dodis.ch/46253  Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna, au Directeur de la Division du commerce du Département de l’économie publique, J. Hotz1

Confidentiel

Nous avons eu l’honneur de recevoir vos lettres des 24 novembre et 7 décembre2 au sujet des relations commerciales entre la Suisse et le Mandchoukouo et nous vous en remercions vivement.

La question que vous avez bien voulu aborder nous préoccupe depuis longtemps. Il n’est pas contestable que la résolution du 24 février 19333 par laquelle les États membres de la Société des Nations se sont engagés à ne pas reconnaître le nouvel État mandchou n’a pas eu les résultats que l’on en escomptait. Loin de gêner le Japon, à qui elle a laissé les mains entièrement libres, en Mandchourie, cette mesure n’a d’inconvénients que pour les États qui observent l’engagement pris, inconvénients qui deviennent d’autant plus graves que l’Allemagne et l’Italie viennent de s’en dispenser.

On pourrait sans doute soutenir que l’engagement pris en 1933 n’a de valeur que s’il est observé par tous les États membres de la Société des Nations et que, s’il est rompu par l’un d’eux, il cesse de lier les autres. Il ne faut pas se dissimuler, cependant, que l’État qui prendra l’initiative de faire ce raisonnement verra son attitude critiquée, même si elle est imitée par d’autres, et l’on doit se demander si cette initiative peut être prise sans inconvénients par la Suisse, à qui l’on reproche déjà, dans certains milieux, tant en Suisse même qu’à l’étranger, la réserve dont elle a fait preuve dans l’application des sanctions contre l’Italie4.

Dans le conflit italo-éthiopien, notre politique a été dictée par des considérations d’une importance vitale. Il n’en est certainement pas de même en ce qui concerne le Mandchoukouo. Aussi nous paraît-il préférable d’attendre qu’un autre État ayant des intérêts plus considérables que les nôtres dans le Pacifique se prévale de l’exemple italien pour établir des relations normales avec le Gouvernement de Moukden. Nous avons des raisons de croire que la Belgique, par exemple, étudie sérieusement la question et nous espérons vivement lui voir prendre les devants.

1
Lettre (copie) CH-BAR#E2001D#1000/1551#833*(B.15.21.1), DDS, vol. 11, doc. 332, dodis.ch/46253.
2
Cf. doss. come note 1.
3
Cf. DDS, vol. 10, doc. 278, dodis.ch/45820, en particulier note 3.
4
Cf. DDS, vol. 10, table méthodique: 1.4: Société des Nations, conflit italo-éthiopien, sanctions; venue Négus en Suisse; manifestation de journalistes italiens à la SdN; reconnaissance de l’Éthiopie italienne.