.

Dans sa séance de ce jour5, le Conseil fédéral s’est rallié entièrement au point de vue des deux Départements. Il nous a chargé en conséquence de faire savoir au Gouvernement des Pays-Bas:

1° que le Conseil fédéral a été fort sensible à l’accueil que nos suggestions ont rencontré à La Haye;

2° que le Conseil fédéral est d’accord de limiter à l’avenir sa gérance aux conventions ayant trait spécifiquement à la Croix-Rouge et de laisser, en revanche, au Gouvernement des Pays-Bas le soin de s’occuper des conventions relevant du droit de la guerre et de la neutralité;

3° que, pour donner suite au désir du Comité international de la Croix-Rouge, le Conseil fédéral ne verrait pas d’objection, pour sa part, à faire figurer exceptionnellement à l’ordre du jour de la prochaine conférence diplomatique la question des civils de nationalité ennemie, mais qu’il s’en remettra entièrement sur ce point à l’avis du Gouvernement néerlandais.

Nous vous saurions gré de faire, en vous aidant de la documentation cijointe, une communication dans ce sens au Ministère des affaires étrangères.

Vous pourriez l’orienter à la même occasion sur nos intentions en ce qui concerne la prochaine conférence diplomatique: pas de convocation avant que la situation politique se soit plus clarifiée, mais communication, dans un avenir rapproché, de la documentation aux Gouvernements6.

Il y aurait lieu également de lui faire savoir que nous ne manquerons pas, suivant le désir qu’il a exprimé, de mentionner, dans la lettre de convocation aux gouvernements, l’accord intervenu avec le Gouvernement néerlandais quant à la Xe Convention de La Haye. Nous lui savons gré, d’autre part, de nous avoir spontanément offert son assistance technique. Nous ne manquerions pas d’y recourir si cela paraissait nécessaire.

Un mot encore sur un dernier point. Comme vous l’avez vu, le Ministère des affaires étrangères nous a fait part, dans sa note, du désir de son gouvernement de «reprendre au premier moment favorable le travail de La Haye et la revision des conventions sur le droit de la guerre de 1907 en général»; il a insisté tout spécialement sur «la possibilité de prendre une initiative pour arriver à une réglementation de la guerre aérienne». Vous pourriez lui faire connaître que nous avons enregistré avec satisfaction les informations qu’il a bien voulu nous fournir à cet égard. Il serait heureux, croyons-nous également, que l’œuvre de codification de La Haye fût remise sur le chantier et complétée notamment en ce qui concerne la guerre aérienne. Une réadaptation du droit de la guerre et de la neutralité serait hautement désirable. Nous ne nous dissimulons pas les difficultés de la tâche, mais nous sommes persuadé que le jour où le Gouvernement des Pays-Bas l’entreprendra, il saura la mener à chef. Il a l’autorité et l’expérience requises pour une œuvre de cette importance et de cette envergure.

Nous présumons que le Ministère vous fera parvenir, en réponse à votre communication, une dernière note constatant que l’accord entre les gouvernements est pleinement réalisé.

Pour ce qui est de la suggestion du Comité international de la Croix-Rouge, il nous intéressera de savoir ce qu’en pense le Gouvernement néerlandais7.

1
Lettre (Copie): E 2001 (D) 1/112. Paraphe: OT.
2
Cf. No 378.
3
Non retrouvées.
4
Cf. E 1001.1 EPD/l.7-31.12.1938.
5
Cf. E 1004.1/379, No 2027.
6
Selon les termes du procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 25 novembre 1938, la décision de ce dernier avait été la suivante à ce sujet: 2° de faire imprimer, d’entente avec le Comité international de la Croix-Rouge et sous réserve de la réponse du Gouvernement des Pays-Bas quant au projet de convention sur les civils, la documentation nécessaire pour la Conférence diplomatique qui sera chargée d’examiner les projets de revision ou de convention touchant à la Croix-Rouge; 3° de préparer, le moment venu, la circulaire à adresser par le Conseil fédéral aux gouvernements aux fins de leur remettre la documentation sur les objets à traiter par la Conférence diplomatique. (E 1004.1 1/379, No 2027).
7
La réponse du Gouvernement néerlandais n’apas été retrouvée. Pour le destin du projet de Conférence diplomatique pour la revision et la conclusion d’accords relatifs à la Croix-Rouge, cf. E 2001 (D) 1/122, E 2001 (D) 2/203 et DDS, vol. 13, doc. 99, dodis.ch/46856.