dodis.ch/44199
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 21 juin 19191

2230. Trains internationaux en Suisse

La Suisse est actuellement traversée par deux trains internationaux: le ParisVarsovie (train diplomatique) et le Simplon-Orient-Express. Ces trains circulent en vertu d’arrangements intervenus entre la Suisse et la France pour le premier et d’une Convention internationale passée récemment à Paris pour le second.

Le train Paris-Varsovie sert presque exclusivement au transit de militaires étrangers et de missions diplomatiques. Par concession spéciale, les militaires étrangers sont autorisés à traverser le pays en uniforme et le train est convoyé par une garde militaire, désarmée, il est vrai, en Suisse.

Le Simplon-Orient est un train commercial, mais il sert aussi au passage de militaires se rendant en Italie, en Serbie ou en Roumanie. En dépit des réclamations constantes du Département, il n’a pas été possible d’obtenir que ces militaires s’abstiennent tout à fait de porter l’uniforme en Suisse.

Au cas d’une reprise des hostilités, le Département considère comme hors de doute que la continuation du passage de ces militaires en uniforme par la Suisse, comme des armes que généralement ils transportent avec eux, est incompatible avec la neutralité et en particulier avec les dispositions des articles 2 et 5 de la convention de La Haye sur les devoirs des neutres en cas de guerre terrestre et avec leur interprétation doctrinale.

Désireux de conserver l’existence de ces trains, qui est précieuse pour assurer les relations de la Suisse avec les pays de l’Orient de l’Europe, le Département politique a étudié le moyen de concilier les deux principes en présence. Il croit que les garanties demandées par la note ci-après représentent le minimum de ce qui peut être exigé pour prévenir toute atteinte à la neutralité suisse et tout reproche de favorisation de l’un des belligérants.

La note en question devrait être notifiée à l’Ambassade de France, au cas de reprise des hostilités, et un double en pourrait être communiqué aux Légations des divers pays de transit des trains en vue de prévenir des malentendus et des difficultés.

Il est décidé:

Le Département politique est autorisé à adresser d’urgence à l’Ambassade de France, en cas de reprise des hostilités, la note suivante:

«Le Département politique fédéral a l’honneur de signaler à la bienveillante attention de l’Ambassade de France les conséquences que, vu la situation politique présente, le maintien des trains internationaux «Paris-Varsovie» et «Simplon-Orient-Express» serait susceptible d’entraîner pour la neutralité suisse au cas de reprise des hostilités.

Le Gouvernement fédéral est décidé à respecter scrupuleusement les obligations qui résultent de sa neutralité et, plus particulièrement en l’espèce présente, des articles 2 et 5 de la convention de La Haye, du 18 octobre 1907, concernant les droits et les devoirs des neutres en cas de guerre sur terre.

Il ne se dissimule pas combien il est désirable dans l’intérêt du commerce international de maintenir des relations ferroviaires entre l’Occident et l’Orient de l’Europe. Il a donc résolu de contribuer dans la mesure du possible à maintenir ces relations. Il ne peut cependant renoncer à aucune des mesures qui lui permettront de s’assurer que sur son territoire aucune dérogation n’est apportée aux principes d’une absolue neutralité.

Dans ces conditions, le Gouvernement fédéral croit devoir faire savoir à l’Ambassade de France que, dans le cas de la reprise des hostilités, la circulation des trains internationaux traversant la Suisse sera soumise aux restrictions suivantes:

1. Les trains en question ne contiendront ni troupes, ni munitions, ni approvisionnements. Des militaires étrangers en uniforme ne seront notamment plus admis à traverser la Suisse et les convoiements militaires ne seront plus autorisés.

2. Les autorités suisses exerceront librement dans ces trains les opérations de contrôle qu’elles jugeront nécessaires en vue de s’assurer qu’il n’est pas porté atteinte aux principes ci-dessus.

Le Département politique serait obligé à l’Ambassade si elle voulait bien consentir à porter d’urgence ce qui précède à la connaissance du Gouvernement de la République.

Il saisit cette occasion pour... etc....» et à remettre une copie de cette note aux diverses légations intéressées pour leur information.

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E 1004 1/271. Etait absent: F. Calonder.