dodis.ch/41023 L’Envoyé extraordinaire de la République romaine à Berne, F. De Boni, au Président de la Confédération, J. Furrer1

Par ordre de mon Gouvernement je dois me prendre la liberté de rappeler l’attention du Conseil fédéral sur les capitulations de Naples. Je m’exprimerai avec cette digne franchise qui convient au représentant d’un peuple qui combat pour sa liberté, et qui parle aux élus d’une nation qui a su conquérir ses propres droits depuis des siècles et les garder inviolablement.

Les capitulations ne sont pour vous qu’un triste héritage des anciens gouvernements et des systèmes hostiles à celui qui existe à présent, un héritage que vous voudriez, chacun le sait, rejeter bien loin de vous. Les capitulations répugnent explicitement aux principes du nouveau pacte fédéral; contre elles s’élèvent non seulement les cris de réprobation de l’Italie et de l’Europe, mais encore la voix et l’âme du peuple helvétique, témoin les protestations de la presse libérale, les manifestations des assemblées populaires, et l’honorable initiative que viennent de prendre plusieurs cantons capitulés et non capitulés. Un peuple généreux comme le peuple suisse, gardien sévère de sa gloire et du feu républicain depuis des siècles, ne voudra pas, pendant que l’Italie combat, se désavouer ni confondre la justice avec la victoire; il ne voudra pas qu’on dise: il a tenu pour les oppresseurs des peuples dès qu’il a vu ces oppresseurs triompher de nouveau.

Loin de nous cette pensée! Vos paroles, l’honneur de la Suisse, que vous soutenez si fièrement, la constitution fédérale et l’humanité ont déjà stigmatisé ces marchés honteux; ils sont interdits pour l’avenir. Nous savons que la Suisse regarde avec de généreuses sympathies les épreuves et les batailles du peuple italien, et que sa position dans la famille européenne la contraint de jeter un regard en quelque sorte impassible, du haut de ses montagnes et l’arme au bras, sur le douloureux spectacle qui désole notre belle patrie. Mais une pareille neutralité n’existe pas réellement à l’égard de la République romaine, parce que Naples qui médite de nous combattre a sous ses drapeaux des troupes helvétiques. La révolution italienne devra tôt ou tard passer sur le corps de ces soldats qui sont toujours les enfants de la Suisse; ce malheur serait d’autant plus déplorable que maintenant vous pouvez le prévenir. Non, ce n’est point par le sang qu’on peut établir et consolider la fraternité des peuples.

Mon Gouvernement ne sollicite pas V. E., ni l’Assemblée fédérale, à rompre les capitulations subsistantes, parce qu’il veut laisser une entière liberté à vos désirs et à vos efforts qu’il sait apprécier, mais il est disposé à en seconder l’essor autant qu’il pourra, afin d’écarter toute difficulté matérielle, et d’accélérer ainsi cet acte selon la mesure de ses pouvoirs. Il m’a ordonné par conséquent de vous déclarer qu’il s’offre de contribuer aux indemnités pécuniaires que l’on croira convenable d’accorder d’après un règlement amiable, aux régiments suisses qui en vertu d’une déclaration du Gouvernement fédéral, quitteraient le service de Naples. Il en a écrit aux gouvernements qui sont italiens par le cœur et par les actes et il m’a donné les pouvoirs nécessaires pour examiner et résoudre cette question.2

1
Note: E 2/1118.
2
Transmise aux cantons capitulés avec une circulaire du 13 avril 1849 (non reproduite).