dodis.ch/46482 Le Ministre de Suisse à La Haye, A. de Pury, au Chef du Département politique, G. Motta1

Il y a quelques jours M. Patijn a répondu à la lre Chambre des Etats Généraux à diverses questions qui lui ont été posées sur la politique extérieure du Gouvernement. Je ne relèverai ici que quelques points de son discours qui nous intéressent spécialement où il a précisé encore son opinion à l’égard de l’article 16 du Pacte de la S.d.N et de la neutralité.

Le Ministre a exprimé l’avis que, pour le moment, il vaudrait mieux ne pas toucher à cet article et le laisser tel qu’il est; du reste, a-t-il dit, les paroles prononcées à Genève, à la commission des 28, par le professeur Rutgers ne peuvent laisser subsister aucun doute sur ce qu’en pense le Gouvernement; moins on en discutera maintenant, mieux cela vaudra pour les relations internationales. Si, toutefois, cette question revenait sur le tapis, le Gouvernement insisterait pour que l’art. 16 fût interprété conformément aux vues exposées par M. Rutgers.

La conception hollandaise de la neutralité vous est connue par les rapports que je vous ai adressés au cours de l’année dernière. A réitérées fois M. de Graeff en avait parlé et il avait émis cette maxime, depuis bien souvent répétée, que les Pays-Bas ne se prêteront jamais à conclure avec un autre Etat un traité relatif à l’inviolabilité de leur territoire, parce que cette inviolabilité est un axiome intangible qui ne saurait être l’objet d’un accord. M. Patijn a repris ce thème, mais il l’a encore accentué. A un sénateur qui prétendait que la Hollande jouissait de moins d’autonomie qu’autrefois en ce qui concerne le passage de troupes à travers son territoire, M. Patijn a répliqué vivement que tel n’est pas le cas et que jamais les Pays-Bas, sous aucun prétexte, ne se sont laissés imposer l’obligation d’autoriser un passage de troupes. «Nous n’avons signé, a-t-il dit textuellement, aucun traité de neutralité. La Hollande n’a jamais été neutre en vertu d’une convention, comme la Belgique et la Suisse. J’ai une grande aversion pour le mot «neutralité»; «indépendance» est une expression plus juste. Nous sommes indépendants, mais pas neutres. Nous sommes libres de conclure une alliance d’un jour à l’autre avec qui nous voulons; ce à quoi nous aspirons, c’est à être indépendants.»

A la demande d’un de ses auditeurs il a précisé comme suit sa manière d’envisager la question du passage d’une armée étrangère: le Gouvernement se réserve de décider dans chaque cas, en tenant compte des circonstances du moment, s’il lui convient d’autoriser le passage de troupes à travers le territoire néerlandais. C’est aussi dans ces termes que s’est exprimé M. de Graeff, l’année dernière, devant les Etats Généraux. Depuis, la doctrine du Gouvernement n’a pas changé.

Dans son exposé, M. Patijn a reparlé des négociations restées sans résultats avec les Etats d’Oslo qui ont précédé l’envoi à Rome d’un nouveau Ministre muni de lettres de créance adressées au Roi-Empereur. Cette question n’a plus soulevé les mêmes objections et critiques qu’au mois de janvier et on peut considérer qu’elle n’en soulèvera plus.

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E 2300 Den Haag, Archiv-Nr. 7.