Nous avons l’honneur de vous faire connaître que nous avons reçu de la Légation de Suisse en France2 et du Consulat de Suisse à Besançon des rapports concernant, d’une part, le mouvement d’émigration des Suisses en France et, d’autre part, le mouvement inverse de retour au pays des Suisses qui travaillaient en France. Ce double mouvement paraît être principalement dû à la situation économique dans les deux pays. Il a, pour nos représentants à l’étranger comme pour nos compatriotes, des conséquences défavorables.
Tout d’abord, la Légation est harcelée de demandes de secours des Suisses sans ressources qui désirent rentrer au pays. Il s’agit là aussi bien de Suisses qui étaient établis en France et sont en proie au chômage dans ce pays que de chômeurs suisses qui sont venus chercher du travail en France et n’en ont pas trouvé. La Légation n’a pas de crédits pour assurer le rapatriement, les sociétés suisses de bienfaisance, en particulier à Paris, sont hors d’état de faire face à ces nouvelles charges et, quant au remboursement des frais de rapatriement par les Communes, tel qu’il est prévu par l’article78, alinéa 2 du Règlement consulaire, la Légation se plaint expressément de ce que les Communes évitent soigneusement de répondre aux réclamations qu’elle leur adresse à ce propos.
Quant au mouvement de Suisse en France, il semblerait qu’un nombre très considérable de nos compatriotes passent la frontière, surtout aux Verrières. La plupart d’entre eux semblent n’avoir pas de papiers en ordre et, lorsque tel est la cas, il y a tout lieu de croire que, du côté français, on leur propose l’alternative entre les mesures de police et l’engagement à la légion étrangère. Lorsque ces hommes sont reconnus inaptes au service, on les dirige sur le Consulat de Suisse à Besançon, où il arrive en moyenne un individu par jour, sans ressources, et qui demande à être rapatrié.
La situation est ainsi peu favorable et à mesure que la crise économique s’aggrave, il y a lieu de s’attendre à ce que ce mouvement gagne en importance. Il est vrai qu’il semblerait qu’une disposition récente du Gouvernement français prévoie le refoulement de toute personne étrangère qui a passé la frontière sans papiers réguliers. Cette disposition paraît bien être appliquée, mais surtout à l’égard des hommes inaptes au service militaire.3
Dans ces conditions, et conformément à la suggestion qui nous est adressée par la Légation de Paris, nous croyons devoir vous demander si vous n’estimez pas qu’il y aurait lieu de prendre des mesures spéciales pour remédier à cet état de choses. En particulier, il nous semble qu’il serait opportun d’adresser aux Cantons une circulaire pour attirer leur attention sur l’utilité de faire connaître à ceux de nos compatriotes qui demandent des passeports pour la France les difficultés qui les attendent. D’autre part, serait-il peut-être indiqué de faire des publications analogues dans les postes-frontière?
Vous nous obligeriez en voulant bien examiner ces propositions et en leur donnant la suite qu’elles vous paraîtront devoir comporter.
Nous communiquons un double de cette lettre à l’Office fédéral de l’Emigration et à l’Office fédéral d’assistance en cas de chômage, en leur laissant le soin de se mettre, le cas échéant, en rapports avec votre Département dans cette affaire.