dodis.ch/41190 Le Conseil fédéral au Conseil d’Etatdu Canton du Tessin1

Par votre office du 30 août écoulé2 vous nous adressez des réprésentations sur notre position vis-à-vis du canton du Tessin dans le conflit avec l’Autriche pour en faire découler les devoirs qui nous incombent en notre qualité d’autorité fédérale.

Si nous voulions soumettre votre argumentation à un examen approfondi, nous ne pourrions éviter d’entrer dans des discussions qu’il convient d’éviter dans les conjonctures actuelles. Nous estimons mieux servir les intérêts de votre canton et ceux de la Confédération en nous bornant à préciser d’une manière claire la situation actuelle et à déterminer la marche que nous nous proposons de suivre.

Nous devons avant tout exprimer notre étonnement et notre regret de ce que votre office tout entier repose sur l’idée que le Conseil fédéral considère le conflit avec l’Autriche comme une affaire exclusivement cantonale. Cette interprétation de notre missive du 22 août3 est entièrement erronée. Dans le conflit avec l’Autriche nous n’avons jamais eu l’intention d’intervenir en qualité de médiateur ni même d’intermédiaire à teneur de l’article 10 de la Constitution fédérale. Au contraire, nous reconnaissons le principe qu’une injustice faite à une partie de la Confédération atteint la Confédération elle-même et que par conséquent l’affaire dont il s’agit est fédérale. Si donc dans notre message à l’Assemblée fédérale4 ainsi que dans notre office du 22 août nous avons signalé l’affaire des capucins comme étant avant tout (vorherrschend) l’affaire du canton, c.-à-d. comme une affaire qui intéresse principalement le canton du Tessin, il n’aurait pas dû échapper à votre gouvernement que la manière dont le Conseil fédéral a procédé jusqu’à présent, aussi bien que les assurances données dans l’office même du 22 août, disent suffisamment qu’il saisira toutes les occasions de travailler au rétablissement du précédent état de choses pour autant que le permettent les moyens convenables et honorables dont la Confédération dispose.

En effet le Conseil fédéral a défendu de son mieux le canton contre le reproche mal fondé de participation à l’attentat de Milan et contre l’imputation que la sécurité de la Lombardie est compromise du côté du canton du Tessin, tout comme aussi il a fait ressortir le droit qu’avait votre Etat de renvoyer les capucins étrangers, et il s’est efforcé de faire révoquer les mesures violentes prises contre le canton. Il a pareillement mis tous ses soins à alléger le sort de ceux qui ont été frappés si durement, soit en leur procurant du travail soit en leur accordant des subsides. Le Conseil fédéral persévérera dans cette voie et concourra à toutes les mesures compatibles avec l’honneur et la dignité de la Confédération et de nature à atteindre au but désiré. Le reproche que la Confédération abandonne le canton à luimême est donc dénué de tout fondement. Mais quant à la question de savoir si l’on aurait pu faire davantage, personne n’a proposé d’autre moyen, ni l’Assemblée fédérale, ni même le gouvernement de votre canton. Personne n’exige de la Confédération qu’elle contraigne par des voies aggressives l’Autriche à révoquer ses mesures; personne n’a conseillé des représailles, parce qu’on prévoyait avec raison que, tout en se faisant un plus grand tort à soi-même, on n’atteindrait néanmoins pas le but; et pour ce qui concerne la proposition d’acheminer un arrangement en accordant des pensions aux capucins renvoyés, il n’était nullement dans notre intention de vous adresser des exigences ou de vous imposer des mesures que vous considéreriez comme inacceptables. Vous partagerez sans doute aussi notre conviction que la Confédération ne saurait faire des démarches que le Tessin non seulement ne propose et ne demande pas, mais encore qui, dans la dernière session de l’Assemblée fédérale, ont sans détour été qualifiées d’inadmissibles de la part de la Confédération.

Dans votre office du 30 août vous donnez à entendre que l’on pourrait invoquer la médiation de la France et de l’Angleterre pour aplanir le différend. Mais une politique bien entendue de la Confédération a jusqu’à présent et pour de bonnes raisons toujours évité de recourir à une pareille médiation. La Suisse se trouve dans de trop bons termes avec ces puissances pour pouvoir invoquer de leur part une médiation qui pourrait facilement avoir pour effet d’altérer cette harmonie. Une autre proposition, celle de placer dans des couvents sardes les capucins expulsés, promet si peu un résultat favorable, que le Conseil fédéral n’a pas cru devoir faire des démarches sans une demande formelle du Gouvernement du Tessin.

Si dans les circonstances actuelles le canton du Tessin ne trouve pas qu’il soit dans son intérêt de faire des propositions quelconques, le meilleur parti à prendre est de persévérer dans la résistance opposée jusqu’à ce jour aux injustes mesures de l’Autriche, en attendant que l’on trouve les voies et moyens de donner une tournure plus favorable à la situation.

Tout comme en temps de guerre un peuple doit se résigner aux plus grands sacrifices pour sauver son honneur et son indépendance, de même le peuple tessinois est maintenant appelé à supporter, comme il l’a fait dès l’origine, avec dignité les épreuves qui lui sont départies, plaçant sa confiance dans les sympathies actives des confédérés et dans l’appui du Conseil fédéral qui ne cessera d’alléger par tous les moyens en son pouvoir le sort de confédérés si durement frappés par les mesures de l’Autriche.5

1
Lettre (Minute): E 2/355.
2
Non reproduit.
3
Non reproduite.
4
Message du 8 juillet, non reproduit, publié dans FF 1853, III, p. 89–108.
5
Voir le procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 11 octobre 1853.[...]Hierauf legt das Präsidium die Vorschläge der Abgeordneten des Kantons Tessin in Bezug auf die Lage und Verhältnisse des dortigen Kantons zur Berathung vor und zwar A.) diejenigen in Bezug auf den Anstand mit Österreich, dahin lautend: «Die Regierung des Kantons Tessin erklärt sich bereit, diejenigen Geldopfer, die zur Beilegung der mit Österreich waltenden Anstände nothwendig werden, zu übernehmen, indem sie dem Ermessen der Bundesversammlung anheimstellt zu entscheiden, auf welche Weise die Eidgenossenschaft sich hiebei betheiligen wird.» Es wurde beschlossen, es sei den Herren Delegirten durch das Präsidium zu eröffnen: dass der Bundesrath jede Gelegenheit benuzen werde, um im Interesse der Schweiz und des Kantons Tessin zu wirken, dass er aber namens der Eidgenossenschaft kein weiteres Anerbieten an Österreich machen könne. Wünsche die Regierung von Tessin von sich aus, dass in ihrem Namen ein weiteres Anerbieten an Österreich gemacht werde, so gewärtige der Bundesrath eine einfache und bestimmte Mittheilung. Herr Bundesrath Druey erklärt zu Protokoll, dass er hiezu nicht gestimmt sondern sich dafür ausgesprochen habe, dass der Bundesrath fortfahren werde, sich für die Aufhebung des Blocus zu verwenden. Im Weitern erklärt Herr Bundesrath Franscini zu Protokoll, dass er ebenfalls hiezu nicht, sondern für Annahme der vom politischen Departement vorgetragenen Deklarationsform (diejenige der Abgeordneten) gestimmt habe, in dem Sinne jedoch, dass zur Verhütung jeder Zweideutigkeit (Missverständnisses) auch eine Bestimmung aufgenommen werde, dahin gehend, dass die bei dem österreichischen Kabinete einleitenden Schritte im Namen des Kantons Tessin geschehen. [...] (E 1004 1/15, no 4280).