dodis.ch/43202 Der schweizerische Gesandte in Paris, Ch. Lardy, an den Bundespräsidenten und Vorsteher des Politischen Departementes, L. Forrer1

handschriftlich

J’ai pris froid à la séance de clôture de la conférence d’assistance aux étrangers et suis obligé de me soigner à domicile. D’aimables collègues ont la bonté de venir me voir et cela me permet de Vous envoyer quelques impressions sur la situation politique.

La démarche faite auprès de Vous par le ministre de Russie M. de Bacheracht m’a tout l’air d’un bluff dépourvu de toute espèce d’artifice. Il espère que nous parlerons, que nous répéterons ses menaces en l’air qu’il me paraît avoir fabriquées à Berne. Nous n’avons aucun motif pour recommencer le jeu de Dubs en 18702.

Il n’est plus douteux qu’entre l’Autriche et la Serbie il y a tout autre chose que la petite question d’un port sur l’Adriatique. En réalité il s’agit de savoir si l’Autriche vivra sa vie ou se laissera envahir par le slavisme. C’est une question d’existence. On peut ajourner parceque quelquefois les liquidations se font toutes seules, mais il y a les plus grandes chances pour que le même problème se repose avec une activité plus forte dans quelques années et avec une Russie plus forte. Dans cette lutte l’Allemagne n’est nullement désintéressée; elle a le devoir de soutenir les Autrichiens non seulement pour eux mais pour elle-même. Bethmann Hollweg qui est un bourgeois paisible a fait venir un membre de l’Ambassade d’Allemagne à Paris pour le consulter avant son discours au Reichstag. C’est après cette conférence, comme d’ailleurs aussi après la conférence avec le Kronprinz et le chef d’Etat-Major autrichien que Bethmann a déclaré: l’Allemagne marchera si une puissance tierce attaque l’Autriche.

L’opinion de l’Ambassade d’Allemagne à Paris avait été que les Français désirent la paix, ne demandant qu’à se tirer les pieds de cette affaire serbe et qu’il suffirait de montrer sérieusement les dents à Berlin pour qu’ici on se tienne tranquilles.

Ce calcul ne parait pas avoir été faux car si Vous prenez la peine de lire jusqu’au bout les pénibles et filandreuses déclarations faites hier par M. Poincaré à la séance de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre, Vous n’y trouverez pas la plus lointaine allusion à l’armée française venant au secours de la Sainte Russie. C’est significatif.

L’armistice étant maintenant signé il semble qu’il y aura moins de risques d’explosion. Dans tous les cas l’Angleterre ne veut pas entendre parler de guerre européenne; c’est un point acquis. Comme au fond l’Allemagne et la France sont du même avis, j’espère qu’on risque au maximum une paire de gifles aux Serbes si ces derniers persistent à revendiquer l’Albanie et autres prétentions exagérées. L’Autriche et l’Allemagne entendent affirmer plus que jamais leur alliance absolument indispensable contre les Slaves. Cette alliance s’impose comme l’ancienne confédération germanique et tout ce qui se passe ce temps-ci la confirme, la renforce et l’impose.

On n’a pas encore la confirmation officielle que les Ambassadeurs des grandes puissances à Londres seront chargés de suivre les négociations entre la Turquie et les Etats balkaniques. Cette confirmation est toutefois attendue d’un moment à l’autre. Comme la Grande-Bretagne est résolument pacifique le milieu sera favorable.

Le monde de la finance persiste impertubablement à croire à la paix entre autres parceque la Russie ne peut pas faire la guerre; la Bourse ne se préoccupe pas des bas et des hauts de la diplomatie, elle dit que cela s’arrangera et cela lui suffit.

Il est possible qu’un Français M. Gout, sous-directeur aux Affaires étrangères, et un Allemand M. von der Lancken soient chargés d’étudier en commune la défense des créanciers français et allemands de la Turquie; seulement M. Poincaré hésitaille sur cette affaire comme sur d’autres cequi lui enlève un peu de son autorité.

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Politischer Bericht: E 2001 (A), Archiv-Nr. 665.
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Von Forrer mit Fragezeichen versehen. - Jakob Dubs, 1870 Bundespräsident und Vorsteher des Politischen Departements, wurde am 14. Juli früh vom Vertreter des Norddeutschen Bundes in Bern, General v. Roeder, über den Inhalt der von Bismarck an alle diplomatischen Vertretungen Preussens und des Norddeutschen Bundes übermittelten sogenannten «Emser Depesche» informiert. Dubs gab die Depesche gleichentags an den französischen Gesandten René Comte de Comminges-Guitaud weiter, der den Text umgehend an seine Regierung telegraphierte. (Dies war die erste dort eingegangene und von Ollivier am 15. Juli in der Kammerdebatte über die Kriegserklärung an Preussen vorgelegte Version der «Depesche».