dodis.ch/42851 Le Ministre de Suisse à Rome, G.B. Pioda, au Président de la Confédération et Chef du Département politique, A. Deucher1

J’ai eu aujourd’hui une audience du Roi. Il m’a de suite parlé du Simplon en se réjouissant de la décision du Conseil des Etats et en se montrant tout confiant en celle du Conseil national, et eut des expressions très flatteuses pour notre pays. Il a passé ensuite à d’autres sujets.

M. Tittoni, qui recevait aujourd’hui le corps diplomatique, me reçut très cordialement et me parla aussi de suite du Simplon en exprimant de même sa confiance dans la décision du Conseil national en faveur de la Convention du 16 mai.2 Il ajouta: «Veuillez dire à votre Gouvernement que nous sommes animés des meilleurs sentiments vis-à-vis de la Suisse que nous aimons cordialement et que nous estimons hautement. Nous ne rendons nullement votre Gouvernement responsable du langage de la presse suisse qui nous a peints comme le méchant voisin, mais je vous avoue que je ne comprends pas la raison pour laquelle on veut nous attribuer ce vilain rôle. Au nom de notre ancienne amitié personnelle, je vous prie de me parler sans réticence et de m’expliquer les craintes manifestées en Suisse à propos de cette Convention du Simplon et spécialement de cette délégation internationale à laquelle nous attribuons un caractère académique et d’utilité commerciale. Nous étions bien loin d’y donner une importance politique quelconque.» Je n’ai pas hésité à expliquer avec toute franchise à M. Tittoni les raisons des manifestations de la presse et de l’opinion publique suisses à l’égard du Gouvernement italien. Les exagérations et l’ignorance de la presse ont été assez stigmatisées dans le discours de Monsieur le Conseiller fédéral Zemp au Conseil des Etats.3 Quant à l’opinion publique suisse, elle n’a pas encore oublié que le Gouvernement italien n’a pas observé la clause de l’arbitrage contenue dans le traité de commerce qui vient d’être dénoncé, lors de la question du paiement des droits de douane en or4; et au sujet du Simplon, après la note de M. Visconti-Venosta, on s’attendait à ce que le Gouvernement se serait contenté de régler les modalités du transfert de la concession à la Confédération, sans soulever de nouvelles questions comme celle concernant l’exploitation du tronçon IselleDomodossola, etc.

M. Tittoni observa que les états-majors soulèvent toujours dans tous les pays des entraves et me cita la solution des difficultés soulevées par les états-majors italien et français au sujet de la ligne Cuneo–Nizza par Messieurs Morin et Delcassé lors du voyage du Roi à Paris. M. Tittoni termina par dire qu’il avait confiance que par de franches explications de part et d’autre on aplanirait toujours toute difficulté entre nos deux pays, faits pour s’entendre et pour s’unir dans des œuvres de progrès.

1
Lettre: E 53/95.
2
Cf. Convention entre la Suisse et l’Italie pour le transfert à la Confédération de la concession du gouvernement italien à la Compagnie Jura- Simplon pour la construction et l’exploitation du chemin de fer du Simplon du 16 mai 1903 (FF, 1903, IV, pp. 260–268). Le Conseil des Etats ratifie la convention le 10 décembre et le Conseil national le 16 décembre 1903. Cf. RO, 1904, vol. 20, pp. 4–5.
3
Bulletin sténographique, 1903, pp. 821–827.
4
Cf. E 13 (B)/220.