dodis.ch/42588 Le Ministre de Suisse à Rome, G. Carlin, au Chef du Département des Affaires étrangères, A. Lachenal1

J’ai eu l’occasion de voir hier un ami qui est actuellement attaché militaire à l’ambassade d’Autriche-Hongrie à Rome. Dans le cours d’une conversation toute intime, et manifestement sans aucune arrière-pensée, mon interlocuteur m’a dit que si l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie tenaient à l’alliance avec l’Italie, c’était: lAllemagne pour que, en cas de guerre, les troupes du Roi, massées à la frontière franco-italienne, retinssent un corps d’armée français en Provence; lAutriche-Hongrie pour être bien sûre de ne pas être attaquée à sa frontière sudouest et pouvoir déployer toutes ses forces contre la Russie. Que toute idée de réunion de troupes italiennes à des troupes allemandes ou austro-hongroises avait été abandonnée; qu’on tenterait tout aussi peu à forcer le Gothard, le Simplon ou n’importe quel autre passage des Alpes suisses qu’on ne pensait à faire passer des troupes italiennes par le Brenner.

Mon interlocuteur a ajouté qu’il avait étudié dernièrement les moyens de mobilisation dont disposait l’Italie et qu’il avait dû se persuader que les Italiens auraient, d’ailleurs, toutes les peines du monde à transporter au Piémont ou en Lombardie leurs troupes provenant de Sicile et des provinces situées au sud de Naples. Que l’action de la flotte serait probablement paralysée, dès le début, par la flotte française et que les lignes de Reggio (Calabria) à Naples et de Rome à Gênes le long de la mer étaient, du point de vue stratégique, dans des conditions aussi défavorables que possible. En effet, ces lignes sont fort mal bâties et exposées sur un grand nombre de points à des coups de main de l’ennemi.

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Lettre: E 2300 Rom.