dodis.ch/46433 Le Ministre de Suisse à La Haye, A. de Pury, au Chef du Département politique, G. Motta1

Dans un rapport du 23 décembre2 je vous ai tenu au courant des efforts tentés par le Ministre des Affaires Etrangères auprès des Etats du groupe d’Oslo pour les engager à faire une démarche à Londres et à Paris, de concert avec les Pays-Bas, en vue de collaborer à la recherche d’une formule touchant la reconnaissance de l’annexion de l’Ethiopie, acceptable pour ces différents pays et pouvant satisfaire aussi l’Italie. Je vous ai écrit que cette tentative n’avait pas eu, jusqu’à présent, de succès et pourtant, d’après ce que je viens d’apprendre, M. Patijn n’a pas encore renoncé à son idée. Les deux Gouvernements socialistes norvégien et danois lui ont répondu, il est vrai, d’une façon négative - pour eux la question de la reconnaissance devrait être traitée par les Grandes Puissances ou à Genève la Suède ne s’est pas prononcée définitivement, car son Gouvernement voit très bien qu’économiquement il y aurait avantage à accepter la suggestion hollandaise. De son côté, la Finlande s’est réservée de se joindre à une démarche commune si cette démarche devait avoir lieu. Quant à la Belgique, son Ministre des Affaires Etrangères, M. Spaak, serait personnellement en faveur de la reconnaissance, sans doute aussi pour des raisons économiques, mais forcé de compter, lui aussi, avec le parti socialiste belge, il aurait déclaré que si la Belgique adhérait au projet Patijn, ce ne serait qu’à la condition que la Suède en fasse autant.

Pour le moment, en attendant de connaître la décision suédoise, M. Patijn et son collègue belge poursuivent un échange de correspondance dans lequel ils s’efforcent de trouver le moyen de mettre tout le monde d’accord. On doute qu’ils y arrivent.

Si ces pourparlers ne mènent à rien, que fera le Gouvernement néerlandais? Répondant ces jours-ci à des questions posées par un député socialiste sur ses démarches auprès du groupe d’Oslo, M. Patijn a dit, entre autres, «que l’occupation italienne en Abyssinie est un fait et qu’en reconnaissant ce fait on ne sacrifie rien au point de vue adopté par le Gouvernement hollandais dans la guerre d’Ethiopie; que la non-reconnaissance porte préjudice aux rapports avec l’Italie; qu’on doit admettre qu’un jour viendra où il faudra tout de même accepter le fait accompli; que le Gouvernement hollandais n’est pas d’avis qu’il faille attendre jusqu’à ce que les Grandes Puissances en aient donné l’exemple pour reconnaître un fait accompli».

Ces affirmations font comprendre que le Gouvernement se décidera sous peu à reconnaître de facto l’annexion de l’Abyssinie. Avant de s’y résoudre il veut sans doute attendre la fin des pourparlers avec le groupe d’Oslo. Ses intérêts économiques l’obligent à faire ce geste vis-à-vis de l’Italie et maintenant que l’opinion publique néerlandaise est suffisamment préparée par les discussions qui ont eu lieu dans la Presse, il n’a guère à craindre d’autre opposition que celle des socialistes qui l’interpelleront le 11 janvier à la Première Chambre.

Dans les derniers jours de l’année la Reine Wilhelmine a du reste envoyé un télégramme au Négus dans lequel elle lui fait savoir que devant tenir compte du fait de la conquête de l’Abyssinie que les mesures prises par la S.d.N. n’ont pas pu empêcher, son Gouvernement s’est adressé à ceux d’autres Etats en vue de se concerter avec eux sur la régularisation de leurs relations avec l’Italie, mais que la Hollande n’a pas l’intention de procéder à une reconnaissance de jure.

1
E 2300 Den Haag, Archiv-Nr. 7.
2
Non reproduit, cf. E 2300Den Haag, Archiv-Nr. 6.