dodis.ch/41505 Le Ministre de Suisse en Italie, J. B. Pioda, au Président de la Confédération, J. Dubs1

1° Les vers à soie éclos de la graine provenant du Japon ont réussi à merveille; les uns disent qu’ils ne contractent la maladie dominante (l’atrophie) qu’après la quatrième année; d’autres vont plus loin et soutiennent que non seulement ces vers issus de la 4ème année n’ont pas cette contagion, mais que même ils sont devenus plus grands et plus robustes et que la soie a perdu la couleur verdâtre pour prendre un beau jaune paille, et qu’elle est plus abondante et plus fine; en d’autres mots, les vers à soie du Japon auraient dans 4 ans, en s’acclimatant, acquis les qualités des vers à soie les plus appréciés de la Lombardie, avant la maladie.

Ce fait a fait tourner les yeux vers les pays qui, ensuite des traités et ayant des consuls au Japon, sont dans le cas de se procurer de la graine; et par conséquent vers la Suisse.

Le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur Visconti-Venosta, me recommanda dans ce but M. l’ingénieur Ticozzi, l’un des grands cultivateurs de la Lombardie.

Hier, jour d’audience ordinaire, causant de cet objet, je rendis le Ministre attentif à la circonstance qu’il serait assez difficile de faire droit à sa recommandation attendu que le Gouvernement fédéral, très probablement, ne serait pas dans le cas de satisfaire aux demandes qui lui parviendront de la part des Suisses en fort grand nombre.

M. le Ministre reconnut la justesse de mon objection quant à sa recommandation pour un simple particulier; mais comme il parut me montrer le désir d’obtenir une certaine quantité de la dite graine pour le compte de l’Etat, dans l’intention de la distribuer dans les différentes provinces du royaume, d’après certaines règles qui seraient adoptées, je lui dis que l’affaire changeait alors de face et que, ce que le Conseil fédéral pourrait difficilement faire pour un individu, simple spéculateur, il pourrait au contraire, à mon avis, le faire avec raison pour un gouvernement voisin et ami. Je lui promis de vous en écrire confidentiellement afin d’être sûr que, s’ils se décidait à formuler la demande, elle puisse être accueillie.

Il me semble qu’en rendant ce petit service, le Gouvernement suisse n’a qu’à gagner.

D’abord tout ce qui améliore et augmente la soie grège en Italie facilite les fabriques suisses qui produisent des étoffes et des rubans; en second lieu, l’Italie ne tardera pas à envoyer une ambassade au Japon pour la stipulation d’un traité et l’établissement d’un consulat. Le ministre m’a même demandé des données sur la manière dont nous nous y étions pris; il se pourrait, par conséquent, que nous, qui n’avons qu’un consulat sans marine2, fussions bientôt dans le cas d’obtenir de cette dernière la protection morale et matérielle qui, dans ces parages, est si souvent une nécessité.

Enfin la proximité de l’ouverture de nouvelles négociations pour le traité de commerce nous conseille également d’accorder cette facile faveur.

Si donc le Conseil fédéral serait disposé à faire son possible pour obtenir une certaine quantité, par exemple une vingtaine de kilogrammes, de graines de vers à soie du Japon en faveur du Gouvernement italien, je vous prie de m’autoriser à en faire la communication confidentielle au Ministre des Affaires étrangères.3

2° J’ai dans la même conversation attiré l’attention du Ministre sur le mauvais effet produit par l’interprétation donnée à l’art. 9 du traité de commerce de 1851.4 Je lui fis observer que la rédaction de cet article parlait clairement en notre faveur. J’avais appris les plaintes des négociants suisses à Naples de ce Consul général M. Meuricoffre; et j’avais vu dans les journaux les démarches toutes récentes du Gouvernement de Lucerne en vue principalement du droit d’entrée sur les fromages réduit à fr. 4.– par le traité franco-italien.

Sans entrer dans une discussion formelle, le Ministre me dit que la différence de traitement provenait de la différence des articles analogues dans les différents traités; que là où l’on avait voulu donner le sens prétendu par la Suisse, la rédaction était explicite. Je lui répliquai qu’il suffisait à la Suisse que l’article contenu dans son traité fût clairement rédigé dans le sens qu’elle lui attribue, et qu’il ne lui appartenait pas d’aller chercher les droits dans les traités stipulés par l’Italie avec d’autres nations. Sans continuer la discussion, le Ministre ajouta que la question pouvait être bientôt résolue, puisque, de part et d’autre, on était disposé à entamer sans délai les négociations pour le renouvellement du traité.

1
Lettre: E 13(B)/208.
2
Yokohama, où le consul est Rodolphe Lindau.
3
Dubs donne son accord par une lettre à Pioda du 21 juin 1864. E 2200, Florence 1/1.
4
Cf. No 501, note 4.