Cher Monsieur Oeri,
Il était dans mes intentions, il y a quelques jours déjà, de vous renseigner sur ce que nous avons fait au sujet du statut des journalistes «accrédités auprès de la Société», mais j’avais dû surseoir à mon projet en raison d’une foule d’occupations qui m’ont pris tout mon temps. Nous avons, en effet, répondu à la requête2 de l’Association et je tenais à vous en communiquer le texte3 pour votre information personnelle.
Vous le trouverez sous ce pli.
J’espère, pour ma part, que la réponse de M. Motta pourra donner satisfaction à votre Association. L’esprit dont est animé son nouveau Comité m’incline à penser que, si nous n’avons pu déférer à tous les désirs qui nous ont été exprimés, il comprendra la position des Autorités fédérales. Il est certains droits inhérents à la souveraineté de l’Etat qu’il est impossible de sacrifier.
C’est ainsi que les Départements intéressés ne sauraient admettre, en aucun cas, la théorie du «droit de passage». Un étranger ne peut venir sur territoire suisse qu’avec l’autorisation tacite ou expresse des Autorités suisses. Le fait du siège de la Société des Nations à Genève ne saurait rien changer à cette situation qui correspond à la pratique internationale comme aux principes les mieux établis du droit des gens. J’espère que l’on n’insistera pas sur ce point; ce serait, je dois le dire, en pure perte.
Quant à l’obligation que nous aurions dû assumer de saisir, avant toute mesure contre un journaliste, l’Association et le Secrétariat, elle a paru également inacceptable. Les Autorités genevoises n’auraient d’ailleurs jamais consenti à se lier de cette manière. Mais, comme M. Motta l’expose dans sa lettre, ce qu’on nous demande, est, en somme, d’un ordre bien théorique, parce qu’on ne voit pas dans quels cas un journaliste qui serait en difficultés avec les Autorités fédérales ou cantonales n’aurait pas la possibilité de solliciter l’intervention de l’Association. La vérité est qu’il aura toujours cette faculté. On n’expulse pas un journaliste - même s’il a manqué gravement à ses devoirs - en dix minutes! S’il n’en usait pas, l’Association serait fondée à se désintéresser de son cas, son rôle n’étant quand même pas d’intervenir en faveur de ses membres contre leur volonté expresse.
Nous pensons que l’Association se rendra à ces raisons et comprendra que les Autorités fédérales ne puissent aller plus loin dans la voie des concessions. Avec un peu de bonne volonté, il sera possible de mettre fin à l’ère de difficultés et de méfiance que nous avons vécue ces dernières années. Ce serait dans l’intérêt de tout le monde et notamment de l’Association des journalistes4. C’est sans doute aussi votre avis.
P.S. J’ai beaucoup regretté de n’avoir pu assister à votre conférence sur les travaux de la dernière Assemblée. Je me trouvais, ce jour-là, à Genève dans un Comité d’experts du Comité international de la Croix-Rouge.