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Il s’accomplit... en ce moment, au sein du parti communiste, une évolution apparente, en même temps qu’un intense travail d’adaptation et d’assimilation. Ayant rejeté le trotzkysme, il s’en tient, pour l’instant, essentiellement à la tactique de Lénine. Au stalinisme, il a emprunté ses manifestations extérieures, ses cortèges, ses défilés, qu’il a su imposer au Front populaire. On a pu le constater au moment des fêtes du 14 juillet, lors de ces défilés massifs sous le signe d’emblèmes divers (drapeaux rouges, tricolores ou fanions des corporations de métiers) devant la Colonne de Juillet enrubannée des pavois de toutes les provinces de France et décorée de pancartes gigantesques où s’inscrivaient les portraits de Lénine, de Staline, Robespierre, Marat, encadrant celles de Barbusse et de Victor Hugo. A la Révolution française de 1889 [sic], on a emprunté une certaine mise en scène. Ce sont, par exemple, ces cortèges de femmes coiffées du bonnet phrygien, ces vastes manifestations théâtrales pour commémorer le souvenir de Robespierre et de Marat.
D’autre part, dans son programme, le parti communiste se fait maintenant, comme je l’ai dit, le champion, non seulement de l’ouvrier, mais également celui du petit commerçant, des artisans, de la petite propriété, du foyer et de la famille! M. Marcel Gitton, Secrétaire du parti, dans son rapport présenté à la Conférence nationale du P.C.F.3, souligne que le communiste n’est pas seulement l’homme du parti, mais qu’il est aussi l’homme du foyer familial. «Défendre la famille», dit-il, «c’est sauver la nation dont nous voulons réaliser l’union». Enfin, le communiste se fait, depuis quelque temps, on l’a vu, le défenseur de l’armée républicaine et, en outre, le promoteur d’une culture nationale! Dans le même rapport que je viens de citer, M. Giton déclare: «Il serait faux de croire que l’éducation communiste doit être strictement circonscrite à la doctrine marxiste. Les communistes qui combattent pour l’essor de la culture doivent apprendre l’histoire du pays, s’intéresser à la littérature et connaître les coutumes du peuple français. Chacun devrait posséder dans sa bibliothèque, à côté des ouvrages de Karl Marx, de Engels, de Lénine, de Staline, de Jules Guesde, de Jaurès, les œuvres de Diderot, de Voltaire, de Balzac, de Victor Hugo, de Zola, de Musset et d’AnatoleFrance».
Comme je l’ai signalé plus haut, «L’Humanité»4 ne manque pas, à l’occasion, de désavouer le communisme pur; les exemples abondent, en voici un: on pouvait lire récemment dans ce journal un entrefilet intitulé: «pas de nivellement par en bas» et ainsi conçu: «Certains journaux ont annoncé que la représentation du Quatorze Juillet), de Romain Rolland, est organisée de telle manière que des artistes professionnels du plus grand talent toucheront le même cachet que des artistes amateurs participant à la représentation. Nous ne savons pas si cette information est exacte, mais ce que nous savons, c’est qu’un tel nivellement serait en opposition formelle avec le but que poursuit le parti communiste. Nous pensons, en effet, que l’effort et le talent méritent récompense, et ceux qui ont qualifié cette innovation de ‹communiste› feraient mieux de dire qu’il s’agit là de tout le contraire du communisme».
Comme je l’ai signalé plus haut, «L’Humanité»5 ne manque pas, à l’occasion, de désavouer le communisme pur; les exemples abondent, en voici un: on pouvait lire récemment dans ce journal un entrefilet intitulé: «pas de nivellement par en bas» et ainsi conçu: «Certains journaux ont annoncé que la représentation du Quatorze Juillet), de Romain Rolland, est organisée de telle manière que des artistes professionnels du plus grand talent toucheront le même cachet que des artistes amateurs participant à la représentation. Nous ne savons pas si cette information est exacte, mais ce que nous savons, c’est qu’un tel nivellement serait en opposition formelle avec le but que poursuit le parti communiste. Nous pensons, en effet, que l’effort et le talent méritent récompense, et ceux qui ont qualifié cette innovation de ‹communiste› feraient mieux de dire qu’il s’agit là de tout le contraire du communisme».
Ainsi se précise et évolue le programme officiel du parti. On y découvre une volonté très ferme de s’adapter à la psychologie du Français moyen, de s’infiltrer, en épousant certaines formules radicales et socialistes, le plus avant possible dans les rangs de ces partis en leur faisant, au besoin, des concessions et en pactisant avec eux. Politique infiniment habile, qui, manœuvrant en dehors de la procédure parlementaire, vise, comme le dit Lucain dans «Paris-Midi»6 de ce jour, à consolider ce «second pouvoir», à organiser cette puissance vaste et confuse, qu’on s’emploie sans relâche à discipliner, à orienter vers des buts simplistes et ardents, qui représente de plus en plus le pouvoir nouveau avec lequel, déjà, le Parlement et le pays doivent compter. L’on ne saurait, dans cet ordre d’idées, sous-estimer l’indéniable dynamisme du P.C., qui tend à neutraliser certaines dissensions et à parachever la soudure complète du «Front populaire» en cultivant et en exaltant par des moyens qui lui sont propres, une mystique populaire qui s’affirme de jour en jour. Un effort considérable dans ce sens a été accompli au cours des fêtes du 14 juillet, durant lesquelles on vit, dans l’après-midi, la Capitale comme scindée en deux régions distinctes: d’une part, les quartiers du centre et de l’ouest, presque déserts, occupés par des forces imposantes de la police et de la garde mobile, d’autre part, les quartiers à l’est, de la Nation, de la République et de la Bastille, envahis par une foule délirante, chamarrée de rouge et de tricolore, défilant devant les membres du Gouvernement et se réjouissant jusque tard dans la nuit aux sons répétés de la Carmagnole, de l’Internationale et de la Marseillaise.
Cette image, plus que tout autre, est symbolique de la révolution en train de s’accomplir.