dodis.ch/46034 Le Ministre de Suisse à Rome, G. Wagnière, au Directeur de la Division du Commerce du Département de l'Economie publique, W. Stucki1

Par votre lettre du 26 mars2, vous avez bien voulu nous demander de vous faire connaître notre point de vue au sujet de l’opportunité de la conclusion éventuelle d’un accord pour les paiements avec l’Italie, accord qui pourrait être en quelque sorte conçu sur le modèle de l’accord italo-britannique3.

Nous avons examiné ce problème aussi attentivement que possible et sommers arrivés aux conclusions suivantes:

1) La politique actuelle des contingentements en Italie4 est essentiellement la suite de la situation financière très peu favorable du pays. Nous nous trouvons donc en présence de mesures financières plutôt qu’en présence de mesures économiques proprement dites.

2) Nous savons que les maisons qui s’adressent à des banques italiennes pour recevoir les devises nécessaires au paiement d’importations provenant de Suisse rencontrent depuis quelque temps des difficultés considérables. Les documents et preuves qu’elles sont appelées à produire à l’appui de leurs requêtes, les tracasseries que ces formalités représentent ne sont pas sans nous préoccuper. En outre, la lenteur toujours croissante avec laquelle les devises sont finalement cédées, place souvent les intéressés dans un sérieux embarras.

3) Nous vous avons fait connaître dans un rapport que nous vous avons adressé hier5 le point de vue français sur la valeur d’un accord de clearing ou d’un accord de paiements avec l’Italie. Vous êtes également au courant de ce que pense la délégation belge actuellement à Rome6 et, enfin, nous vous avons transmis le texte de l’accord italo-britannique et les circulaires y relatives de r«Associazione Tecnica Bancaria Italiana».

Que la France éprouve des hésitations à conclure un accord même sur le type de l’accord italo-britannique, nous le comprenons, car avec sa balance active à l’égard de l’Italie, elle n’aurait pas grand chose à gagner d’un arrangement de ce genre.

Quant à la Grande-Bretagne, la délégation présidée par Sir Frederick Leith-Ross est arrivée à Rome aujourd’hui et elle commencera ses négociations demain. Nous comptons bien voir Sir Frederick avant son retour à Londres. En attendant, cependant, nous avons appris ce qui suit à l’Ambassade de Grande-Bretagne ce matin:

L’accord de paiements italo-britannique est un «gentlemen’s agreement». Il a été conclu rapidement pour permettre aux importations britanniques de retrouver sans retard le chemin de l’Italie. Depuis son entrée en vigueur, l’Ambassade de Grande-Bretagne n’a été saisie d’aucune réclamation concernant les devises. Cependant, la délégation britannique examinera la question de savoir s’il n’y aurait pas lieu de transformer l’accord sur les paiements en un véritable accord de clearing, car l’arrangement provisoire dont il est question plus haut ne la satisfait pas entièrement vu que la Grande-Bretagne n’a aucun contôle sur son application. Le Gouvernement italien s’est seulement engagé à vouer aux paiements de produits importés de la Grande-Bretagne et de l’Irlandedu Nord les sommes versées à la Banque d’Italie par les importateurs de produits britanniques. En outre, la délégation anglaise, loin de chercher à obtenir des contingents plus élevés que ceux à raison du 80% de 1934 qui ont été accordés à la Grande-Bretagne, est, au contraire, disposée à accepter certaines coupures qui permettront de porter le volume des exportations anglaises au niveau des devises disponibles pour leurs paiements. La Grande-Bretagne veut ainsi éviter la création de crédits congelés en Italie.

Ici aussi, la situation de l’Angleterre est différente de la nôtre. Nous avons une balance commerciale passive, tandis que celle de la Grande-Bretagne est active.

Dans ces circonstances, et vu ce que je viens de vous exposer, nous nous demandons s’il n’y aurait pas lieu d’envisager la possibilité de la conclusion d’un accord financier avec l’Italie. Nous disons financier, car nous ne savons pas quelle forme vous choisirez: clearing, accord analogue à l’accord italo-britannique, ou accord du genre de ce dernier avec certaines modifications qui nous permettraient de contrôler son fonctionnement. Personnellement, nous serions enclins à donner notre préférence à cette troisième possibilité7. [...]

1
Lettre: E 7110 1/90.
2
Non retrouvé.
3
Conclu le 18 mars 1935; prévoyant la possibilité, pour la Grande-Bretagne, d'exporter en Italie sur la base du 80% des exportations de 1934.
4
Cf. no 100.
5
Non reproduit.
6
Cf. lettre de Wagnière à W. Stucki, du 1er avril, non reproduite.
7
Le 8 avril, W. Stucki répond en ces termes au ministre Wagnière: Wir teilen Ihre Auffassung, dass wir nicht um den Abschluss eines Zahlungsabkommens herumkommen werden und haben Sie daher heute abend telephonisch ersucht, der italienischen Regierung den Abschluss eines umfassenden Clearingabkommens vorzuschlagen. Wir bitten Sie, uns umgehend zu berichten, wie sich die italienische Regierung zu diesem Vorschläge stellt und wann die Verhandlungen über den Abschluss eines solchen Abkommens aufgenommen werden könnten.