dodis.ch/41009 Le Conseil fédéral au Conseil d’Etat du Tessin1

Nous avons appris avec beaucoup de peine par une lettre des commissaires fédéraux dans votre canton et par les pièces qui l’accompagnent2 que, malgré la bonne volonté dont vous êtes animés et vos louables efforts, le Tessin est de nouveau le théâtre d’actes incompatibles avec la neutralité de la Suisse et l’obéissance due au décret de l’assemblée fédérale du 27 novembre dernier3, actes qui peuvent d’ailleurs avoir des conséquences très graves pour la Confédération et votre canton en particulier. Il ne s’agit de rien moins que de bandes et d’émissaires introduisant de votre canton dans la Lombardie des armes, des munitions, des proclamations et d’autres écrits incendiaires; de comités qui seraient un foyer d’agitation et d’excitation à l’insurrection dans ce pays voisin; en un mot, de menées diverses qui ont provoqué des plaintes de la part des généraux autrichiens. Les choses en seraient au point que non seulement les anciennes relations de bon voisinage ne peuvent pas encore être rétablies, mais que votre canton est menacé de nouvelles mesures de représailles et la Suisse de perturbations dans ses rapports internationaux ainsi que de grands embarras.

Ces plaintes, à supposer même qu’elles fussent exagérées, doivent être prises en sérieuse considération.

C’est pourquoi nous adressons aux commissaires fédéraux dans votre canton la lettre dont copie est ci-jointe4 et que vous voudrez bien considérer comme si elle vous était adressée à vous-mêmes.

Vous y verrez entre autres que nous rendons pleine justice à vos intentions et aux efforts que vous faites pour assurer l’entière et loyale exécution du décret du 27 novembre, mais qu’il paraît que vos mesures sont insuffisantes ou paralysées par quelques citoyens et une partie de la population qui semblent ne connaître ni la position de votre canton ni ses devoirs et les leurs envers l’autorité fédérale, qui ont l’air d’ignorer qu’en se livrant à des actes qui touchent aux relations internationales ils usurpent les pouvoirs de la Confédération et violent sa constitution; que pour vous entourer de plus de force, éviter à votre canton les désagréments et les frais d’un nouvel envoi de troupes fédérales et le préserver des représailles dont il est menacé, nous avons donné pour instruction aux commissaires fédéraux de requérir de vous des mesures de police efficaces, afin de faire cesser les actes dont on se plaint et d’en prévenir le retour.

Nous appelons tout spécialement votre attention sur les passages de notre lettre aux commissaires fédéraux où nous faisons ressortir que les frais occasionnés par un nouvel envoi de troupes fédérales dans le Tessin ou à la frontière, si l’inefficacité de vos mesures le rendait nécessaire, ou s’il le fallait pour faire respecter la Suisse, tomberaient inévitablement à la charge de votre canton, puisqu’il s’agirait de procurer l’entière obéissance aux ordres de la Confédération et que le décret du 27 novembre 1848 rend le gouvernement tessinois responsable de son exécution.

Le Conseil fédéral vous invite donc, Tit., de la manière la plus amicale et la plus pressante à prendre spontanément les mesures propres à faire cesser les plaintes dont votre canton est l’objet, et pour le cas où les commissaires fédéraux vous adresseraient l’une ou l’autre des demandes et réquisitions mentionnées dans la lettre que nous leur adressons aujourd’hui, nous vous invitons aussi à y obtempérer.

Nous ne doutons point, Tit., que vous ne reconnaissiez dans la présente communication ainsi que dans la lettre dont une copie l’accompagne l’esprit de bienveillance et de sollicitude pour votre canton et ses autorités qui les ont dictées, le désir sincère de vous faciliter l’accomplissement d’une tâche pénible.5

1
Lettre (Copie): E 2/339.
2
No 8.
3
No 1, annexe.
4
Non reproduite.
5
Publiée dans FF 1848/49 I, p. 265-267.