dodis.ch/42306 Der Bundespräsident und Vorsteher des Politischen Departements, N. Droz, an den schweizerischen Gesandten in Paris, Ch. Lardy1

Pour faire suite à mon télégramme chiffré d’hier soir2, je crois utile de vous donner quelques détails sur la manière dont le Conseil fédéral a envisagé la question après avoir pris connaissance de votre rapport sur la conférence que vous avez eu avec M. Flourens jeudi 24 courant.3

Au premier abord nous avons été un peu surpris de la réserve avec laquelle il a accueilli vos ouvertures officielles, mais nous nous la sommes expliquée par le désir qu’a le Gouvernement français et que nous partageons complètement de ne rien faire qui puisse être envisagé par d’autres Etats comme le résultat de visées ou de craintes spéciales que la situation ne comporte pas. D’un autre côté, nous devons attacher du prix, de part et d’autre, comme vos précédents entretiens avec des membres du Cabinet l’ont fait ressortir, à régler sans retard les détails d’exécution des stipulations internationales, pour ne pas nous laisser surprendre par des événements qui, s’ils sont encore incertains, peuvent éclater à bref délai.

Il nous paraît que ces deux ordres de considérations sont parfaitement conciliables; le programme que vous a exposé M. Flourens, dans votre entretien du 19 février après-midi4, est entièrement conforme à celui que je vous envoyais le 19 au matin par dépêche chiffrée:5 Entendons-nous sans bruit et sans retard, comme une mesure de bonne précaution.

La forme de la convention est certainement celle qui serait préférable, pour les motifs que vous avez si bien exposés à M. Flourens. Mais on peut aussi adopter celle d’un échange de correspondances, à condition toutefois que chaque point, délibéré verbalement comme s’il s’agissait d’une convention, soit ensuite noté et numéroté, ainsi que le proposait lui-même M. le Ministre des Affaires étrangères. Cela facilitera en particulier les citations et les publications éventuelles (affiches, proclamations, etc.). Il faudrait alors convenir que cet arrangement aura un caractère définitif, et n’est pas simplement destiné à être transformé en convention, car les inconvénients que je vous signalais dans ma dépêche du 22 courant6 (remise au Colonel Schweizer) se produiraient alors, exactement comme si nous nous bornions à signer une carte et un texte ne varietur pour ne rendre l’arrangement définitif que par une nouvelle signature et un échange de ratifications.

Vous pouvez donc, sous ces réserves, entrer dans les vues de M. Flourens quant à la forme d’un échange de correspondances. Et pour que l’on ne puisse donner une fausse interprétation aux mesures que nous arrêtons, il est bien entendu que c’est la Suisse qui prendra l’initiative dans cet échange de notes, comme elle l’a prise en réalité pour l’ouverture des négociations actuelles. J’ai préparé à cet égard un projet de note7 ci-joint qui répond aux vues du Conseil fédéral et que vous pourrez expédier s’il y a lieu, à moins que vous n’ayez des remarques à y faire, lesquelles je vous prierais de me communiquer sans retard.

En ce qui concerne le texte soit de la convention, soit des points à admettre dans un échange de notes, je crois que les critiques faites à notre projet par M. Flourens ne sont fondées que sur un point: la citation de la ligne de démarcation du territoire neutralisé. C’est le seul point au sujet duquel nous reproduisions, d’une manière qu’on peut envisager comme surabondante, les traités de 1815. Les autres citations très partielles qui en sont faites sont nécessaires pour amener les déductions que nous en tirons, savoir: le point de départ de l’application de la convention est la déclaration de neutralité du Conseil fédéral (à ce sujet je dois remarquer qu’on peut s’en remettre à notre loyauté et à notre bon sens de ne pas faire une telle notification si les circonstances ne l’exigeaient pas, mais nous ne pouvons nous subordonner à la volonté d’une autre puissance pour déterminer le moment où cette notification doit être faite); – les troupes françaises se retireront dans le délai à déterminer; – à partir de ce moment, la défense du territoire incombe à la Confédération; les autorités militaires suisses défendront ce territoire au mieux des circonstances, sans avoir à suivre les injonctions d’une autre puissance (il est certain que ce point est déjà nettement fixé par les traités, et que la fin du second paragraphe de l’article premier8 n’est essentiellement qu’une paraphrase, mais cette paraphrase a sa très grande importance, il faut insister pour la faire admettre dans les points à stipuler; en tout cas elle doit faire l’objet d’une déclaration formelle que les deux parties l’entendent bien ainsi); – la garantie de l’Administration civile est soumise à certaines réserves de détail plus explicites que dans les traités.

Il serait aussi fort utile que la France nous donnât l’assurance officielle, comme un nouveau gage de ses intentions de respecter scrupuleusement notre neutralité, qu’elle ne songe pas à placer des troupes dans le Pays de Gex, où leur présence, au point de vue militaire français, ne peut avoir aucune raison d’être. Je vous charge d’aborder ce point avec la délicatesse que vous saurez y mettre, dès que l’on sera d’accord en substance sur les autres.

Quant à la publicité, nous avons, comme je vous le dis en commençant, le même intérêt que la France à ne pas faire naître des suppositions erronnées sur nos arrangements. Nous garderons donc la chose dans le domaine de notre correspondance diplomatique ordinaire dont, comme vous le savez, nous ne publions rien. Je suis persuadé qu’il nous sera très facile, en raison de nos habitudes, de tenir compte des vœux de la France à cet égard.

Encore un mot au sujet de la ligne de démarcation. Nous avons envisagé, après un mûr examen, qu’il était préférable de ne pas indiquer notre ligne, en raison de certaines incertitudes des textes, mais plutôt celle derrière laquelle les troupes françaises devraient se retirer. Nous avons tracé cette dernière aussi près que possible des indications des traités, ensorte que la zone inoccupée éventuellement est réduite presque à rien. Notre proposition éventuelle se rapproche encore davantage de la ligne rigide; vous la recevrez par le même courrier.9

1
Schreiben: E 2200 Paris 1/0185.
2
Nicht abgedruckt.
3
Vgl. Nr. 325.
4
Vgl. Nr. 322.
5
Nicht abgedruckt.
6
Nr. 324.
7
Nicht abgedruckt.
8
Artikel 1, 2. Abschnitt des Vertragsentwurfs lautet: [...] Dans un délai de... jours à dater de cette notification, le Gouvernement français retirera ses troupes qu’il pourrait avoir sur le territoire savoisien neutralisé (savoir le Chablais, le Faucigny et le territoire qui se trouve au nord d’une ligne à tirer depuis Ugine, y compris cette ville, au midi du Lac d’Annecy, par Faverges jusqu’à Lecheraines, et de là au lac du Bourget jusqu’au Rhône); et la Confédération prendra sous sa sauvegarde ce territoire et en défendra la neutralité du territoire suisse. Elle pourra en conséquence y placer des troupes et les déplacer et en général prendre toutes les dispositions militaires qu’elle jugera à propos pour défendre, au mieux des circonstances, la neutralité totale tant suisse que savoisienne, dont le maintien est garanti, en même temps qu’il est confié à sa vigilance par les traités européens (E 2200 Paris 1/0185).
9
Nicht abgedruckt.