dodis.ch/46605 Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna, au Professeur W. Burckhardt1

Quoique très confus de venir, une fois de plus, troubler vos vacances de l’écho de mes soucis, je prends, à titre tout à fait personnel, la liberté de vous dire combien je suis inquiet des conséquences que pourraient avoir sur nos relations avec l’Allemagne les initiatives lancées par le parti socialiste pour interdire à Bâle les groupements politiques de la colonie allemande, au sujet de la constitutionnalité desquelles M. Le Président de la Confédération a si opportunément décidé de vous demander une consultation. Je ne me préoccupe pas seulement des représailles inévitables que la promulgation d’une loi bâloise aussi excessive ne manquerait pas d’avoir sur nos 40000 Suisses en Allemagne, à qui il n’est déjà pas très facile d’assurer des conditions d’existence supportables. Je redoute aussi les exagérations des politiciens et de la presse et l’excitation qu’une votation sur les initiatives dont il s’agit entraînera nécessairement, à Bâle et, par répercussion, dans d’autres cantons suisses. Ces exagérations et cette excitation sont évidemment ce que cherchent avant tout les auteurs de l’initiative, qui ont trouvé là un fort bon moyen d’empoisonner nos rapports avec l’Allemagne, dont le Gouvernement nous a donné, ces derniers mois, des preuves évidentes de bon vouloir, mais qui demeure fort ombrageux et sensible aux manifestations de notre opinion publique, qui ne lui est évidemment pas favorable.

S’il y avait un moyen légal de couper court à cette agitation, qui ne peut que nuire gravement à la tranquillité intérieure et à nos relations avec l’Allemagne, il me semble que le Conseil fédéral ferait bien de s’en servir promptement, car les récriminations qu’un acte d’autorité ferait naître s’apaiseraient plus facilement que les contre-coups d’ordre international au-devant desquels nous irions en laissant aller les choses. Malheureusement, le Département de Justice et Police, toujours fort scrupuleux et un peu négatif, ne croit pas qu’un tel moyen puisse être employé utilement.

C’est ce qui m’enhardit à vous exposer la situation telle que je la vois et à vous demander une fois de plus un bon conseil.

En m’excusant beaucoup de venir vous importuner alors que vous cherchez le calme et le repos, je vous prie de croire, cher Monsieur le Professeur, à mon respectueux attachement.

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Lettre (Copie): E 2001 (D) 2/32. Paraphe: OB.