Par décision en date du 4 mai 19183 le Conseil fédéral suisse qui, au cours de la guerre avait exprimé à plusieurs reprises sa vive sympathie à l’idée d’un ordre international fondé sur le droit, s’est prononcé en faveur de l’institution d’une commission extra-parlementaire, en vue d’étudier les problèmes concernant le développement et la réforme du droit des gens. En raison de l’extrême complexité de ces questions, le Conseil fédéral a cru devoir préciser que le travail de cette commission devrait d’abord être limité à l’examen des principes fondamentaux sur lesquels serait basée une société des nations. Parmi ces points principaux dont l’étude s’imposait de prime abord, le Département politique avait signalé surtout les problèmes de caractère juridique et des compétences d’une ligue de la Paix; de la manière de prévenir les conflits à main armée; de la médiation et de la procédure d’arbitrage; de la garantie de la paix et des moyens de coercition; de la position des États perpétuellement neutres en face de la nouvelle situation internationale. Au nombre des questions qu’on se proposait de soumettre ensuite à la commission figurent entre autres la réforme du droit de guerre et de neutralité, ainsi que les problèmes économiques qui se rattachent à la formation d’une Ligue des États4.
Dans son discours prononcé le 6 juin 1918 au Conseil national5, M. Calonder, Président de la Confédération, donnait un exposé détaillé de l’attitude de la Suisse vis-à-vis de la création d’une Société des Nations et fit savoir en même temps que le Conseil fédéral avait confié la tâche de rédiger un rapport sur l’ensemble des questions relatives à la réorganisation du droit des gens à M. Max Huber6, professeur à l’Université de Zurich, jurisconsulte du Département politique. La Commission consultative à laquelle ce rapport devait être soumis fut définitivement constituée par le Conseil fédéral dans sa séance du 17 septembre et composée comme suit7:
Diplomates:
MM. Ch. Lardy, Ministre plénipotentiaire, membre de l’Institut de Droit international et de la Cour permanente d’Arbitrage.
A. de Planta, Ministre plénipotentiaire.
Représentants des partis politiques:
MM. A Borella, député au Conseil national.
R. Forrer, député au Conseil national.
A. de Meuron, député au Conseil national.
G. Müller, député au Conseil national.
H. Schärer, député au Conseil des États.
J. Scherrer-Füllemann, député au Conseil national, président du groupe suisse de l’Union interparlementaire.
[F.] Studer, député au Conseil national.
A. Wirz, député au Conseil des États.
Représentants de la science juridique:
MM. Ch. Borgeaud, professeur à l’Université de Genève.
W. Burckhardt, professeur à l’Université de Berne.
V. Gottofrey, juge au Tribunal fédéral de Lausanne.
Eugène Huber, professeur à l’Université de Berne, associé de l’Institut de Droit international.
U. Lampert, professeur à l’Université de Fribourg.
W. Merz, juge au Tribunal fédéral de Lausanne.
P. Moriaud, professeur à l’Université de Genève.
Il est en outre prévu que pour l’examen de questions spéciales, par exemple d’ordre économique, la Commission pourra toujours faire appel aux services d’experts en ces matières.
La première session plénière de la Commission fut ouverte le 4 novembre8 à Territet, sous la présidence de M. Calonder, Président de la Confédération et chef du Département politique. Les délibérations rentraient dans le cadre du rapport qui avait été élaboré entre-temps par M. le professeur Max Huber et qui a trait principalement aux points suivants: participation des Neutres aux négociations de paix; manière d’assurer le maintien de la paix; caractère et étendue de la Société des Nations; institutions destinées à assurer le maintien de la paix, en particulier la médiation et les tribunaux d’arbitrage; développement du Droit des gens par des conférences internationales; garanties politiques et économiques; sanctions; entrée dans la Société des Nations; sortie; rapports avec des États qui n’en font pas partie.
Après avoir eu l’occasion de se prononcer sur la plupart des questions les plus importantes, la Commission s’ajourna en exprimant le vœu que les points soulevés au cours de la séance plénière fussent soumis à un examen approfondi de la part de diverses sous-commissions. Conformément à ce désir, le Département politique a convoqué à Berne une première sous-commission de laquelle font partie MM. Lardy, de Planta, Borgeaud, Eugène Huber et Scherrer-Füllemann. Dans sa session, qui a eu lieu dans la dernière semaine de novembre, cette Commission spéciale a étudié à fond les multiples problèmes concernant la médiation et l’arbitrage international en se basant sur un projet élaboré par M. le professeur Max Huber. Une autre sous-commission s’occupe des garanties économiques qu’on peut envisager pour garantir les obligations résultant du droit international9. Les résolutions auxquelles arriveront les diverses sous-commissions seront à leur tour examinées par la commission plénière, qui sera alors en mesure de formuler ses propositions définitives au Gouvernement de la Confédération. Dans la deuxième session plénière, qui est fixée pour le commencement de janvier, la commission s’occupera aussi des questions qu’elle n’a pas encore abordées10.