dodis.ch/45012 Le Ministre de Suisse à Bruxelles, F. Barbey, au Département politique1

Comme je vous l’annonçais, dans mon rapport du 14 novembre dernier2, M. Hymans a jugé opportun de revoir la question du traité d’arbitrage avec la Suisse3 et d’apporter au projet déjà proposé des modifications dans un sens plus libéral.

J’avoue que les conversations que nous avons eues, tant avec le Ministre qu’avec le Chef de Section juridique du Ministère, nous avaient laissé espérer des concessions plus grandes à l’esprit de la dernière session de la Société des Nations. Je crois toutefois que cet esprit n’a pas encore pénétré dans certains bureaux du Ministère et j’attribue à leur influence le fait que la réponse officielle et le contreprojet, qui viennent de me parvenir et que vous trouverez ci-joints, bien que plus avancés que le premier projet, ne vont pas aussi loin que je l’aurais espéré.

L’application de l’arbitrage est beaucoup plus large dans le projet ci-joint4 que dans les premières propositions belges, mais elle se limite encore aux questions concernant l’interprétation ou l’exécution de conventions ou relatives à un point de droit international universellement admis.

Pour les autres différends, on laisse tomber la clause de l’honneur, de l’indépendance et de la souveraineté, mais on laisse une porte ouverte pour échapper à l’arbitrage, en exigeant que les deux Parties s’accordent pour l’élaboration d’un compromis, sans possibilité de passer outre au refus que pourrait opposer une des Parties à se prêter à cette élaboration.

Au Ministère on a attiré franchement notre attention sur cette dernière réserve qui constitue, je crois, une concession aux résistances dont je vous ai parlé.

Le directeur de la section juridique s’empressait d’ajouter qu’il avait revu tous les dossiers concernant les différends qui avaient surgi entre nos deux pays, qui ne sont pas limitrophes, depuis 1830 jusqu’à présent et qu’il avait constaté qu’il n’y avait eu que des affaires d’ordre juridique, de sorte que, disait-il, le traité, tel que la Belgique le propose, devrait suffire amplement au besoin pratique.

Ce reste de résistance qu’on constate est dû, on nous l’a dit franchement, à la crainte de créer un précédent. Dans l’esprit du Gouvernement belge, le traité tel qu’il nous est proposé, devrait être réservé aux pays dont on n’a pas à craindre des chicanes; il en serait autrement, nous disait notre informateur, pour d’autres pays dont l’amitié et moins sûre.5

1
Lettre: E 2001 (C) 7/2.
2
Non reproduit.
3
Cf. no 308.
4
Non reproduit.
5
Pour la suite de cette négociation, cf DDS 9 nos 10, 122, 127, 164, 178, 225.