dodis.ch/44976 Le Département politique au Président de la Commission Commerciale Suisse au Caire, E. Trembley1

Nous avons pris connaissance avec le plus vif intérêt du contenu de votre lettre du 27 mars2, ainsi que de celles des 28 février3, 64 et 22 mars5, qui nous ont été transmises par notre Légation à Londres.

Il nous a été particulièrement agréable d’apprendre que l’incident des fonctionnaires suisses au service du Gouvernement égyptien a été réglé à notre satisfaction et nous tenons à vous exprimer, ainsi qu’à tous les membres de la Commission Commerciale, nos remerciements de la peine qu’elle a bien voulu se donner en cette occurrence.

Quant à la question de notre représentation en Egypte, nous venons de recevoir la réponse6 du Ministre égyptien des Affaires étrangères à notre note du 6 février.7 Wacyf Pacha Ghali pense qu’il conviendra d’en faire en temps voulu l’objet d’un examen spécial en vue d’arriver à un accord entre les deux Gouvernement et il assure le Conseil fédéral que, dans la discussion de cette question, son Gouvernement sera animé de l’esprit le plus large.

Quoique ces termes soient plutôt vagues, nous inclinons à y voir un témoignage de bonne volonté qui nous donne de l’espoir. Il nous paraît compréhensible que le Ministre des Affaires étrangères ait préféré ne pas s’engager officiellement avant de connaître exactement nos intentions et nos désirs et les conversations que vous avez eues avec lui confirment l’impression que nous retirons de la lecture de cette réponse.

Dans ces circonstances et vu le désir exprimé par Wacyf Pacha Ghali de poursuivre ses entretiens avec vous à ce sujet, nous croyons devoir choisir de préférence la voie qui s’offre ainsi tout naturellement et nous vous prions par conséquent de faire savoir au Ministre, à titre officieux, que:

La Suisse désire, ainsi qu’il a été formulé dans la note du 6 février, resserrer les liens entre les deux pays, établir des relations directes avec le Gouvernement égyptien et créer à cet effet une représentation consulaire en Egypte. Le Département politique a été heureux d’apprendre que le Gouvernement égyptien donnait d’avance à cette création son entier agrément. Toutefois nous sommes obligés, vu la situation juridique des étrangers en Egypte, qui n’a pas subi de modification, du moins pour le moment, à vouer une attention particulière aux conditions auxquelles l’établissement de notre représentation s’effectuerait.

Il est entendu, est nous tenons à souligner, qu’il ne s’agit pas d’exiger pour nos compatriotes établis en Egypte des privilèges particuliers, mais il est évident que les Suisses, en passant sous la protection de leur propre consul, doivent pouvoir continuer à bénéficier du traitement dont ils jouissent actuellement comme protégés français ou américains, tant que le régime des capitulations se maintient en Egypte: sinon la création d’une représentation suisse dans ce pays, dont nous n’attendons que du bien pour nos compatriotes, aurait pour effet de détériorer la situation qui leur est faite. Il y a lieu de faire ressortir également que le nombre de nos citoyens établis en Egypte dépasse 600 et que par conséquent nous sommes obligés d’attacher à la question de leur situation juridique plus d’importance que ne le font peut-être quelques autres pays dont les ressortissants en Egypte sont incomparablement moins nombreux.

Par contre, nous sommes prêts à déclarer formellement que l’agrément donné à l’établissement d’un Consulat de Suisse, avec les pouvoirs de juridiction, ne conférera nullement à la Suisse la qualité de Puissance capitulaire, et que, par conséquent, celle-ci n’entend avoir, de ce fait, voix au chapitre pour rien de ce qui concerne le régime des capitulations, qu’il s’agisse de questions d’organisation judiciaire ou de modifications à apporter au régime juridiq ue applicable aux étrangers en Egypte.

Dans ces circonstances, nous serions fort heureux si le Gouvernement égyptien pouvait consentir à accorder au représentant suisse le pouvoir de juridiction consulaire pour:

les contestations en matière civile et commerciale (non compris les actions réelles immobilières réservées aux tribunaux mixtes) entre Suisses,

les questions de statut personnel,

les actions pénales autres que celles réservées aux tribunaux mixtes.

Nos compatriotes en Egypte continueraient à être justiciables des tribunaux mixtes pour les actions réelles immobilières,

les contestations en matière civile et commerciale en dehors du statut personnel entre indigènes et Suisses et entre Suisses et étrangers,

les quelques actions pénales réservées à ces tribunaux.

Il serait en outre fort désirable que le Gouvernement égyptien voulût bien nous assurer d’avance, à titre de réciprocité, de la clause de la nation la plus favorisée.

Nous ajoutons pour votre orientation que nous ne croyons pas devoir revenir sur nos démarches antérieures. La situation politique en Egypte a changé et nous avons à traiter maintenant avec le Gouvernement égyptien, qui lui – nous l’espérons – ne manquera pas de reconnaître la justesse de nos revendications. Nous n’ignorons pas que certains pays avaient déjà renoncé au régime capitulaire et en particulier à la juridiction consulaire, mais cela en faveur de la Grande-Bretagne. Au surplus, ces arrangements ont été contractés en 1920 et 1921, donc sur la base du protectorat britannique, et par des Etats qui, sauf la Grèce, ont à sauvegarder en Egypte des intérêts moins importants que les nôtres: ils ne sauraient, pour ces deux raisons, être invoqués comme précédents.

Nous venons de vous indiquer dans ses grandes lignes notre manière de voir et les conditions auxquelles nous serions disposés à réaliser enfin notre projet en Egypte: il ne nous reste plus qu’à vous prier de bien vouloir, ainsi que nous l’avons dit plus haut, faire connaître à Wacyf Pacha Ghali, à titre tout à fait officieux, notre but. Il serait peut-être prudent de votre part de ne pas entrer dans des discussions de détail, avant que l’avis du Gouvernement égyptien et ses intentions à l’égard de nos propositions aient été portés à notre connaissance, et que nous ayons pu, sur la base de cette réponse, vous donner, le cas échéant, de nouvelles instructions. 11 est d’ailleurs entendu que pour le règlement définitif des conditions, nous devons nous réserver l’approbation du Conseil fédéral.

1
Lettre (Copie): E 2001 (C) 1/19.
2
Non retrouvée.
3
Dans une seconde lettre datée du même jour et adressée à Paravicini, Trembley exposait son point de vue: [...] Ce que je demande essentiellement, et ce que, si ma proposition vous paraît convenable, je vous prie instamment d’appuyer, c’est que l’assurance me soit donnée que mes efforts seront compris et soutenus par l’autorité fédérale et que je travaillerai en plein accord avec elle. Dans tout ce qui a été fait ici, jusqu’à maintenant, en faveur de notre représentation diplomatique, le malheur a été que trop de personnes s’en sont mêlées, à titre individuel, sans contact avec le Conseil fédéral et souvent aussi avec trop peu de connaissances des besoins des colonies suisses d’Egypte. Il en est résulté des actions non coordonnées et souvent contradictoires. Il semblerait peut-être normal que la mission que je demande soit accordée à l’un de nos juges suisses des tribunaux mixtes. Une objection pourrait être qu’ils ne se trouvent peut-être pas dans une situation suffisamment indépendante vis-à-vis du Gouvernement égyptien, et aussi qu’ils se tiennent malheureusement trop éloignés de nos colonies et connaissent mal leurs besoins. Mais il y en a une autre, beaucoup plus forte: l’extraordinaire et violente rivalité qui les sépare et fait que toute action entamée par l’un d’eux, sera, quelle qu’elle soit, immédiatement contrecarrée par l’autre. C’est un fait regrettable, d’autant plus regrettable que tous deux sont des hommes d’une valeur considérable, mais qui malheureusement existe. (E 2200 Londres 37/1).
4
Non reproduite.
5
Cf. no 331, note 1.
6
Non retrouvée.
7
Cf. no 317.