dodis.ch/46355 Le Président de la Confédération, G. Motta, au Chef du Département de Justice et Police, J. Baumann1

Nous avons l’honneur de vous communiquer sous ce pli la copie d’une lettre2 par laquelle le Secrétariat de la Société des Nations nous transmet l’invitation à participer à la Conférence diplomatique qui se réunira le 1er novembre, pour examiner les deux projets de convention établis par le Comité d’experts pour la répression internationale du terrorisme.

La suite à donner à cette invitation ne laissera pas de nous causer quelque perplexité. Pour les raisons que vous savez, nous serions plutôt d’avis, quant à nous, de ne pas assumer d’engagements en matière de répression du terrorisme. L’existence d’un véritable terrorisme européen nous paraît extrêmement problématique et nous nous demandons si, dans ces conditions, la conclusion d’une convention est vraiment opportune. D’un autre côté, il y aurait peut-être intérêt à ne pas nous absenter, pour des raisons politiques, d’une conférence à laquelle la Petite Entente et, singulièrement, la Yougoslavie ont l’air d’attacher un prix tout particulier. Elles en ont fait, dirait-on, une question de prestige. Mais une participation de notre part n’impliquerait pas l’obligation pour nous de signer la convention sur le terrorisme. En ce cas, notre délégué devrait plutôt se comporter comme un observateur, car, si nous étions bien décidés à ne pas signer la convention, nous ne devrions rien faire qui pût gêner la négociation des autres Etats sur telle ou telle question de principe. Or si nous avions plus besoin d’un observateur que d’un délégué, nous nous demandons s’il conviendrait vraiment d’envoyer à la conférence M. le professeur Delaquis. Comme expert ayant participé aux travaux du Comité, M. Delaquis ne pourrait guère se confiner dans un mutisme absolu. Sa situation serait délicate et, somme toute, peu enviable, surtout vis-à-vis de ses collègues du Comité. Il devrait forcément appuyer ou combattre les propositions des experts. S’il les appuie, il nous engage, s’il les combat, il entrave la conclusion d’une convention à laquelle il y a peu de chances que nous adhérions. Le dilemme est patent.

Nous ne disons rien du projet de convention pour la création d’une cour pénale internationale, qui, pour nous, est certainement inacceptable.

La situation que nous esquissons ci-dessus serait évidemment différente si, après nouvel examen, votre Département estimait que la Suisse aurait intérêt à participer à la convention sur le terrorisme. En ce cas, le choix de M. Delaquis paraîtrait s’imposer, et il n’y aurait plus qu’à arrêter les instructions de notre délégué.

Au cas où, cependant, vous seriez toujours d’avis d’observer la plus grande réserve à cet égard, nous vous suggérerions de ne pas répondre au Secrétariat avant de connaître les pays qui auront manifesté l’intention de participer à la conférence. Si la presque totalité des Etats membres de la Société des Nations participait à la conférence, nous pourrions difficilement demeurer à l’écart. Encore aurions-nous alors à examiner très sérieusement quel devrait en ce cas être le rôle de notre délégué.

Nous ne nous prononçons pas sur le projet révisé établi par le Comité d’experts dans sa seconde session. Il serait délicat de le faire avant de connaître les vues de l’expert suisse au Comité. Nous nous étions enquis, par lettre du 17 juin3, si M. Delaquis a présenté un rapport sur son activité à Genève. Le Ministère public ne nous a pas encore répondu.

Nous vous saurions gré de nous faire connaître votre opinion au sujet de cette importante affaire et vous présentons, Monsieur le Conseiller fédéral, l’assurance de notre haute considération4.

1
Lettre (Copie): E 2001 (D) 4/21. Paraphe: MC.
2
Non reproduite.
3
Non reproduite.
4
Pour la décision du Conseil fédéral, cf. E 1004.1 1/366, No 1665.